Si l’on en croit certains auditeurs qui écrivent au médiateur, les journalistes parlent mal le français et utilisent trop d’anglicismes. Profitons de cette Semaine de la langue française et de la francophonie pour faire le point en compagnie de Loïc Depecker, délégué général à la langue française et aux langues de France (DGLFLF)
Les messages concernant le mauvais usage du français sont nombreux. Estimez-vous que les journalistes s’expriment mal ?
Dans l’ensemble non, chacun fait son métier excellemment. Dans le flot du dialogue et du direct, on peut avoir la tentation d’aller un peu au-delà des règles du français.
Durant cette semaine de la langue française et de la francophonie, des auditeurs ont fait quelques remarques :
Un journaliste a dit : « Cela s’est avéré faux ». Faute ?
Ce n’est pas une faute, car on a constaté que c’était faux. On l’a constaté par des faits, par des correspondances entre plusieurs informations. C’est un paradoxe de la pensée. « Cela s’est avéré faux », cela veut dire c’est vrai : c’est vrai que c’est faux !
Un autre a dit : « Les un an de cette société ». Faute ?
Non, ça ne se dit pas. Il vaudrait mieux dire le « premier anniversaire » de cette société.
Un autre a parlé des « scenarii ». Faute ?
C’est une faute, plus forte que les autres. On dit des scénarios, puisque la règle générale du français, c’est d’intégrer les mots étrangers, le plus possible, et également les mots latins (considérés encore comme des mots étrangers). Ce terme a été francisé.
Les anglicismes
Des auditeurs nous reprochent d’utiliser des mots comme « fake news », « bashing », « buzz », « master class », « burn out », « biopic ». Or, il est difficile de changer quand le mot a été adopté par la langue commune.
Ces termes ont été traités par la Délégation Générale à la Langue Française, au Ministère de la Culture. Par exemple pour « master class », la « classe de maître », employé sur France musique récemment. Il y a des radios qui respectent fortement le français. Le « burn out » a également été traité : l’épuisement au travail qui est beaucoup plus compréhensible pour l’ensemble des auditeurs que « burn out »; « biopic » ne veut rien dire, traduit par « bio film », qui permet de montrer que c’est un film qui fait la biographie d’un personnage important.
Dans ce contexte, à retrouver les vidéos du médiateur « Le sens des mots ». Des mots de l’actualité ou des médias sont expliqués par des linguistes ou des spécialistes.
La francisation de ces mots donne parfois des expressions étonnantes. Prenons smartphone. Les directives gouvernementales ont suggéré « ordiphone » ; cela n’a pas marché. Aujourd’hui, on nous propose « mobile multifonction ». Qui va utiliser cette expression ?
Les gens diront plutôt « mobile ».
Le « DJ » d’une boite de nuit devrait s’appeler un « platiniste ». Comment ces choix sont-ils effectués?
Le français est plus élégant, c’est pourquoi certains DJ aiment à s’appeler « platinistes »
On parlait de « boîte de nuit ». À une époque, on disait « nightclub ». Cet anglicisme a disparu ?
Cela fait ancien et vieillot. Beaucoup d’anglicismes ont disparu, comme speakerine, brushing. La langue est une question de mode.
Il y a quelques jours, les médiateurs francophones ne sont réunis. Ils sont tous confrontés au bon usage du français. Mais contrairement aux Québécois, par exemple, nous sommes plombés par la lenteur et le peu de réactivité de l’Académie française. Ce qui fait que le mot anglais s’impose rapidement.
Il s’impose ou il disparaît. Les journalistes québécois sont plus organisés que les journalistes français ou européens, dans la mesure où ils ont des associations qui travaillent ensemble, afin que les nouveaux termes soient diffusés rapidement sur les radios et télévisions.
Loïc Depecker en appelle aux journalistes pour aider la DGLFLF à trouver les bons mots et les bonnes formules.