Au micro d’Emmanuelle Daviet, un membre de la rédaction pour éclairer nos auditeurs sur le fonctionnement de FranceInfo, ce dimanche c’est Antoine Krempf qui dirige la cellule « vrai du faux » de Franceinfo. Nous allons donc parler aujourd’hui de vérification de l’information, outil pour lutter notamment contre le complotisme.
Avec le Covid, un palier a clairement été franchi dans la croyance aux théories complotistes.
Au delà de la désinformation autour de la santé, sur différents sujets, les fausses informations pullulent et trouvent un public très perméable à toutes ces théories fumeuses. Une adhésion d’autant plus forte que 67% des Français disent « douter de la véracité » des informations qu’ils reçoivent, même lorsqu’elles proviennent de « médias reconnus » c’est ce qu’indiquait un sondage IFOP en juin dernier.
A quelques mois de l’élection présidentielle, afin d’essayer d’éclairer le public sur ces mécaniques qui conduisent à la désinformation, Emmanuel Macron a installé une commission. Cette instance a trois mois pour faire des propositions, trouver des solutions pour faire face à l’emprise des thèses complotistes dans le débat public.
A Franceinfo on s’est emparé du sujet depuis plusieurs années déjà avec la cellule « Le Vrai du faux ».
Emmanuelle Daviet : Antoine Krempf comment fonctionne votre service ?
Antoine Krempf : On est 6 journalistes, on fait à la fois de la radio, évidemment, mais aussi des articles sur le web, des vidéos sur les réseaux sociaux. On est aussi présent sur le canal 27, la chaîne télé de Franceinfo. On a deux missions : une mission de vérification, on vérifie la parole publique en général, c’est souvent les invités dans les matinales des médias, des responsables politiques, mais aussi on vérifie ce qui est partagé sur les réseaux sociaux, sur Facebook, sur Twitter, sur YouTube. C’est la première mission. L’autre mission, c’est le décryptage et l’explicatif. C’est à dire que on va contextualiser, expliquer les enjeux d’un sujet qui est débattu dans l’actualité. Et dans les deux cas, l’idée, c’est de faire que le débat public se fasse sur des éléments factuels et donc de lutter contre la désinformation.
Emmanuelle Daviet : Il y a également une chronique quotidienne sur l’antenne, « Le vrai du faux » Selon quels critères est choisi le sujet du jour ?
Antoine Krempf : Il y a deux chroniques « le vrai du faux », désormais, depuis la rentrée, on a une chronique en matinale, mais aussi une chronique dans l’émission « Les informés du soir ». A chaque fois, c’est fait par une personne qui fait ces recherches, qui recoupe les sources avec l’aide souvent d’autres journalistes de la cellule. Comment on choisit nos sujets ? On choisit avec trois critères. Par exemple, quand ça vient des réseaux sociaux : la viralité, c’est à dire que c’est une fausse info qui est beaucoup, beaucoup partagée. Ça sert à rien de parler de quelque chose et donc d’attirer l’attention sur quelque chose qui est faux, mais partagé par très, très peu de gens. Il faut qu’il y ait un lien avec le débat public, que ce soit discuté dans l’actualité. On se demande aussi si, au delà de savoir si c’est vrai ou faux, il faut qu’il y ait un intérêt dans l’explication derrière, que les gens qui nous écoutent apprennent quelque chose sur un sujet du débat public.
Emmanuelle Daviet : A l’occasion de cette année de campagne présidentielle, la rédaction de Franceinfo envisage-t-elle de vérifier en direct les propos des personnalités politiques interviewées en studio ?
Antoine Krempf : Alors non, pour plusieurs raisons. Je vous en cite qu’une : le danger de le faire en direct, c’est d’aller trop vite et donc de se tromper. C’est un problème, quand on s’appelle le vrai du faux, c’est souvent très long de vérifier une affirmation. Il faut être sûr d’avoir bien compris le contexte de cette affirmation, ce qui implique parfois de rappeler la personne pour savoir si on a bien compris ce qu’elle voulait dire. Il faut aussi trouver les bonnes sources pour vérifier. On manipule souvent des chiffres, nous, au sein de la cellule le vrai du faux et les chiffres, il faut aussi pouvoir les comprendre, savoir comment ils ont été fabriqués, la méthodologie qu’il y a derrière, ce qui implique souvent aussi d’appeler des experts. Nous, pour une chronique « vrai du faux », on met souvent la journée pour préparer deux minutes à l’antenne et c’est parfois très court.
Emmanuelle Daviet : Vous avez lancé “Le vrai du faux junior”, quel est le principe de ce nouveau rendez-vous ?
Antoine Krempf : C’est chaque vendredi. 14H20. 16H20. En fait, on répond à l’antenne et si besoin, avec des spécialistes ou des journalistes aux questions que se posent les collégiens ou les lycéens sur des posts, des vidéos, des déclarations, des rumeurs qu’ils voient passer notamment sur les réseaux sociaux. On leur explique comment, sur cette rumeur, on travaillerait, les étapes qu’on franchit pour arriver à savoir si une rumeur ou un post est vrai ou faux. Et puis, pour nous, c’est très intéressant parce que c’est une fenêtre sur plein de nouveaux sujets, parce qu’ils ont une manière de consommer l’information qui est un peu différente et ça nous donne l’occasion de faire des sujets. Je vous donne juste un exemple : la semaine dernière, on a eu beaucoup de questions de collégiens, lycéens sur l’impact de la vaccination sur les règles et la fertilité, avec énormément de témoignages sur TIk Tok. Du coup, on en a fait une vidéo et un produit à l’antenne pour expliquer où on en est, d’un point de vue scientifique, sur l’impact de la vaccination sur les règles.