À la suite de la condamnation de Marine Le Pen ce lundi 31 mars, les auditeurs ont été nombreux à exprimer leurs avis et à poser des questions sur le traitement éditorial. Pour leur répondre, Richard Place, directeur de la rédaction de Franceinfo, est au micro d’Emmanuelle Daviet.

Emmanuelle Daviet: La condamnation de Marine Le Pen et son traitement éditorial. Sujet sensible au potentiel de controverse qui touche à la neutralité, à la pluralité et à la hiérarchisation de l’information dans un contexte politique tendu. Des auditeurs estiment que la victimisation des élus du RN a été particulièrement mise en avant, qu’il y a eu une grande visibilité donnée à leurs arguments. Alors, comment avez vous procédé dans la construction éditoriale de toute cette séquence? Avez vous fait réagir des représentants des différentes sensibilités politiques?

Richard Place: C’est évidemment un gros travail qu’on a mené en amont parce que nous savions, quel que soit le jugement, que ce serait une très grosse actualité politique et judiciaire. Et donc, nous avions un très gros dispositif prévu pour ce lundi au moment du jugement, avec par exemple des reporters dans des villes comme Montargis qui est une circonscription du Rassemblement National avec Elia Bergel, à Villeurbanne nous avions Mathilde Imberty avec des électeurs de gauche. Benjamin Illy était à Savigny sur Orge où là on sait que les votes avaient été très répartis entre les principaux partis. Au tribunal lui même, nous avions Yannick Falt pour la partie judiciaire, Pierrick Bonno pour la partie politique. Pierrick est notre spécialiste du RN au service politique. En studio, Mathilde Lemaire de notre service Police Justice. Aurélie Herbemont , la chef adjointe du service politique, Renaud Dély, notre éditorialiste. Donc nous avions tout ce dispositif déjà avec nos journalistes. Et ensuite, évidemment, une fois que la décision est tombée, une fois que nous avons d’abord expliqué ce jugement, ce qu’il contenait précisément, en quoi Marine Le Pen et tous les autres étaient condamnés. Ensuite, nous avons eu des réactions politiques, évidemment de tous les bords. La première a été Cyrielle Chatelain, d’Europe Écologie Les Verts, puis Manon Aubry pour La France insoumise, Thomas Ménager pour le Rassemblement National, François-Xavier Bellamy pour les Républicains. Nous avons interrogé des politologues, des constitutionnalistes parce que nous savions que cette décision, quelle que soit la décision du tribunal, allait peser très lourd. On parle là, quand on parle de Marine Le Pen, de la finaliste des deux dernières élections présidentielles, donc cela avait un poids considérable. Nous avons donné les opinions des différents partis et surtout, nous avons expliqué ce jugement.

Emmanuelle Daviet: Comment faites-vous pour informer le public sur une décision complexe du point de vue juridique sans entrer dans le commentaire politique ?

Richard Place: C’est effectivement compliqué, mais pour cela, nous avons nos spécialistes dont je parlais notamment au service Police-Justice. Nous avons aussi interviewé des magistrats, des avocats extérieurs à cette affaire, mais qui peuvent nous éclairer sur la procédure, qui peuvent nous éclairer sur le fonctionnement de la justice, qui peuvent aussi donner leur avis sur cette décision par rapport à toutes les autres décisions qui ont été rendues, sur la gravité de la décision, l’inéligibilité. Toutes ces questions là, nous les avons abordé le plus possible pour essayer de savoir si on était dans ce qui se fait d’habitude ou si c’était vraiment une justice d’exception. Toutes ces questions là, nous les avons posées à des spécialistes plutôt que d’aller demander à des gens qui le savent moins, comme des politiques qui sont là pour donner plus des opinions. Et nous les avons entendues, ces opinions. Mais il faut que les faits soient en rapport avec les opinions, en miroir des opinions. C’est ce que nous avons donné à l’antenne. Et puis nous ne sommes pas cantonnés à lundi au moment de la décision. Mais ensuite, jeudi matin, par exemple, nous avions à l’antenne Marie-Suzanne Le Quéau, procureure générale près la Cour d’appel de Paris, qui a donc pu expliquer comment fonctionne la Cour d’appel et comment cet appel va être examiné. Puis mercredi matin, nous avions le premier président de la Cour de cassation, Christophe Soulard, qui lui aussi a pu nous éclairer d’un point de vue judiciaire sur le fonctionnement de la justice française.

Emmanuelle Daviet: Quelles sont les responsabilités spécifiques d’une radio d’information continue du service public dans la couverture d’une affaire hautement sensible qui implique une personnalité politique majeure? Quels sont, selon vous, les écueils à éviter?

Richard Place: Les principaux écueils, c’est d’être soi uniquement dans l’opinion. Et effectivement, on rate le fond, on rate l’affaire, on rate les explication judiciaire. Et l’autre risque, c’est d’être trop technique, d’être trop pointu. La chose judiciaire est parfois très complexe à comprendre et donc difficile à expliquer. Nous avons pris le temps de le faire. Nous essayons de continuer à le faire régulièrement quand le sujet revient dans l’actualité parce que toute la semaine, il est revenu très souvent. Il ne faut pas qu’on soit uniquement dans l’opinion, mais il faut aussi que l’on entende des gens et pas seulement des politiques, des électeurs, nous sommes tous potentiellement des électeurs. Et donc, il faut que nous ayons aussi la perception de ces gens là, que l’on puisse les entendre et on l’a fait. Tout ça est un sujet très passionnel. Et puis on n’en a pas fini puisque demain il y a une grosse journée politique avec un meeting de Renaissance, une manifestation organisée par Les Verts et par La France Insoumise, et puis le rassemblement du Rassemblement National. Toutes ces manifestations, nous y serons.

Emmanuelle Daviet: J’ajoute que les auditeurs ont été très nombreux à nous écrire pour commenter cette condamnation. Une partie de ces messages est publiée sur le site de la médiatrice de Radio-France.