Vincent Lemerre, délégué aux programmes de France Culture est au micro de la médiatrice des antennes, Emmanuelle Daviet pour répondre aux questions des auditeurs autour du traitement des Européennes sur France Culture
Le temps de parole politique et les Européennes
« fidèle auditeur de France Culture j’ai découvert que les divers candidats et candidates en campagne n’ont pas tous et toutes le même temps de parole ! Cette règle anti-démocratique est là pour favoriser les gros partis au détriment des autres partis. Il me semblerait juste que, sur les chaînes de service public, les candidats et candidates aient tous et toutes le même temps de parole. J’espère que France Culture et l’ensemble de chaînes de Radio France auront à l’avenir une diffusion plus juste, plus égalitaire et plus démocratique. »
Vincent Lemerre : Le message de Matthieu fait écho à de nombreux messages que nous recevons à propos des temps de paroles politiques, et notamment à chaque échéance électorale… Les temps de parole sont strictement encadrés par la loi, c’est une loi qui date de 1986, et depuis le pluralisme politique a d’ailleurs été reconnu comme principe constitutionnel. Au quotidien, c’est le CSA qui veille à la bonne application de la loi.
Pour les élections, l’exposition des différents candidats n’est pas laissée à l’appréciation des médias audiovisuels : France Culture comme les autres chaînes a donné la parole aux différentes listes, avec une répartition des temps de parole établie en fonction du principe dit de l’équité : pour résumer, le temps de parole est proportionnel au poids politique de chaque liste, ce poids politique étant calculé en prenant en compte les résultats aux précédentes élections, les sondages etc etc. Pour être tout à fait transparent : sur France Culture, pendant les 6 semaines de campagne officielle, les listes du Rassemblement national et de La république en marche et ses alliés ont eu droit chacune à 21 % du temps de parole politique global, et toutes les es autres listes à l’avenant, en proportion de la poids politique estimé.
Notre auditeur Mathieu préférerait un autre système, dans lequel les listes auraient droit à une stricte égalité de temps de parole. En fait ce système a déjà partiellement existé par le passé : pour certaines campagnes électorales, la règle édictée par le CSA comprenait une première partie de la campagne placée sous le signe de l’équité, et puis dans la dernière ligne droite (les deux dernières semaines) les listes étaient exposées à égalité. Ce système s’est avéré compliqué à appliquer, puisqu’il fallait équilibrer les temps de parole sur des périodes très courtes, ce qui est extrêmement difficile à faire. Et imaginez, pour ce scrutin des européennes, avec 34 listes en présence, s’il avait fallu leur réserver le même temps de parole pour chacune : un cauchemar à mettre en œuvre…
Un dernier point : ce système d’égalité des temps de parole serait-il au fond plus démocratique ? Pas sûr… tout dépend de quelle démocratie on parle…Une démocratie directe intégrale… ou bien une démocratie représentative avec ses règles fondée sur le principe de l’équité… Il y a là clairement deux visions différentes, chacune ayant leur qualité et leur défaut…
La critique des populismes dans l’émission « Cultures Monde » de Florian Delorme
Le message de Patrick : « Comme par hasard, le dernier jour de la campagne officielle des élections européennes, Florian Delorme consacre son émission Cultures Monde à la dénonciation et à la critique en règle des différents « populismes » européens,. Une pleine heure d’émission, en compagnie des participants invités qui ont pu à leur aise donner le même son de cloche. Il est vraiment tendancieux voire pernicieux de tenter d’influencer sournoisement le vote du scrutin de dimanche. Vos journalistes se devraient de respecter une certaine neutralité politique à deux jours des élections. Mais monsieur Delorme semble avoir choisi son camp et nous le fait savoir. C’est une faute professionnelle » nous écrit cet auditeur. Que lui répondez-vous ?
Vincent Lemerre : Que répondre à Patrick ? La progression des mouvements dits populistes, ou anti-système est un fait d’actualité incontestable, Cultures monde s’en est emparé à sa façon. L’émission est un magazine de connaissance, qui propose des semaines thématiques et qui réserve la table-ronde du vendredi à un sujet d’actualité majeure de la semaine. L’émission de vendredi dernier était donc très logiquement consacrée à la poussée annoncée des mouvements populistes en Europe, c’était le bon thème à traiter ce jour-là. Et si on en vient au contenu, je n’ai pas entendu la même chose que Patrick : ce n’était pas un débat politique, avec des militants, mais une émission de décryptage avec des experts. Ces experts peuvent avoir des avis lus ou moins tranché sur les sujets, la responsabilité de nos producteurs et productrices est de faire la part de leurs analyses et de leurs avis personnels… Il me semble que c’est ce qu’a fait en l’occurrence Florian Delorme dans Culture Monde
La critique du gouvernement Macron dans « La Méthode scientifique »
Dominique : « Deux jours avant des élections majeures, l’excellente émission « La Méthode scientifique » nous offre un débat spécial sur les impardonnables et innombrables erreurs du gouvernement en matière de réforme de l’enseignement (sic). Tous les intervenants sans exception (on a l’habitude maintenant avec Radio France) tombent à bras raccourci sur Macron et son ministre. Y avait-il urgence pour cette programmation aujourd’hui ? Vous devez comptabiliser le temps de parole en faveur de telle ou telle liste ; heureusement pour vous, vous n’avez pas à décompter le temps d’antenne consacré à exprimer la détestation du président de la République et de sa politique. Cela dit, ce ne serait pas très dur : universitaire, syndicaliste, artiste, journaliste, chroniqueur… chacun y va de son couplet, c’est tellement systématique et prévisible que ça en devient presque drôle. »
Vincent Lemerre : Le message de Patrick : Pour répondre à Dominique, je commencerai par lui dire qu’il est difficile de juger un magazine quotidien sur une émission et une seule : avant l’émission qui a provoqué sa colère, il y a eu dans la Méthode scientifique des invités qui se sont montrés beaucoup plus cléments dans leur appréciation du pouvoir en place, l’un répond à distance à l’autre… Même si pour chaque émission on veille à faire entendre des points de vue contrastés, il est en fait très difficile d’équilibrer systématiquement toutes les prises de paroles dans une émission diffusées en direct.
Et puis ensuite, il faut que je remercie Dominique. Parce que le message de Dominique répond en quelque sorte à Patrick, l’auditeur précédent.
L’un nous reproche d’être hostiles aux mouvements dits populistes, l’autre nous reproche de faire de l’anti-macronisme primaire…
En tant que délégué aux programmes, je ne suis d’accord sur le fond ni avec l’un ni avec l’autre, mais je suis heureux que nous recevions cette diversité de message, qui viennent de tous bord : si nous faisons des mécontents dans toutes les sphères de la société, dans toutes les sensibilités, c’est donc que nous réussissons à faire vivre le débat d’idée pluraliste.
Peut-être pas parfaitement dans chacune de nos émissions prises individuellement, parce qu’encore une fois c’est extrêmement compliqué à organiser dans des émissions en direct, mais en tout cas globalement sur notre chaîne.
C’est donc un motif de satisfaction un peu paradoxale je vous l’accorde, mais il me semble bien que ces différents messages nous indiquent que le pluralisme s’incarne sur notre antenne.