Madame la médiatrice,
Le vrai sujet de mon courriel, la folie, nouvelle dans son intensité, des liaisons : les zélateurs Zimbéciles Zet insistants de cette manie langagière ont donc eu raison de la belle langue orale, qui n'a pourtant pas à être une constante vérification de la bonne connaissance orthographique du locuteur ! c'est, au fond, toujours la même question qui se pose : la radio, comme d'ailleurs la télévision, relèvent-elle de l'oral (ce qui ne serait pas le signe d'une baisse de qualité, bien au contraire) ou de l'écrit "lu à l'antenne" ? Les liaisons, qui deviennent désormais une forme de respect obséquieux d'on ne sait quelle injonction aussi inepte qu'impérative, et pullulent dans toutes les stations audiovisuelles, n'épargnent pas notre chère antenne de France Inter. Ainsi, à l'image de la publicité attachée à la Météo et qui vante un produit réparant les "mainsZabîmées", les portes qu'on déclare ouvertes ne donnent plus lieu à des "portouvertes" mais à de lourdes "porteuZouvertes", avec en outre ce "eu" qui indique aussi la fin progressive du "e" muet. Ce dernier marquait également une belle façon de parler le français, avec grâce et légèreté : sans doute sur la voie de l'illettrisme, certains chroniqueurs nous parlent de "Stenndhal" (qu'ils semblent prendre pour un écrivain anglais publié en traduction ou peut-être pour un auteur régional breton) et citent son fameux roman "Leu Rouge et… leu Noir" que naguère les bienheureux qui l'avaient lu - ne serait-ce qu'en Seconde au lycée - prononçaient encore "Le Rougetl'Noir". A longueur d'antenne, on lance désormais des "coups deu gueule" (coup d'gueule), on a des coups deu blues, on prend un coup deu soleil, on passe en coup deu vent, autant de coups deu Jarnac à la langue… Pour en revenir aux liaisons, citons également celle, parfaitement réprouvée dans les manuels, que certains se croient tenus de faire avec le "t" du présentatif "c'est" et qui a donné naissance à de nombreux et nouveaux prénoms : Tive (pour mémoire C'estTYves Calvi), Tantoine (C'estAntoine de Caunes), etc. De même pour la préposition "chez" qui ne devrait jamais donner lieu à une liaison avec un nom propre : on ne va pas cheZHélène, bien qu'on aille effectivement cheZelle", ni cheZHenri (bien qu'on aille chez lui mais là ça n'a aucun rapport…).

Je vous recommande vivement - et vous serais infiniment reconnaissant - de diffuser ce lien vers le site très sérieux de l'enseignement du français langue étrangère (FLE) qui fait le point sur la question des liaisons :

https://www.lepointdufle.net/ressources_fle/liaisons_obligatoires_liaisons_interdites.htm

Autre sujet : les sons "o/ô/au…" en voient eux aussi de toutes les couleurs. Les "ôdes" à la liberté, prononcées comme le prénom Aude, tandis que le mot "ode" contient un "o" ouvert, ou "Aldi" qui fait "place au nouveau consÔmateur", alors que le "o" de consommateur" est ouvert en raison du double "m" qui le suit, et, à l'inverse, parce qu'une voix qui faisait de la pub pour une enseigne de cosmétiques nous a infligé des mois durant un slogan qui se terminait par "… créateur de beauté" prononcé comme une botte, la beauté qui devient peu à peu la "bottée"… (…)

A l'inverse, je ne partage pas le point de vue d'une auditrice qui reproche aux journalistes les accords grammaticaux suivants : « une quarantaine de patrons ont dit que … », « un tiers des militaires ont déjà … », « une dizaine ont été repérées … » . En réalité, toutes ces expressions désignent un nombre indéfini de personnes ou d'objets (concrets ou abstraits), ce qui les distingue, par exemple, d'une douzaine d'œufs, qui ne correspond pas à "environ douze œufs" mais bien à un format (une boîte, en général…) qui s'accorde évidemment au singulier. A l'inverse, "une cinquantaine de gendarmes" n'est pas un format mais un nombre indéfini d'individus et s'accorde donc au pluriel, contrairement à "une compagnie de CRS" qui est une unité administrative et s'accorde donc au singulier. On voit bien que la formule "une quarantaine de patrons" exprime un nombre indéfini de patrons et s'accorde au pluriel, alors qu'on peut hésiter pour "un tiers des militaires", qui évoque certes un nombre important de personnes mais potentiellement un nombre précis de militaires concernés. Donc l'accord au singulier peut se justifier, sans qu'il y ait lieu de s'offusquer de l'accord au pluriel. En résumé, les formules dites "collectives" expriment le plus souvent un nombre indéfini de personnes ou d'objets et s'accordent ainsi plus volontiers au pluriel qu'au singulier. Exemple : "Un certain nombre de…" s'accorde difficilement au singulier plutôt qu'au pluriel… Vous diriez "Un certain nombre d'auditeurs a réagi à telle émission" ?...

J'en ai terminé provisoirement avec mes récriminations, qui me font parfois gronder comme un vieil obsessionnel dans ma cuisine où j'écoute ma station préférée. J'espère qu'elles vous auront au moins amusé•e•s (autre aberration, graphique celle-ci, à laquelle je me plie cependant par conviction et militantisme féministes)