Anne Soetemondt, directrice de l’information internationale de Radio France et Richard Place, directeur de la rédaction de Franceinfo sont au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux questions des auditeurs

Emmanuelle Daviet : Anne Soetemondt, des auditeurs estiment que la mort de Charlie Kirk a été traitée de façon disproportionnée par rapport à son importance en France. La plupart n’avaient jamais entendu parler de lui avant son décès. Alors pourquoi avez-vous jugé nécessaire de largement traiter cette affaire ?

Anne Soetemondt : Parce que, aux Etats-Unis, c’est quelqu’un qui est très connu, quelqu’un de très influent là-bas. Il avait l’oreille du Président, il était consulté par plusieurs personnalités MAGA, voire du gouvernement pour que certaines décisions soient prises par l’administration Trump. Donc, on savait grâce à notre journaliste sur place aussi, qu’on consulte beaucoup, que cette personne était absolument centrale dans l’histoire contemporaine américaine. Alors évidemment, il fallait raconter. Et on a aussi très vite vu que des mots très clés, des scènes très clés, des images émergeaient après cet assassinat, Donald Trump a quand même vite érigé Charlie Kirk en martyre. C’est quand même évidemment très très fort. Il y a très vite eu des conséquences avec des gens qui ont perdu leur emploi parce qu’ils n’avaient pas assez rendu hommage sur les réseaux sociaux à cet homme qui avait été tué ou qui questionnait la personnalité qu’il était. Ces idées dont on a très très vite compris que ce qui se passait était très important. Ça se confirme plusieurs jours plus tard. On sait que, notamment dimanche, un hommage national est en préparation. Évidemment, c’est majeur. C’est un tournant dans l’histoire américaine. Il fallait qu’on en parle beaucoup.

Emmanuelle Daviet : Richard Place des auditeurs reprochent à Franceinfo d’avoir, je cite, « adouci la réalité de Charlie Kirk en parlant de conservateur pro-Trump plutôt que d’extrême droite ou de suprémaciste. » Alors est-ce une volonté de neutralité au risque d’apparaître comme un manque de clarté ?

Richard Place : C’est surtout une volonté de trouver les bons termes. Et ce n’est pas simple. C’est évidemment très compliqué au quotidien même et avec Charlie Kirk, c’est un très bon exemple de caractériser les gens en deux mots, en une phrase. Et c’est pour ça que nous avons eu ce souci Anne l’a rappelé, le jour de sa mort où nous avons beaucoup parlé de cet assassinat. Nous avons eu le souci d’expliquer qui était Charlie Kirk parce que plutôt qu’un mot deux mot, même une phrase pour dire qui il était, le mieux, c’était d’aller dans le détail, de rappeler les propos qu’il tenait, les positions qu’il avait prises. Et nous l’avons fait, notamment grâce à la rédaction internationale de Franceinfo, par exemple grâce à Claude Guibal.

Claude Guibal (extrait) : Nationaliste chrétien pour la peine de mort, pour le port d’armes, le mariage, obsédé par le déclassement de l’homme blanc, contre l’avortement qu’il compare à l’Holocauste…

Richard Place : Voilà ce qu’on a pu entendre sur FranceInfo. Et ensuite, effectivement, on l’a baptisé de conservateur pro-Trump. On peut parler aussi de nationaliste trumpiste. Tout ça, ce sont des raccourcis, évidemment.

Anne Soetemondt : Oui, je partage complètement ce que vient de dire Richard Place. On se questionne sur la qualification et on sait très bien que c’est une question très difficile. D’ailleurs, quand on a des invités, quand nous on passe des coups de fil pour préparer nos interventions à l’antenne, on pose des questions à des spécialistes et eux mêmes nous disent Mais ce n’est pas évident de qualifier qui est Charlie Kirk. Parce qu’en plus, nous, nous sommes Français, donc nous n’avons pas les mêmes typologies, les mêmes qualificatifs. Un conservateur américain, ce n’est pas forcément très clair du point de vue français. Donc on a décidé de dire qu’il était trumpiste. Ça c’est factuel. Il soutenait Trump, qu’il est par exemple un nationaliste chrétien. C’est factuel aussi. Un conservateur pro-Trump, ça marche aussi, un trumpiste. Voilà, il y a plein de choses qui fonctionnent, mais il y a des choses qui fonctionnent pas. Nous, on a décidé de partir des faits, par exemple. « Suprémaciste ». Eh bien ça, ce sont des choses dont les spécialistes aujourd’hui sur place, nous disent que ce n’est pas vrai.

Emmanuelle Daviet : Richard Place, certains auditeurs vont plus loin et disent percevoir une complaisance de Franceinfo envers l’extrême droite en donnant plus de place à cette mouvance qu’aux autres. Alors comment éviter que le traitement d’une actualité ne soit interprétée comme une banalisation ou une normalisation d’idées radicales ?

Richard Place : Les idées radicales, ce n’est pas Franceinfo qui les crée et qui les fait circuler dans la société. Actuellement, elles existent. Franceinfo rend compte de la société, de ce qui se passe en France et dans le monde. Je pense que nos auditeurs ont très bien compris qu’actuellement en Europe, en France, aux Etats-Unis, les idées radicales se propagent et qu’elles trouvent un public large. Nous devons en rendre compte, nous devons en parler. Nous avons expliqué là à quel point l’assassinat de Charlie Kirk aux Etats-Unis est un tournant, sans doute dans l’histoire moderne américaine. Et nous allons raconter demain encore le grand hommage qu’il y aura dans ce stade à Phoenix. C’est un énorme fait d’actualité, nous devons en rendre compte.