Avant le vote de confiance du 8 septembre, la série « Paroles de Français » diffusée toute la semaine sur Franceinfo a suscité de nombreuses réactions. Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction, répond aux auditeurs au micro d’Emmanuelle Daviet
Emmanuelle Daviet: Tout au long de la semaine, Franceinfo a proposé une série de reportages « Paroles de Français. » On a pu entendre des routiers, des ouvriers, des retraités, des contribuables disposant de revenus élevés. Florent Guyotat, ces reportages, ces témoignages de citoyens, c’est une manière de prendre le pouls du pays avant le vote de confiance au gouvernement ?
Florent Guyotat: C’est d’abord un choix éditorial assumé par Franceinfo pour la crise politique, comme pour tout autre événement majeur de l’actualité. Nous sommes attachés aux reportages. On veut se faire l’écho de la parole des Français, quels que soient leurs opinions, leur milieu social. Et on part du principe que, certes, il y a une parole institutionnelle, celle des partis politiques, de leurs représentants, qu’il faut entendre, qu’on entend tous les jours sur Franceinfo. C’est notre rôle de raconter le débat démocratique. Mais cette parole institutionnelle, elle ne suffit pas. On veut faire entendre des Français pour voir justement comment ils reçoivent cette parole politique. Et c’est donc le sens de cette série de reportages que vous continuez à écouter, y compris ce week-end dans « Le choix de Franceinfo ».
Emmanuelle Daviet: A propos du reportage sur les retraités, un auditeur écrit qu’ils étaient présentés de manière stigmatisante et caricaturale. Que vous inspire cette remarque?
Florent Guyotat: Alors vous parlez du reportage diffusé mardi, signé Benjamin Illy. Pour moi, c’est tout le contraire. C’est un excellent reportage, justement parce qu’il n’est pas caricatural et qu’il fait entendre la diversité des opinions. Ça se passe, il faut le préciser, dans un thé dansant du Calvados en Normandie, avec des retraités, avec d’abord certains d’entre eux qui regrettent qu’on veuille les mettre plus à contribution.
Extrait du reportage : « Combien je gagne par mois ? 690.
C’est votre retraite ?
Oui.
Le Premier ministre vous demande de faire des efforts, à vous les retraités.
Oui, toujours les mêmes. Ils n’ont qu’à commencer déjà par eux.
Vous êtes née dans le baby-boom.
Oui.
Vous êtes une « boomeuse ». Est-ce que vous vous êtes senti privilégiée ?
Pas vraiment. François Bayrou a dénoncé le confort des boomers qui considèrent que tout va bien. Que les belles voitures, c’est chez les personnes âgées. Les personnes âgées ont eu leur maison à eux. C’est pas vrai, Pas tout le monde. Je vis en HLM, vous savez, j’ai une petite retraite, je demande rien à personne et je vis en HLM.
Florent Guyotat: Alors je vous parlais de diversité d’opinions, de point de vue, de milieux sociaux. Dans ce reportage de Benjamin Illy, on entend aussi des retraités plus à l’aise financièrement qui eux, ne voient pas les choses de la même manière.
Extrait du reportage : Charles 86 ans. Annick 80 ans.
Ma pension dépasse les 3 000 €.
Vous avez une bonne retraite.
J’ai même honte d’être payé aussi cher à ne rien faire, plus de 2 000 €.
L’actuel Premier ministre demande aux retraités de participer à la réduction de la dette. Est ce que vous trouvez ça normal ?
Oui, oui. Moi ça ne me gêne pas. Je suis à l’aise. Comme tout le monde. Oui.
Emmanuelle Daviet: « La stigmatisation, la caricature. » Ce sont des reproches également formulés au sujet du reportage à Neuilly sur Seine avec des contribuables disposant de hauts revenus. Un auditeur écrit : « On sous entend dans ce sujet que l’optimisation fiscale, pourtant légale, relèverait de la simple malhonnêteté et que les riches ne méritent de toute façon pas leurs revenus. Haro sur les riches! ». Florent Guyotat, que vous inspire également cette réflexion d’auditeur?
Florent Guyotat: Là non plus, je ne suis pas d’accord. L’objectif, ce n’est pas de dire « haro sur les riches », mais encore une fois de faire entendre les arguments des personnes qui ont des hauts ou des très hauts revenus. Écoutez donc un extrait de ce reportage de Marc Bertrand diffusé jeudi.
Extrait du reportage : David pianote sur ses deux téléphones. 49 ans, dentiste, il a plusieurs cabinets en région parisienne et des revenus confortables.
Aujourd’hui une année normale je suis entre 250 et 350 000, sans compter des dividendes possibles, sans compter des choses comme ça.
Si on vous demande de payer plus d’impôts aujourd’hui ?
Je trouverai des solutions pour ne pas les payer. Il n’y a pas de raison de demander à ceux qui ont pris le risque d’être entrepreneurs et de gagner plus d’argent de payer pour les autres.
Vous payez beaucoup d’impôts, déjà ?
Énormément. 80 000, 90 000€ par an et on ne peut pas continuer à payer comme ça. Quand on voit d’autres pays européens, on ne comprend pas pourquoi les autres pays d’Europe s’en sortent et nous on s’en sort pas avec tout ce qui nous prennent.
A côté de lui, Patrick a entendu la conversation, il est dans l’immobilier.
Moi je suis prêt à payer la dette. Mais le problème c’est qu’à chaque fois qu’il en manque, on va me dire il faut payer en 2025, mais en 2026, on va me dire qu’il en manque, en 2027, on va me dire qu’il en manque, donc au bout d’un moment, il en manque tout le temps.
Florent Guyotat: Et encore une fois, l’idée c’est de faire entendre une parole sans porter de jugement. Les personnes interviewées donnent leurs arguments de leur plein gré. Elles expliquent pourquoi, selon elles, elles méritent ce qu’elles gagnent et ça me semble être le reflet des débats actuels.
Emmanuelle Daviet: Et donc il n’y a pas de volonté de stigmatisation ?
Florent Guyotat: Aucune.