Une émission consacrée au rire, à l’humour sur France Inter. Ce thème revient régulièrement dans les mails des auditeurs.
Au micro de la Médiatrice, Emmanuelle Daviet, Laurence Bloch directrice de France Inter et Yann Chouquet directeur des programmes de la chaine.
Les humoristes provoquent toutes sortes d’émotion chez vous, auditeurs : du rire, qui va parfois jusqu’aux larmes, mais aussi cela arrive de l’incompréhension, de la perplexité, de l’indignation, voire carrément de la colère. Sur l’antenne s’exprime toute une palette de rires :le rire sarcastique, le rire de résistance, le rire de séduction, le rire d’opposition, le rire qui rassemble et aussi celui qui exclut. L’humour est une langue étrangère, pour certains il faudrait ajouter des sous-titres écrit Guy Bedos. Il est vrai que l’on ne partage pas tous le même humour.
Quel rôle joue l’humour sur une grande chaine de radio généraliste ? Doit-il critiquer ou seulement divertir ?
Comment le rire trouve-t-il sa place entre une interview politique et le journal d’information le plus écouté de France ?
Comment justifier le rire lorsqu’il devient outrancier, vulgaire, grossier ?
Le rire porte-t-il une responsabilité politique sur une antenne de l’audiovisuel public ?
Le rire est-il indispensable ?
Un auditeur nous écrit au sujet du billet de Charline Vanhoenacker en duo avec Guillaume Meurice.
Par Jupiter mardi à Strasbourg et des auditeurs sensibles à la présence des humoristes en direct de l’hôtel de ville/ comme Hélène, elle écrit : « J’étais très heureuse de vous voir. J’espère que vous apprécierez les petits gâteaux que je vous ai donnés . C’est aussi ça la magie de Noel . Ils ont été confectionnés avec amour et beaucoup de beurre. » Hélène je vous indique que votre message a été transmis à l’équipe
Pourquoi était-il important de vous rendre à Strasbourg après l’attentat du marché de Noël ?
Deux raisons : une émission en direct était prévue le 13 novembre, or l’attentat avait eu lieu l’avant-veille, fallait-il annuler ? L’assassin n’étant toujours pas arrêté, on a décidé d’annuler. Mais annuler c’était céder… Il fallait tout de même donner un signe de solidarité aux habitants de Strasbourg. Se servir du rire pour leur montrer « qu’ils » n’ont pas raison… On a eu raison, comme on l’a fait après Charlie Hebdo, comme on l’a fait après le Bataclan, après le Mali ou après Istanbul. Le rire est la meilleure arme contre ces gens qui pensent qu’on ne doit pas naître libres et égaux.
Humour et politique
Les mails ne ressemblent évidemment pas tous à ceux d’Hélène, je poursuis avec celui de Christelle qui nous écrit au sujet du billet de Charline Vanhoenacker en duo avec Guillaume Meurice avec Gérald Darmanin :
C’était le 6 décembre dernier et à la suite de cette chronique nous avons été littéralement submergés de mails.
« J’écoute la matinale de France inter depuis 30 ans, et j’apprécie les chroniques de Charline, mais là ce matin avec monsieur DARMANIN, ils sont allés trop loin, remise en cause de la justice, insidieux, scandaleux… Ils se sont livrés à un lynchage, chacun ses idées politique mais ils poussent à la violence et au chaos, on a bien compris qu’ils étaient pour une révolution. qu’ils n’oublient pas qu’ils sont sur une chaîne publique ! »
Précision, un point important : sur l’ensemble des auditeurs qui nous ont écrit : un tiers a adoré la chronique, un autre tiers n’a pas apprécié cette chronique mais adore Charline et le dernier tiers se montre très critique. Laurence Bloch que répondez-vous aux auditeurs et en particulier aux mécontents ?
Je comprends que cette chronique (comme d’autres) a pu choquer. L’humour est la chose la moins bien partagée du monde. Ce qui vous fait rire ne fait pas forcément rire votre voisin parce que vous n’êtes pas à la même place. Il y a mille façons d’être drôle : il y a la poésie toujours très fraternelle de François Morel, le côté très « salle de garde » qui exaspère de Daniel Morin, le côté plus surréaliste de Chris Esquerre, et la caricature et la satire, les fous du roi que doivent être les humoristes. La limite que je mets c’est la loi et la jurisprudence. Les personnalités politiques et publiques ont besoin de leurs fous du roi.
N’est ce pas un problème pour vos invités de 7h50, qui sont en majesté au micro de Léa Salamé, de savoir que le billet de Charline peut possiblement leur être consacré ?
« En majesté », c’est très important pour eux de savoir qu’ils sont en « majesté » mais il faut qu’ils aient aussi une certaine distance par rapport à leur rôle.
Les humoristes sur France Inter défendent-ils leur idées politiques par le rire ?
