Intense actualité américaine ces dernières semaines : l’intrusion des partisans de Donald Trump dans le Capitole, notamment. Pour répondre aux questions des auditeurs. Jean-Marc Four, le directeur de la rédaction internationale de Radio France est au micro de la médiatrice des antennes, Emmanuelle Daviet.

Emmanuelle Daviet : A propos des Etats-Unis d’Amérique, des auditeurs nous écrivent que contrairement à ce qui est dit sur l’antenne par des commentateurs ou des invités, « les États-Unis ne sont pas la plus vieille démocratie du monde, loin de là » ? Qu’en est-il ?

Jean-Marc Four : Oui, c’est une remarque tout à fait pertinente. C’est effectivement un abus de langage. C’est en aucune manière la plus vieille démocratie du monde. Il faut remonter à l’Antiquité. Évidemment, Athènes, Carthage, Rome, etc. Et même dans l’histoire moderne, c’est plutôt l’Angleterre. A ce compte-là, avec son régime parlementaire et l’Habeas corpus, qui est devenue une démocratie avant les Etats-Unis. Cela étant, les Etats-Unis sont devenus quand même une démocratie avant la France. Mais c’est un abus de langage, en effet.

Emmanuelle Daviet : On entend également sur l’antenne que les Etats-Unis d’Amérique sont la plus grande démocratie au monde. Les auditeurs nous disent que c’est faux. Qu’en pensez vous ? Jean-Marc Four.

Jean-Marc Four : Mais ils ont raison aussi. C’est encore une fois un abus de langage. C’est évidemment la plus grande démocratie au monde par la population. En tout cas, c’est évidemment l’Inde d’aujourd’hui, avec son milliard 300 millions d’habitants et près de 900 millions d’électeurs. Donc, là encore, c’est une forme de facilité. En tout cas, ce n’est pas non plus la plus grande démocratie du monde.

Emmanuelle Daviet : Comment expliquez vous la permanence de ces expressions dans le discours médiatique?

Jean-Marc Four : Je dirais qu’en fait, c’est clairement une influence de ce qu’on a coutume d’appeler le « soft power » américain. Vous savez, c’est cette influence intellectuelle, culturelle. En fait, ça adopte le point de vue américain parce que ce sont les Etats-Unis qui se revendiquent comme « la plus grande démocratie du monde », qui se voient comme « The beacon of democracy ». On dit en anglais c’est la formule qu’a utilisée Joe Biden, il y a quelques jours : le Phare, le guide de la démocratie. Ça peut s’expliquer parce qu’évidemment, depuis ce qui s’est passé au 20ème siècle, et notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, effectivement, les Etats-Unis peuvent se présenter comme le Protecteur du monde démocratique pluraliste. Mais de fait, ça consiste en fait à adopter le point de vue des Etats-Unis.

Emmanuelle Daviet : Autre message d’un auditeur : « je suis étonné d’entendre vos journalistes utiliser le terme anglais “impeachment” la traduction française « destitution » n’est elle pas correcte? ».

Jean-Marc Four : Alors, il y a une différence. Ce n’est pas tout à fait la même chose « impeachment », et destitution. C’est dire que c’est la différence entre la procédure et le résultat de la procédure. Je m’explique. Aujourd’hui, à l’instant où je vous parle, là, il y a « impeachment » dès l’instant où Donald Trump a été mis en accusation. Mais il n’y a pas destitution. Il n’y aura destitution que si le procès aboutit à sa condamnation. Vous voyez la différence ? Je vais prendre une autre image. Je sais pas. Vous prenez la route entre Marseille et Bordeaux. Dès l’instant où vous êtes sur la route, Impeachment ; il n’y aura destitution que si vous arrivez à Bordeaux, il y a des écueils sur la route.

Emmanuelle Daviet : Un auditeur nous écrit que le 25e amendement envisagé pour que Donald Trump quitte le pouvoir n’est pas un amendement. C’est un article de la Constitution. Voici un extrait du message de cet auditeur. « Il est lassant d’entendre cette faute de traduction commise depuis des décennies à propos des multiples articles de la Constitution américaine. Étrange Constitution qui ne serait constituée que d’amendements. A en croire nos politologues, il est curieux que personne ne se soit fait la remarque, notamment au sein des rédactions. »
Jean-Marc Four, que répondez vous à cette observation ?

Jean-Marc Four : Alors pour le coup, pas tout à fait d’accord. La Constitution américaine est composée à la fois d’articles et d’amendements. Au départ, il y avait 7 articles de la Constitution américaine des pères fondateurs, si vous voulez, c’est vraiment la clé de la répartition des pouvoirs au sens de Montesquieu le pouvoir législatif, le pouvoir présidentiel, etc. etc. Et ensuite se sont rajoutés les amendements. Il y en a 27 au total, dont les 10 premiers constituent ce que l’on appelle la Déclaration des droits. Mais il y a les deux. En fait, il y a des articles et des amendements, par exemple. L’article 2 de la Constitution américaine définit les pouvoirs du président. Le deuxième amendement, lui, il autorise le port d’armes. Rien à voir.