Christian Chesnot, grand reporter, spécialiste du Proche orient est au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux questions des auditeurs à propos des récents événements au Liban.

Emmanuelle Daviet : Christian Chesnot vous revenez du Liban où vous étiez lors de la série d’explosions des bipeurs et des talkies walkies et des auditeurs s’interrogent sur vos conditions de travail sur le terrain. Comment assurez-vous votre sécurité ?

Christian Chesnot : Alors évidemment, on est en zone de guerre, mais c’est une guerre j’allais dire, diffuse, c’est à dire que tout le pays n’est pas sous les bombes. Vous avez des bombardements qui sont ciblés, même s’il y a beaucoup de dommages collatéraux. Vous êtes à un endroit où vous voyez les F16 israéliens qui passent dans le ciel, mais il n’y a pas de bombardements. Donc la sécurité, moi je n’avais pas de gilet pare balles. Donc c’est des choses très ciblées, surtout dans le sud du pays. Après moi j’ai évité évidemment d’aller là où il y avait des bombardements, d’ailleurs vous n’y avez pas accès puisqu’il faut un permis de l’armée pour pénétrer dans le sud.

Emmanuelle Daviet : Alors précisément, quelles sont les contraintes pour se déplacer ? demandent des auditeurs.


Christian Chesnot : Les contraintes, c’est pour aller dans le sud du pays. Donc sur la zone chaude où il y a beaucoup de bombardements, il faut un permis de l’armée libanaise. Et moi, j’étais à la FINUL dans le Sud. J’ai dû passer par un contrôle à Tyr. Vous avez les renseignements militaires libanais qui vous contrôlent. C’est assez fastidieux. Et puis, une fois que vous avez passé le contrôle, vous pouvez aller dans la FINUL ou ailleurs en fonction de vos reportages.

Emmanuelle Daviet : Christian Chesnot, on sait qu’à Gaza, 100 % du territoire est une cible au Liban. Comment ça se passe ?

Christian Chesnot : C’est ça la différence. Gaza, c’est un tout petit territoire. C’est 360 kilomètres carrés, 20 kilomètres de large, 40 de long. Le Liban, c’est beaucoup plus grand. Des grandes zones urbaines : Beyrouth, Saïda, Tyr. Et donc, encore une fois, c’est une guerre qui est volatile. On ne sait pas où ça peut se passer, vous vous trouvez dans un restaurant et puis vous entendez une explosion ou F16 qui passe au dessus de vos têtes. Donc voilà, c’est vraiment des montagnes russes. Et donc c’est pour ça que c’est difficile à gérer, parce que le danger peut venir n’importe où, n’importe quand.

Emmanuelle Daviet : En tant que spécialiste du Proche-Orient, Christian Chesnot, par rapport à des zones de conflit où vous avez pu aller, comment cette expérience au Liban se distingue-t-elle des précédentes ? A-t-elle une particularité ?

Christian Chesnot : Oui et non. C’est à dire qu’en ce moment il y a une psychose et le stress dans la société libanaise, avec tout ce qui s’est passé, les bombardements, les explosions dans les rues, etc. Alors ça dépend à qui vous vous adressez. Si vous vous adressez à des gens partisans du Hezbollah, ils vous diront du bien, et puis vous avez des opposants, donc les gens peuvent parler. Le Liban, c’est un pays très libre. Il y a 17 communautés religieuses, plusieurs confessions, etc. Vous avez des opposants au Hezbollah chez des chrétiens, y compris aussi chez les musulmans, les chiites. Donc après c’est pas très compliqué mais encore une fois, ce qui est dur, c’est d’aller dans le Hezbollah, faire parler les responsables, surtout en ce moment. Moi je devais faire des reportages dans les fiefs du Hezbollah, à la télévision Al Manar, rencontrer un député. Une fois qu’il y a eu ces explosions aux bipeurs et talkies walkies, tout s’est arrêté, je n’ai pu rencontrer personne. Tout le monde était sous terre. Et quand vous voulez aller voir des responsables ou d’autres, c’est quasiment impossible.