Gilbert, un auditeur, écrit je cite : « Ces gens, très engagés à gauche, pensent représenter le camp du bien et leur conformisme intellectuel est confondant. »
Ces questions sont récurrentes, sur la vingtaine d’ humoristes de la chaîne, il y a effectivement des sujets qui ne prêtent pas forcément à rire (exemple avec les bateaux de migrants : est-ce cela être de gauche ?). C’est une chaîne qui défend certaines valeurs, qui font qu’on peut vivre ensemble tout en étant différent.
Le rire est-il politique sur France Inter ? oui, par définition.
Les humoristes ont-ils une liberté absolue d’expression ?
C’est un contrat qu’on a ensemble, une liberté absolue d’expression, mais une responsabilité aussi. On échange avec eux. C’est une marque de confiance que nous avons avec nos auditeurs.
Leurs textes sont-ils relus ? jamais. Un humoriste doit-il se fixer des limites ? c’est la question de la liberté de penser.
Est-ce que vous protégez vos humoristes ? Tous les gens qui participent à cette chaîne.
Les humoristes sont-ils indispensables sur cette antenne ? Cette liberté, cette distance, cette ironie est salutaire. Il faut prendre de la distance par rapport à ce que l’on est.
Trivialité ou vulgarité
Patrice constate que « certains humoristes de la chaîne n’ont d’autres repli que celui de la trivialité voire de la vulgarité. Etre choqué par ces propos vulgaires relève peut être de la « ringardise », mais je pense que France Inter devrait réviser sa politique de recours aux humoristes pour ne pas sombrer dans une trivialité malsaine! »
Yann Chouquet, vous êtes le directeur des programmes de France Inter, le reproche adressé ici c’est la vulgarité, la grossièreté de certains humoristes, que répondez-vous à Patrice ?
Certains se laissent aller à la grossièreté mais pas à la vulgarité.
Vous êtes l’homme que doit rencontrer tout humoriste qui souhaite sévir sur l’antenne, comment recrutez-vous les humoristes ?
Je les vois en spectacle, on m’en conseille certains, je regarde sur internet.
Quelles sont les qualités nécessaires pour être humoristes à France Inter ?
Il ne faut pas avoir d’ambition de gagner de l’argent… faire rire intelligemment
Veillez-vous à une parité ?
Oui, de plus en plus depuis 3 ans, depuis la création du comité de diversité à Radio France. (40 % de femmes)
« l’entre soi » « les rires enregistrés » sont des critiques fréquentes…..
Michel déplore « cet entre-soi : les humoristes chambrent systématiquement leurs copains de bac à sable. Je ne mets pas en cause le talent des personnes concernées, mais je me sens de plus en plus exclu de cette bande de bons copains ravis de se charrier mutuellement. L’auditeur existe, vous semblez parfois l’oublier »
Colette estime que « L’émission est suffisamment drôle , ce n’est normal de glisser à tout bout de champ « des rires enregistrés » ce n’est pas utile, c’est perturbant, cela empêche de suivre […] Entendre des rires en fond, c’est prendre les auditeurs pour des idiots… »
« l’entre soi » « les rires enregistrés » sont des critiques fréquentes….. absolument pas.
Il règne un esprit de camaraderie dans ces émissions, ce qui fait une table sonore. Il faut avoir plaisir à être ensemble pour que cela fonctionne et transmettre cette bonne humeur aux auditeurs.
Les humoristes sont-ils les chiens de garde de la liberté éditoriale d’une chaine
« S’il est vrai que l’humour est la politesse du désespoir, s’il est vrai que le rire, sacrilège blasphématoire que les bigots de toutes les chapelles taxent de vulgarité et de mauvais goût, s’il est vrai que ce rire-là peut parfois désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles, alors oui, on peut rire de tout, et l’on doit rire de tout : de la guerre, de la misère et de la mort. » Pierre Desproges dans les réquisitoires du tribunal des flagrants délires (1980-1983).
«Vous aurez reconnu Pierre Desproges dans Les réquisitoires du tribunal des flagrants délires, Laurence Bloch est ce que cette définition du rire pourrait résumer l’humour sur France Inter ?
Le tribunal des flagrants délires récidives l’an prochain.
Emmanuelle : Pierre Desproges estimait que « L’humour, c’est le droit d’avoir le courage de déplaire, la permission absolue d’être imprudent. » Est-ce que parfois les humoristes d’Inter sont imprudents, franchissent la ligne jaune, vous donnent des sueurs froides ?
« La ligne jaune » est très clairement établie par la loi. Les glissements arrivent mais on en parle.
Le rire est-il le signe manifeste d’une société démocratique ? Absolument
Laurence Bloch qu’est ce qui vous fait rire dans la vie ? Les humoristes d’Inter et Louis de Funès