Sébastien Paour, correspondant de Radio France/ Franceinfo à Washington est au micro d’Emmanuelle Daviet
Emmanuelle Daviet : « En tant que correspondant à Washington, quelles sont les spécificités de couvrir une campagne présidentielle américaine comparée à celle que l’on connaît en France ou en Europe ? » demande un auditeur.
Sébastien Paour : Il n’y a pas beaucoup de différences finalement. On suit des candidats, on s’informe sur leur programme, qu’on essaie de détailler, on suit leurs soutiens aussi et on se tient au courant de chacun de leurs mouvements. La différence majeure pour un média étranger dans un pays comme les Etats-Unis, c’est qu’on ne pèse pas lourd pour ces candidats et que donc obtenir une interview, par exemple, de Kamala Harris ou de Donald Trump, c’est impossible, disons les choses clairement. C’est donc de ce point de vue-là que ça rend les choses un peu plus compliquées, y compris d’ailleurs pour les meetings, parce que depuis les élections de mi-mandat en 2022, par exemple chez Trump, il n’est plus possible d’être accrédité comme journaliste étranger pour entrer et suivre un meeting du candidat républicain en tant que journaliste étranger. Nous sommes obligés de nous enregistrer comme participants au public et d’interroger les sympathisants de Donald Trump discrètement, avec un petit enregistreur caché dans la foule des militants. Plus possible d’être avec la presse comme on le faisait jusqu’ici et encore pour l’élection de 2020. Chez Kamala Harris c’est un peu plus simple. On arrive à entrer en tant que journaliste dans les meetings, mais même chose, on n’est pas toujours mis au courant en tant que journaliste étranger, des moments où elle se déplace et des endroits où elle se déplace, ce qui nous permet assez difficilement d’anticiper et de prévoir nos déplacements. Donc ça complique un peu quand on est un média étranger ici, une radio par rapport à la puissance des médias américains, évidemment. Ces deux candidats n’ont aucun intérêt à parler à Radio France.
Emmanuelle Daviet : Sébastien Paour, la place des médias et notamment des réseaux sociaux, est cruciale dans cette campagne, comment cela influence-t-il votre manière de travailler en tant que journaliste sur le terrain ? s’interrogent des auditeurs.
Sébastien Paour : C’est une source permanente d’information. Les médias américains, les réseaux sociaux, mais même les médias américains principaux, les médias mainstream, comme les appelle Donald Trump, ceux qu’ils critiquent comme étant des médias fake news, les grands journaux, New York Times, Washington Post, Wall Street Journal, tout cela, ce sont des médias qui sont très puissants, qui ont énormément de reporters sur le terrain, énormément de personnes qui couvrent la Maison Blanche, qui suivent chacun des candidats. Et donc ça nous permet cette lecture quotidienne des réseaux sociaux et de ces journaux, de trouver des sources d’informations, de trouver des sources d’inspiration, des idées, d’angles pour des sujets, des endroits où, évidemment, moi, étant seul ici aux Etats-Unis, j’ai du mal à pouvoir tout voir et à être partout. Donc parfois, quand je lis dans un journal ou sur un site, ou sur le post de quelqu’un, sur les réseaux sociaux qu’il ou elle est allé à tel ou tel endroit faire un reportage qui me semble intéressant, qui me semble illustrer une problématique à un endroit et à un moment donné. Parfois je me dis tiens, pourquoi pas aller faire le même reportage ou me me rendre en tout cas au même endroit ?
Emmanuelle Daviet : Alors vous êtes seul, certes, mais d’autres radios francophones publiques sont installées à Washington et vous racontez tous ensemble, avec vos consœurs et vos confrères, la campagne pour l’élection présidentielle américaine à travers le podcast « Washington d’ici ». Quelle liberté éditoriale ou narrative vous apporte ce podcast par rapport aux reportages à la radio ?
Sébastien Paour : On essaie d’en faire quelque chose qui soit dans l’esprit « bande » un peu. On se connaît bien tous les cinq. On se voit souvent soit en reportage, soit en dehors quand on est sur le terrain ou quand on est ici à Washington. Et on met en commun en fait dans un mode plus conversationnel, on se tutoie, on met en commun toutes nos expériences. Quand l’un est allé à un meeting de Kamala Harris et qu’un autre est allé à celui de Trump, qu’un troisième est allé à un autre rendez-vous, une réunion, je ne sais pas, moi, d’une association de soutien ou a participé à du porte à porte dans un état clé qui va faire basculer ou pas l’élection le mois prochain. Eh bien, on met tout ça en commun et on essaie d’enrichir ce qu’on fait sur nos antennes respectives en reportage par ce podcast qui est un rendez-vous autour de la table. D’ailleurs, on l’a déjà fait autour d’une table, chez Frédéric Arnould. Il avait fait une paella et on a enregistré un épisode du podcast chez lui, dans un mode encore une fois conversationnel, avec le tutoiement où on apprend, j’espère plus de choses encore, les coulisses, un peu de nos reportages respectifs.