Le drame de Crépol continue à susciter du courrier. Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction est au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux auditeurs

Emmanuelle Daviet : On commence avec cette question qui revient souvent dans les remarques des auditeurs au sujet du drame de Crépol. « J’aimerais comprendre pourquoi les journalistes appellent désormais l’extrême droite « ultra-droite ». Que signifie ultra ? Quelle différence avec extrême ? Si c’est la même chose, pourquoi ce choix de mots ? « 

Florent Guyotat : Alors clairement, ce n’est pas la même chose. On parle d’abord d’extrême droite pour des partis politiques et des idées politiques. Le Rassemblement National, Reconquête ! en France sont communément classés à l’extrême droite. Littéralement à droite de la droite sur l’échiquier politique et puis sur le plan des idées, on observe aussi une défiance constante vis à vis de l’immigration. Donc ça, extrême droite, c’est pour les partis politiques et pour des idées. Mais c’est vrai qu’à l’antenne, vous entendez aussi parler d’ultra droite. Là, on emploie ce terme volontairement pour différencier des groupes qui souvent ont des idées d’extrême droite mais qui en plus font de la violence un instrument de leur action politique. C’est clairement hors du champ républicain, et c’est le cas notamment pour le groupement Division Martel, dont la dissolution a été annoncée début décembre en Conseil des ministres. Un groupement, on le rappelle, qui est accusé, dans le compte rendu du Conseil des ministres, d’avoir voulu s’en prendre à des personnes d’origine maghrébine et aussi d’avoir participé à une expédition punitive après le meurtre du jeune Thomas à Crépol. Expédition punitive dans un quartier de Romans sur Isère, la ville voisine.

Emmanuelle Daviet : On poursuit avec cette demande d’un auditeur J’aimerais que vos journalistes creusent la signification du drame de Crépol. Alors, sur votre antenne, on entend deux affirmations diamétralement opposées d’une part, des experts selon lesquels il ne s’agit que d’un fait divers, dont l’exploitation par l’extrême droite est donc induit. D’autre part, le porte parole du gouvernement ou bien des politiques affirmant qu’il ne s’agit pas d’un fait divers. Alors qu’en est-il ? Un fait divers devenu un fait de société ou un fait de société dès les premières minutes du drame ?

Florent Guyotat : Alors un fait divers, par définition, c’est très large. Ça peut désigner beaucoup de choses : des violences, des blessures, un accident, un meurtre, des affrontements. La question, c’est de savoir si ce fait divers devient un fait de société, c’est à dire s’il dit quelque chose sur notre société. C’est la question que nous nous posons en permanence. Manifestement, dans le cas de Crépol oui, c’est devenu un fait de société. D’abord parce que tous les partis politiques l’ont commenté et ont donné leur interprétation, je dis bien leur interprétation de ce qu’il s’est passé. Et puis, au delà des politiques, il est évident que ce fait d’actualité renvoie à des débats au sein de notre société, notamment sur la sécurité et sur les tensions qui peuvent exister entre différentes zones du territoire français.

Emmanuelle Daviet : Et j’invite les auditeurs à aller lire également ce que l’on en dit sur le site de la médiatrice de Radio France. On termine avec cette question Florent Guyotat, comment la rédaction a-t-elle poursuivi son travail d’investigation pour couvrir cette actualité ?

Florent Guyotat : Alors, on en a parlé à l’instant. Vous avez entendu sur franceinfo comme sur d’autres médias, les réactions, les commentaires des personnalités politiques sur cette affaire. C’est normal, c’est le débat public, on doit les entendre. Mais je laisse à chacun de ces partis politiques la responsabilité de leurs propos. Nous, on a d’abord essayé d’enquêter sur les faits, sur ce qu’il s’est passé réellement. Nous sommes bien sûr allés à Crépol, à Romans sur Isère avec nos envoyés spéciaux et avec le concours des journalistes de France Bleu Drôme-Ardèche sur place. Dans cette affaire, je vous le rappelle, le procureur a appelé à la plus grande prudence. Il a appelé à se garder de toute conclusion hâtive. Et nous, clairement, nous nous inscrivons dans ce cadre. Nous avons montré que le dossier était très complexe. Il n’est pas possible à l’heure actuelle, compte tenu des éléments qui sont en notre possession, d’affirmer que la mort du jeune Thomas correspond à un crime raciste, même si des témoins ont entendu de part et d’autre des propos racistes. La préméditation non plus, à ce stade, n’est pas établie. Nous avons donc enquêté, nous avons incité à la prudence et nous devons encore enquêter. Nous le ferons dans les prochaines semaines pour savoir ce qu’il s’est passé précisément.