L'expression "C'est sans compter sur..." – que non seulement j'entends de plus en plus fréquemment sur les antennes de France Inter et même France Culture, mais qu'il m'arrive maintenant de lire – ne constitue pas seulement une "faute" par rapport à une règle grammaticale arbitraire (ça, je m'en fous) : il s'agit bien d'une erreur de logique, liée au sens des mots utilisés manifestement sans réfléchir, c'est cela qui me fait bondir chaque fois. Parce que le sens des mots est essentiel, et que l'absence de réflexion est peut-être ce qui fait le plus de ravages ...
En effet, que veut dire "compter sur" (quelque chose, quelqu'un) ? Il me semble que cela signifie faire confiance, attendre quelque chose de positif (une aide, un soutien, une prévention, une réparation...) ; or lorsque l'on emploie "c'est sans compter sur", c'est au contraire pour signifier que l'on omet de prendre en compte un effet ou une action négative, hostile ou nuisible : "c'est sans compter sur les attentats", ou "sur la tempête Tartempion", cela veut dire que l'on a oublié de "compter sur" ces événements-là... Autrement dit, que l'on a oublié de leur faire confiance : cela pourrait certes avoir un sens ironique, mais l'usage systématique de cette tournure me laisse penser qu'il n'en est rien, que c'est simplement un manque de discernement dans le choix des mots.
Il suffirait en fait d'enlever le "sur" pour obtenir l'expression exacte (dans le sens de "logique"), non tordue par cet usage machinal et irréfléchi de la langue qui me semble problématique de la part des professionnels des mots que sont les journalistes : "c'est sans compter [les attentats, la tempête]", autrement dit "c'est sans prendre en compte" (ce qui revient au même, en plus long), ou encore "c'est compter sans" (dans le sens de "calculer, prévoir, s'organiser... sans"), sont des expressions relativement élégantes, et qui en tout cas tiennent debout, contrairement à cet horrible "c'est sans compter sur"…