« Lassitude » et « incompréhension » résument l’état d’esprit des auditeurs de Franceinfo nous ayant écrit au sujet de la couverture « excessive » de « l’affaire Mbappé » en Suède. Ils critiquent le traitement disproportionné de cette information.
Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction de franceinfo et Nathalie Iannetta, directrice des Sports de Radio France sont au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux questions des auditeurs.
Emmanuelle Daviet : Nous revenons aujourd’hui sur l’affaire Mbappé. Des auditeurs estiment qu’il en a été trop question sur l’antenne. Alors, selon quels critères éditoriaux avez-vous fait le choix de donner de l’ampleur à cette information relayée par deux tabloïds suédois ?
Florent Guyotat : Alors c’est vrai qu’au départ, il y a une méfiance naturelle puisque c’est un tabloïd suédois qui parle de l’affaire pour la première fois. Donc notre premier réflexe, c’est évidemment d’attendre pour en parler afin de vérifier les informations. L’élément déclencheur, c’est Kylian Mbappé lui même qui choisit d’en parler sur les réseaux sociaux en disant qu’il s’agit de fake news. Et à partir du moment où il en parle, cette affaire devient publique. Et vu le retentissement international des propos que peut tenir Kylian Mbappé, on ne peut pas passer cette affaire sous silence. C’est impossible. Donc à partir de ce moment-là, nous décidons d’en parler, mais d’en parler avec mesure.
Nathalie Iannetta : C’est vrai qu’il y a eu un débat dans la rédaction, y compris à la direction des sports, pour savoir comment traiter cette affaire dont on ne savait rien et on ne sait d’ailleurs toujours rien à ce jour de cette affaire suédoise. Mais là où Florent a raison, c’est l’intervention médiatique de Kylian Mbappé lui-même qui nous permet de considérer que désormais, c’est une affaire publique et surtout la manière dont il le fait en faisant un lien avec son ancien club, le Paris-Saint-Germain. Et là, ce que nous avons raconté à l’antenne à ce moment là, c’est pourquoi Kylian Mbappé réagit et comment il y réagit, sans évidemment pouvoir aller sur le terrain judiciaire. Encore une fois, nous ignorions tout au début de l’affaire.
Emmanuelle Daviet : Des auditeurs déplorent un manque de vérification dans le traitement de cette affaire, soulignant qu’il n’y a à ce stade aucune certitude. Alors, quelle est votre politique éditoriale pour traiter d’allégations non prouvées, en particulier lorsque cela concerne une figure publique de la stature de Kylian Mbappé ?
Florent Guyotat : Alors encore une fois, il y a des choses qui sont invérifiables, en tout cas en l’état, pour nous et dont nous n’avons pas parlé. Certaines choses que disent soit nos confrères de la presse écrite, soit nos confrères des tabloïds suédois. Ces affirmations là, volontairement, nous les avons passées sous silence parce que nous ne pouvons pas les vérifier. En revanche, il y a des choses tangibles qui existent, notamment cette déclaration de la procureure suédoise qui dit qu’une enquête existe, une enquête pour viol, même si elle ne dit pas que cette enquête vise spécifiquement Kylian Mbappé. Mais à partir du moment où le joueur réagit sur les réseaux sociaux et où la justice suédoise confirme l’ouverture d’une enquête, là encore, nous décidons de donner un retentissement à cette affaire. Je précise que ce retentissement n’est pas total. Nous n’avons pas fait d’édition spéciale à proprement parler sur cette affaire. Toute l’antenne n’a pas été consacrée à Kylian Mbappé. Ce jour-là, nous parlons aussi du budget. Nous parlons aussi de la situation au Proche-Orient. L’affaire Mbappé n’éclipse absolument pas tout le reste de l’actualité.
Emmanuelle Daviet : Nathalie Iannetta, la critique porte également sur la médiatisation des faits divers dans le domaine sportif. Comment la direction des sports aborde ce genre d’affaires ? Où placez vous la frontière, le curseur, entre le sport et les informations personnelles ou judiciaires concernant des athlètes ?
Nathalie Iannetta : Les informations personnelles, on n’en parle jamais. Ce n’est pas du tout notre notre fonds de commerce, si je puis dire. En revanche, les affaires judiciaires, ça dépend lesquelles et ça dépend où elles en sont dans le déroulement. Et puis ça dépend qui, évidemment. Vous savez, cette semaine, Wissam Ben Yedder, qui est un joueur de l’AS Monaco, a été condamné pour agression sexuelle. On en a parlé, on en a fait du reportage et des sujets. Mais bien sûr, ça n’a pas le même retentissement. Alors on peut estimer que c’est à tort ou à raison, mais ça n’a pas le même retentissement que lorsque ça touche d’autres grands noms du sport. Nous, la frontière, on la met, ça dépend si c’est nous qui sortons l’affaire. On avait beaucoup travaillé, par exemple à l’époque sur l’affaire de Paul Pogba dans l’affaire de chantage et de racket dans laquelle il avait été embarqué il y a deux ans. Donc, si on est à l’origine, nous, de l’enquête, forcément on la suit de bout en bout et on ne donne que des informations vérifiées par des sources. Quand réellement les chemins commencent à parler du sportif, puis vraiment du judiciaire. Ce sont nos confrères aussi des services police et Justice de Franceinfo qui nous accompagnent, qui prennent le relais parce que ce n’est pas complètement les mêmes sources, ce n’est pas complètement les mêmes réflexes. On travaille ensemble côte à côte et c’est souvent un travail collégial. Mais c’est vrai que nous, on préfère parler d’exploits sportifs et de performances que de dossiers judiciaires. Mais malheureusement, le monde du sport n’est pas exempt du reste de la société et il est souvent aussi sur les dossiers judiciaires.