Depuis la rentrée, un des sujets sur lesquels le médiateur est beaucoup interpellé concerne le domaine médical et, notamment, les vaccinations. Pour répondre aux auditeurs, Bruno Rougier, journaliste et spécialiste Santé-Sciences de franceinfo.
C’est incroyable comme ce sujet des vaccins peut susciter des réactions passionnées, souvent chargées de contrevérités et de peurs irrationnelles. Cela rappelle un peu – dans un autre domaine – l’épisode, l’année dernière, des compteurs Linky et le déferlement de peurs liées à de fausses informations propagées sur les réseaux sociaux.
« Les grands médias, dont franceinfo, soutiennent la politique vaccinale du gouvernement et appuient le lobby des grands groupes pharmaceutiques qui veulent simplement grossir leurs bénéfices ». selon cet auditeur, Vincent. Que peut-on répondre à de telles critiques ?
« D’abord, je l’avoue simplement : je soutiens la politique vaccinale du gouvernement car les vaccins sauvent des vies. Si l’on regarde ce qui se passe en France : avant l’obligation vaccinale, la diphtérie tuait chaque année 3 000 personnes, la polio 200… La situation a totalement changé : on ne déplore aucun décès de la diphtérie dans notre pays depuis 1982, et pour la polio, le dernier décès qui remonte à 1995 était un cas importé de l’étranger… Alors oui, la vaccination sauve des vies. Il est anormal que l’on meurt encore de la rougeole, et pourtant une jeune fille de 16 ans est décédée de cette maladie l’été dernier à Marseille, elle n’était pas vaccinée….
En revanche, je réfute totalement la seconde affirmation de Vincent selon laquelle France Info appuie le lobby des grands groupes pharmaceutiques. Je fais mon travail en conscience et les dossiers de presse des laboratoires, aussi beaux et illustrés soient-ils me laissent de marbre «
Revient très souvent dans les messages cette incarnation du monstre moderne que sont, pour beaucoup d’auditeurs, les laboratoires pharmaceutiques. Avec cette question quelque peu provocante d’Odile : « Seriez-vous sponsorisés par les lobbies pharmaceutiques ? »
« La réponse est non : je ne suis pas invité par les laboratoires dans des iles paradisiaques, pas invité non plus dans des restaurants étoilés. Je reçois, comme tous mes confrères spécialistes santé des invitations à des conférences de presse. Et je décide en mon âme et conscience de m’y rendre ou non. Il m’arrive même d’assister à des conférences de presse et de décider ça ne mérite pas un sujet à l’antenne. Je suis donc totalement libre… »
Comment travaille un journaliste spécialiste médical ? A-t-il des rapports privilégiés avec les labos pharmaceutiques ?
« Non, quelques contacts épisodiques lors d’un rendez-vous presse. En cas de crise, c’est vrai que les laboratoires s’adressent à des agences de communication qui nous proposent des argumentaire… A nous d’être suffisamment malins pour trier… C’est d’ailleurs notre travail… En cas de doute, je m’adresse à des spécialistes travaillant dans les hôpitaux ou dans des organismes de recherche publics. Et si je flaire un possible conflit d’intérêt, je regarde dans la base de données publique « transparence santé » dans laquelle tout professionnel de santé est obligé de déclarer les relations qu’il a avec un industriel et les rémunérations qu’il touche d’un laboratoire »
Les récents scandales médicaux ont évidemment renforcé les peurs
« La peur ne date pas d’hier mais c’est vrai que la multiplication des scandales sanitaires n’est pas en faveur d’une confiance aveugle du public envers les industriels »
Comme tous médicaments, les vaccins peuvent présenter des dangers dans certains cas précis et rares
« C’est tout à fait exact, le nier serait stupide… Certaines personnes présentent de véritables contre-indications, d’où l’importance d’avoir une discussion avec un médecin avant toute vaccination. Et puis c’est vrai que peuvent apparaitre des troubles importants… des réactions allergiques graves, un syndrome de Guillain-Barré ou une sclérose en plaques… Des cas très rares mais qui existent. »
Et cette crainte de l’aluminium contenu dans les vaccins ?
« D’abord une précision : cet aluminium est mis dans les vaccins pour augmenter la réponse immunitaire. En clair les vaccins seraient moins efficaces sans adjuvant. L’aluminium est utilisé dans les vaccins depuis presque un siècle, des centaines de millions de doses ont été injectées sans révéler de problèmes majeurs. Mais c’est vrai que cette présence d’aluminium peut avoir des effets chez certaines personnes qui sont génétiquement prédisposées : de la fatigue, des douleurs, des troubles cognitifs. Des études sur des souris montrent des effets neurologiques, il faut donc poursuivre ces travaux…Et mener aussi des recherches pour trouver de nouveaux adjuvants…
La vaccination des bébés
« Je rassure Jérôme, on ne va pas vacciner les bébés d’un coup avec les onze vaccins. Ces 11 vaccins représentent 10 injections qui seront étalées sur 2 ans…
Alors, bien sûr on peut ne pas faire vacciner son enfant amis je rappellerai juste qu’aujourd’hui pour bloquer une maladie infectieuse, il faut une couverture vaccinale de 90 à 95 % de la population…. Si on est au-dessous, les épidémies continuent à circuler et à tuer…. Alors bien sur on peut compter sur les autres mais c’est prendre le risque de voir ressurgir certaines maladies comme c’est le cas en ce moment avec le retour de la rougeole faute d’une vaccination suffisante »