Simple employé en entreprise, je suis toujours choqué par les responsables qui utilisent à tour de bras l'expression « merci de » sans vraiment en comprendre la portée.
« Merci de » est une injonction. C'est une expression pour accentuer un ordre ou pour affirmer son autorité et sa position hiérarchique, or beaucoup de gens semblent l'utiliser comme une formule de politesse.
« Merci de » est une formule de politesse uniquement quand elle s'applique à un élément passé : « Merci d'être venu ce matin », « merci de nous avoir dépannés ». À l'inverse, « Merci de venir ce matin » ou « Merci de nous dépanner » sont clairement des ordres.
Il y a une formule de politesse pour demander quelque chose : « s'il te plaît ». J'utilise souvent, pour expliquer le problème, l'image d'un enfant qui dirait dans une boulangerie : « Maman, merci de m'acheter un pain au chocolat ! » au lieu de « Maman, s'il te plaît, je peux avoir un pain au chocolat ? ».
Dans le cadre d'une relation hiérarchique, un simple ordre n'a pas besoin d'être ponctué d'un « merci de », à moins de s'adresser à un subalterne qui tire au flanc.
J'ai donc été assez surpris d'entendre, dans la question du petit garçon de la présentatrice qui concluait sa question enregistrée à l'invité par l'injonction : « Merci de répondre à ma question ! ». C'est à la fois mignon, parce que c'est un enfant, et surprenant, car il copie probablement un comportement d'adultes qui utilisent mal l'expression.
Je suis d'autant plus surpris que, d'une part, le message semble être enregistré et aurait donc pu être refait. A priori, la journaliste n'a pas identifié le problème dans l'usage de l'expression « merci de » au lieu de « merci » (tout court), ce qui est un peu problématique, car c'est important, pour un journaliste, de bien maîtriser la langue pour faire passer les bonnes infos.
À force d’entendre cette injonction transformée en formule de politesse, ne risque-t-on pas de créer des fractures entre des élites qui se pensent polies et magnanimes envers des subalternes qui se sentent agressés au quotidien, mais ne sont pas en position de faire la remarque ?
En discutant avec les personnes qui emploient cette expression, j'ai noté que beaucoup se questionnent sur la pertinence de son usage et le remettent souvent en question. Je me suis donc dit qu'il serait peut-être intéressant de faire remonter ce questionnement auprès de vos journalistes.