J'ai écouté votre interview de J. Bardella ce dimanche. Je voudrais partager avec vous une réflexion. Il semble que, à l’approche des élections présidentielles, la devise de J. Bardella soit "Nous (RN) avons eu raison avant tous les autres" (il ressort cette phrase à chaque entretien radiophonique ou télévisé – récemment : C à vous). J. Bardella semble, ainsi, souligner la demande du RN (supposément antérieure aux mesures restrictives prises par le gouvernement) de « fermer les frontières ». Tout d'abord, je me souviens de Marine Le Pen sortant d'une réunion à Matignon et déclarant à la presse qui l’interrogeait que l’épidémie, qui embrasait alors l’Italie, ne s'étendrait de toute façon pas outre-Alpes, que le problème était celui de la faiblesse du système sanitaire italien ... Que n’a-t ’elle eut raison à ce moment-là … En fait, la véritable devise de l'extrême droite est « fermons les frontières », une position historique anti-immigrés (et, un temps (?) anti-UE et anti-Schengen) qui coïncide avec la situation actuelle créée par la pandémie et la nécessité de freiner/arrêter la circulation du virus. Même une horloge cassée donne l'heure exacte deux fois par jour. Donc je ne vois pas que l'extrême droite ait eu raison avant tous les autres ; je vois juste que leur « grande » et à peu près seule « idée » soit plus ou moins mise en œuvre maintenant pour des raisons ad hoc (non motivées par une idéologie d'extrême droite) et strictement limitée à des motifs sanitaires. A l’occasion, pourriez-vous donc demander à J. Bardella de préciser quelles sont ces orientations de politique publique sur lesquelles ils ont eu raison « avant tout le monde » ? Pourriez-vous également lui demander où ces idées sont/ont été mises en œuvre et avec quels résultats (à moins, naturellement qu’ils aient eu aussi raison avant la terre entière)? A cette fin, pourriez-vous interroger J. Bardella sur ce que les performances de ces partis qui partagent avec le RN la même idéologie et, grosso modo, les mêmes options en matière de politiques publiques, disent de l’efficacité des partis d’extrême droite lorsqu’ils sont aux affaires ? Le propre des partis populistes est, une fois aux commandes, de ne pas être capables de concrétiser leurs promesses, soit parce que celles-ci sont complètement irréalistes et n’ont pour autre objet que de mobiliser un électorat « déboussolé, prêt à tout essayer » ; soit parce qu’ils se heurtent rapidement à la réalité du cadre juridique, économique, administratif, politique national, international (et pour la France, européen) dans lequel ils doivent s’inscrire. Les faits sont têtus et les diatribes politiques ne font pas des politiques publiques efficaces. Je vis aux Etats-Unis et s’il y a un « silver lining » aux années Trump, cela devrait être la possibilité enfin offertes aux journalistes et commentateurs politiques de confronter le RN aux résultats de 4 années de politiques publiques d’extrême droite (le Parti Républicain, à l’exception d’une fraction très minoritaire, est depuis longtemps un parti de la droite extrême fonctionnant désormais pour et par le culte de la personnalité). Le RN a soutenu Trump tout au long de son mandat (et même un peu au-delà, me semble-t-il). La fermeture des frontières (souvenez-vous : les enfants mexicains en cages ; le Muslim ban ; la guerre commerciale avec la Chine, etc.) a été un axe central de l’action de l’administration Trump. Pourriez-vous demander à J. Bardella d’en commenter, pour le public français, les résultats ? Ne parlons même pas de l’emploi (les emplois perdus qui devaient « revenir », les électeurs trumpistes de la Rust Belt les attendent toujours), concentrons-nous sur la pandémie. Après tout, nous avons là des indicateurs sur lesquels nous baser. Très tôt, Trump a interdit tous les vols en provenance de Chine, de l’UE etc. Les Etats Unis en sont à plus de 525.000 morts aujourd’hui. Comment, donc, la fermeture des frontières (ici, comme pour le RN en France, d’abord motivée par une idéologie extrémiste et populiste « rencontrant » une demande sanitaire) a-t-elle constitué une réponse efficace à la pandémie ? En suivant le raisonnement de J. Bardella, Trump a eu raison, lui aussi, avant tous les autres (et c’est également ce que clamait Trump lui-même à propos de l’interdictions de ces vols). A la différence du RN, il a eu, lui, la possibilité de mettre cette mesure en œuvre. Or, que reste-t-il de cette « bonne » idée, lorsqu’elle est, en fait, idéologique et opportuniste (l’horloge cassée qui donne l’heure), ne s’insère pas dans une réflexion et un plan sanitaire ordonné, et n’est pas portée par un personnel politique à la hauteur des défis (historiques) du moment ? Vous avez demandé, à juste titre, à J. Bardella avec qui, dans son propre parti, il gouvernerait. Où sont, au RN, les compétences, les spécialistes, les personnes expérimentées, reconnues internationalement, ou celles simplement capables de formuler et porter des politiques complexes, prenant en compte et répondant aux enjeux vertigineux du moment ? Qu’a-t-il à dire de l’équipe Trump (il la soutenait, il doit la connaitre) et de ses résultats : pandémie, environnement, politique internationale, gestion de crises internes (Black lives matter) etc. J. Bardella et, à l’occasion M. Le Pen, pourraient-ils nous dire pourquoi leurs bonnes idées, celles qu’ils ont eues avant tous les autres, une fois mises en œuvre (puisque celles-ci sont bel et bien mises en œuvre par Trump et autres populistes) donnent des résultats à ce point catastrophiques ?
Merci d’avoir lu mon message.
Cordialement,
louis