Depuis la rentrée, des auditeurs se plaignent d’entendre trop souvent des membres du Rassemblement national sur les antennes de Radio France. Erik Kervellec, secrétaire général de l’information de Radio France est au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux questions des auditeurs et rappeler les règles du temps de parole politique.
Emmanuelle Daviet : Pouvez-vous rappeler précisément les règles qui encadrent le temps de parole politique sur les antennes en dehors des périodes électorales ? Et d’ailleurs, qui fixe ces règles ?
Eric Kervellec : C’est important de bien comprendre qu’on ne fait pas ce qu’on veut en matière de temps de parole politique sur les antennes de Radio France. On doit rendre des comptes. Et même effectivement, lorsqu’il n’y a pas d’élections, nous devons déclarer à la seconde près toutes les interviews politiques qui passent sur Inter, sur Info, sur Culture chaque mois à l’ARCOM qui est l’autorité qui est chargée de veiller au respect du pluralisme sur nos chaînes et d’ailleurs aussi sur tous les autres médias audiovisuels, publics et privés. Et si on ne respecte pas ce pluralisme qui est un principe inscrit dans la loi, eh bien comme les autres, on s’expose à des sanctions.
Emmanuelle Daviet : Et alors ? Quelle est la différence entre temps de parole politique et temps d’antenne ? C’est une notion souvent méconnue des auditeurs.
Eric Kervellec : Alors, un leader politique qui s’exprime sur l’actualité, c’est du temps de parole. Et là, c’est très simple chaque formation politique a droit à un temps de parole en pourcentage sur chaque média audiovisuel en France, à hauteur de ce que cette formation pèse dans le débat public. L’exécutif, donc le président de la République, plus le gouvernement, c’est 33% fixés par la loi. Plus complexe, la notion de temps d’antenne. Ce sont en fait des opinions qui peuvent être émises dans une émission par des invités qui ne sont pas des hommes politiques ou par des chroniqueurs. Là aussi, il faut vérifier que le pluralisme est bien respecté. Le Conseil d’État l’a dit de manière très claire dans une décision il y a un peu plus d’un an désormais, si quelqu’un se plaint à l’ARCOM en disant que sur telle chaîne, dans telle émission, on roule manifestement pour un parti et que ce n’est pas normal, le régulateur va demander aux médias mis en cause de prouver qu’il a bien fait son boulot. Donc sans parti pris, c’est le cas de le dire.
Emmanuelle Daviet : Depuis plusieurs semaines, des auditeurs disent avoir l’impression que l’on déroule le tapis rouge au Rassemblement national en les invitant très fréquemment. D’autres estiment, je cite, « qu’on dépasse largement les quotas ». Alors, est-ce exact ou est-ce un ressenti ? Et comment vérifiez-vous les temps de parole, s’ils sont bien équilibrés ou non ?
Eric Kervellec : Le Rassemblement national, c’est un parti qui est référencé par l’ARCOM, ça veut dire qu’à ce titre, il doit trouver sa place sur nos antennes comme les autres, en fonction de son poids aujourd’hui dans la société. C’est cela que nous devons respecter, toujours au nom du pluralisme. C’est la loi et nous l’appliquons parce que nous ne sommes pas des médias d’opinion.
Emmanuelle Daviet : Que répondez-vous alors à ceux qui estiment qu’inviter souvent le RN, même au nom du pluralisme, revient à normaliser leur discours ?
Eric Kervellec : C’est à mon avis un débat un peu dépassé. La normalisation du discours du RN ne passe plus vraiment aujourd’hui simplement par la parole des leaders de ce parti, mais sans doute beaucoup plus par le choix des sujets dans une rédaction, les éditoriaux orientés de certains confrères ou les débats que vous pouvez suivre sur des chaînes où finalement tout le monde est d’accord sur le plateau avec les idées du RN. Ça, ce genre de choses, ça n’existe pas sur le service public.
Emmanuelle Daviet : Il y a une question qui revient fréquemment dans le courrier des auditeurs, c’est comment concilier le devoir de pluralisme, le respect de la loi et la responsabilité éditoriale face à des interlocuteurs qui remettent en cause le service public de l’audiovisuel ?
Eric Kervellec : Bonne question. Sans doute en prouvant au quotidien, par le sérieux de notre travail, que ce service public de l’audiovisuel, qui fait la part belle à toutes les opinions, a tout à fait sa place dans le paysage. Parce qu’il remplit son rôle. Loin des polémiques, il aide chaque jour les citoyens de ce pays à comprendre un monde de plus en plus complexe et finalement à se faire leur propre opinion.