Qu’est-ce qu’une nécrologie ? Comment en écrit-on une ? Pour parler de cet exercice journalistique très particulier, Ersin Leibowitch, chef du service culture à Franceinfo, est au micro d’Emmanuelle Daviet.

Ce mois-ci, des personnalités marquantes ont disparu : Annie Cordy, Bernard Debré, médecin et homme politique, son frère le journaliste et écrivain François Debré, l’acteur Mickael Lonsdale, le chef Pierre Troisgros et mercredi la chanteuse et comédienne Juliette Gréco.

A Franceinfo comment est-ce organisé ?

Ersin Leibowitch : D’abord, sur le mot lui-même : « nécrologie » peut laisser penser que les journalistes attendent ou souhaitent la mort de quelqu’un, or ce n’est pas du tout le cas. Ensuite, « nécrologie » au sens strict, c’est plutôt un exercice de presse écrite, où des services « nécrologiques » existent. Des journalistes y sont souvent spécialisés dans ce type d’information. Ce qui n’est pas du tout le cas sur l’antenne ni à la rédaction de Franceinfo. Ceci étant dit, la disparition d’une personnalité peut constituer un événement et on doit le traiter à sa juste mesure pour nos auditeurs. A ce titre, nous avons des contacts comme dans tout autre domaine : on peut avoir parfois des alertes qui permettent de se préparer à ce genre d’événement.

Des nécrologies sont prêtes mais on peut évidemment être pris au dépourvu… Quelle est alors la difficulté de cet exercice ?

Ersin Leibowitch : Dans le recueil de l’information, d’abord, il y a une question de délicatesse, tout simplement d’humanité : c’est-à-dire qu’on ne va pas appeler les proches d’un disparu sans être certains qu’ils ont eux-mêmes l’information. Donc on va plutôt passer – pour ce qui concerne par exemple un artiste – par le manager, par l’agent, par ce qu’on appelle le deuxième cercle. Et cela pour confirmer l’information, éventuellement la publier. Une fois que celle-ci est publiée, publique, on peut alors tenter de recueillir des témoignages et des réactions.

Quels sont les critères d’une bonne nécrologie ?

Ersin Leibowitch : Je ne sais pas si l’on peut parler de « bonnes » ou de « mauvaises » nécrologies. Mais la disparition d’un grand artiste touche des gens de manière très forte. Le travail du journaliste dans ce moment-là, à mon sens, est de donner la juste mesure d’une carrière ou d’une personnalité à différents degrés : au grand public, aux fans – qui sont souvent très exigeants dans ces moments-là – et parfois aux proches qui vont également nous écouter.

On termine par cette remarque d’un auditeur de Franceinfo :
« J’ai été surpris du traitement différentiel de deux décès récents, ceux de Pierre Troisgros et de Juliette Greco. J’ai été surpris de constater un lexique orienté sur le physique de Juliette Greco (belle, beau maquillage, gracieuse, grande) alors que celui caractérisant Pierre Troisgros était davantage orienté sur ses actions et son savoir-être (innovant, drôle, sympathique, etc.). Je suis bien conscient que France Info est l’un sinon le plus respectueux des diffuseurs quant à l’égalité Homme-Femme dans les médias. Dans tous les cas, dans cette époque de prise de conscience de la réalité féminine nous aurions pu dire de Juliette Greco qu’elle était avant-gardiste, innovante, audacieuse. Et de Pierre Troisgros qu’il était empathique, gracieux et élégant dans leurs métiers respectifs. » Que répondez-vous à cet auditeur ?

Ersin Leibowitch : Je veux tout d’abord, remercier l’auditeur de reconnaître d’emblée que nous sommes respectueux de l’égalité femmes-hommes dans nos reportages. Ensuite, je vois bien le parallèle qui pourrait être fait avec, disons, une certaine utilisation de la féminité, une représentation qu’on peut voir parfois dans la pub, à la télé, au cinéma. Là ce n’est pas le cas du tout car la dimension physique de Juliette Gréco, sa dimension vestimentaire notamment, ses cheveux, est partie intégrante de ce qu’elle représentait : Bertrand Dicale l’a très justement dit sur notre antenne, les cheveux noirs de Juliette Gréco, c’était déjà une révolution pour l’époque. La petite robe noire, c’est Chanel mais dans la rue c’est Gréco, m’indiquait récemment une spécialiste. Son physique, ses choix vestimentaires, font partie intégrante de l’icône qu’elle était, de son charisme. Un autre exemple c’est Kurt Douglas, quand il est mort, comment ne pas parler de son physique ? De son regard ? C’est indissociable de la puissance de l’acteur qu’il était.