Depuis le 17 novembre 2018, les auditeurs se sont massivement exprimés sur les Gilets jaunes et le traitement éditorial de ce mouvement sur les antennes de Radio France. Un an plus tard, retour sur cette séquence médiatique. Nous vous proposons une sélection de messages des auditeurs, les interviews réalisées avec les directeurs des rédactions ou les journalistes sur le terrain et demain, samedi 16 novembre 2019, l’analyse de Vincent Giret, le directeur de franceinfo, à retrouver dans le Rendez-vous de la médiatrice à 11h51.
Le mouvement des Gilets jaunes a généré pendant des mois un courrier régulier et abondant où, peu à peu, l’incompréhension face à cette mobilisation a laissé place à une critique ouverte sur l’importance que lui accordaient les antennes : « La couverture médiatique du mouvement des Gilets jaunes est d’une ampleur extravagante. » Ce propos d’une auditrice résume à lui seul les milliers de mails reçus à ce sujet. De nombreux auditeurs ont estimé que les rédactions étaient trop complaisantes avec ce mouvement, d’autres ont constaté qu’il n’y avait aucun débat de fond et que la majorité silencieuse de nos concitoyens l’était restée tristement, même sur nos antennes.
Micros ouverts sur le rond-point, version contemporaine de l’agora, les paroles des Gilets jaunes ont largement circulé. Jugées envahissantes, « ridicules », « racistes », « extrémistes », par les auditeurs qui nous ont interpellés. « Vous leur donnez trop la parole », « En surmédiatisant ce mouvement, vous jetez de l’huile sur le feu » ont été les reproches majeurs de ceux qui nous ont écrit par milliers. Mais quand on s’est tu si longtemps faute de pouvoir être entendu ou relayé, soudain on parle haut, fatigué d’avoir toujours parlé à mots couverts. Et lorsque la parole se découvre, quand elle occupe tout (trop?) l’espace médiatique, elle dérange. Paroles de contestations, paroles contestées, par certains auditeurs, paroles parfois contestables. Cette violence comme exutoire à la pauvreté sociale, économique, informationnelle, voire langagière, traduit, par l’excès, l’impérieuse nécessité d’être entendu. Et s’il est une chose qui, en une année, n’a pas changé, c’est le vertigineux besoin d’expression de nos concitoyens dans ce pays.
Emmanuelle Daviet
Quand on totalise de temps d’antenne que des radios de radio France ont consacré à la fameuse « mobilisation » des gilets jaunes et quand on totalise le temps d’antenne consacré à la transition énergétique sur le mois de novembre il y a pour moins un fort déséquilibre. Est-ce plus utile pour la société et les générations futures de consacrer du temps à la transition environnementale ou est-ce plus utile de faire la publicité pour ces fameux gilets jaunes. La question mérite d’être posée surtout pour un service public ! Mais en fait, cette propagande pour les gilets jaunes n’est-ce pas un moyen détourné pour attaquer une fois de plus le Président de la République ?
La fréquence des moments qui traite de la prochaine manifestation Gilets Jaunes, est-ce encore de l’information ou de la propagande ? Vous avez déjà au printemps fait un matraquage sur la convergence des luttes qui n’a pas abouti à un nouveau mai 68. Pourquoi mettez vous un zoom aussi fort sur un événement à venir qui ne concerne qu’une partie de la population ?
Il serait bon d’arrêter d’interviewer des gilets jaunes, ou bien de les interroger correctement. Ils nous disent que toutes les taxes augmentent. quelles taxes ? des précisions ! ils ont un discours très imprécis, ils sont en colère mais sans savoir vraiment pourquoi. Ils nous disent que les prix de l’alimentaire augmente, est ce vrai? contrôlez vous ces informations ou bien donnez vous juste la parole à n’importe quel râleur.
Cessez de donner autant d’importance aux gilets jaunes, il ne représente pas tous les français mais une petite bande de mauvais râleurs. Ce matin, mon mari s’est trouvé avec une responsable des gilets jaunes de Metz au bar et il est rentré sidéré par le niveau grave extrême, ils veulent tout bloquer demain : routes, trains, zac durant 3 jours, et ils disent, écoutez bien… après on s’occupe de virer les migrants…. bonjour l’ambiance, et vous les reporters ne soyez pas si naïfs ! et ne les encouragez pas comme vous le faites !
Tous vos journaux nous matraquent de ce fameux mouvement des « jaunes » ou « gilets jaunes », c’est à minima 3 à 5 mn avec les interviews … Faites vous la même chose pour les appels à manifester des citoyens qui veulent plus d’écologie.
De nombreux auditeurs nous ont écrit pour dénoncer l’escalade de violence — policière ou manifestante. Certains auditeurs exprimaient ainsi leur soutien aux journalistes agressés par des Gilets jaunes :
Je viens par ces quelques lignes vous témoigner de mon soutien alors que certaines personnes doutent de la manière dont vous pratiquez votre métier, je vous dis toute ma confiance pour l’information diffusée sur votre antenne. Merci, bonne continuation dans la mission qui vous est confiée.
Ces gens-là qui menacent les journalistes, les attaquent physiquement, lâchement et violemment sont simplement fascisants et mettent la démocratie en grand danger. Alors, s’il vous plaît, réagissez, pour vous protéger, mais aussi pour tous vos fidèles auditeurs, défenseurs de la liberté d’expression. […] Bon courage à vous et bravo pour l’information sérieuse que vous nous offrez chaque jour
Une fois de plus, des journalistes ont été agressés, hier samedi, par des gilets jaunes. Je dis bien « gilets jaunes » et non « éléments violents », « groupuscules »…. ou autres euphémismes. Il est temps d’arrêter de se voiler la face et de nommer les choses. Ces gens là qui menacent les journalistes, les attaquent physiquement, lâchement et violemment sont simplement fascisants et mettent la démocratie en grand danger.
Des messages de soutien aux Gilets jaunes, très minoritaires, nous sont aussi parvenus.
Je commence à être assez lassé par tous ces éditorialistes, qui n’ont de cesse de vouloir décrédibiliser les Gilets jaunes parce que leur discours n’est pas aussi construit qu’ils le voudraient… Était-il nécessaire de parler des Gilets jaunes réagissant à Strasbourg, non vous le savez que non, ce n’était pas nécessaire. Mais c’était facile de prendre des Gilets jaunes à cran et à fleur de peau en ce moment pour les montrer réagir maladroitement face à un attentat
Fidèle auditeur de France Inter, citoyen français ne participant pas aux manifestations des Gilets jaunes mais les soutenant, je suis toujours très étonné, révolté même, de l’absence totale d’information concernant le nombre impressionnant de blessés parmi les manifestants, qui sont mutilés, dévisagés, éborgnés par des tirs de flash ball, dont des journalistes dans l’exercice de leurs fonctions. Pourquoi les médias s’émeuvent de coups portés à mains nues au travers d’un casque et non de jeunes filles avec de multiples fractures à la mâchoire par ces dangereux flash ball ? Allez donc recueillir les témoignages de ces manifestants. Je dis bien manifestants et non casseurs qui, dans leurs immense majorité, manifestent pacifiquement.
Votre responsabilité en tant que média public est aussi d’informer sur ce que j’appellerais cette dérive violente des forces de l’ordre depuis le début du conflit, ce qui peut aussi expliquer la radicalisation qui s’observe dans les manifestations.