Pour parler de Génération 2022 et « Franceinfo Junior », Emmanuelle Daviet reçoit Matthieu Mondoloni, directeur adjoint de la rédaction de Franceinfo
Emmanuelle Daviet : « Franceinfo a consacré son émission Franceinfo Junior à la question « Qui est Anne Hidalgo ? » Franceinfo Junior est une émission pédagogique et sympathique, avec un biais positif, utile en général mais qui frise aujourd’hui avec un engagement en faveur de la candidate à la candidature PS. Du coup je me pose la question de l’égalité entre tous les candidats ? Y aura-t-il un épisode pour chaque candidate et candidat, de Marine Le Pen à Nathalie Arthaud, en passant par Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Philippe Poutou, etc ? Je ne cite pas tout le monde et ne parle pas des candidats non encore déclarés… » Que peut-on répondre à cet auditeur ?
Matthieu Mondoloni : Tout d’abord, je vais dire que c’est quelque chose que nous avions déjà fait dans le passé dans Franceinfo junior, en s’intéressant à des personnalités politiques au sens large, « Qui est Angela Merkel ? », par exemple, à l’occasion de l’élection allemande. « Qui est Donald Trump ? », « Qui est Joe Biden ? », etc. On l’avait déjà fait. Ensuite, ce n’était pas du tout pour faire la campagne d’Anne Hidalgo. C’est simplement que ce sont souvent les écoliers qui sont à l’initiative de questions et que ce jour-là, dans Franceinfo junior, c’étaient des écoliers de Paris. Et je pense que comme c’était dans l’actualité, puisque c’est le jour où Anne Hidalgo a été officiellement intronisée candidate du Parti socialiste, les écoliers avaient envie de poser des questions. Et je vais vous dire qu’on ne faisait pas du tout campagne non plus parce qu’il y avait des questions qui étaient très critiques de la part des enfants auxquelles répondait Jean Jérôme Bertolus le chef du service politique de Franceinfo, notamment. « S’il y a beaucoup de bouchons dans Paris, c’est quand même la faute d’Anne Hidalgo ou pas ? ». Vous voyez, on répondait factuellement. Aucune complaisance, évidemment. Après, là où je rejoins l’auditeur et je le comprends totalement, c’est qu’on est entré dans une campagne présidentielle pas encore officielle. Mais on sait très bien qu’elle a lieu. Les candidats sont déclarés, d’autres ne le sont pas encore. Et à ce titre, je pense qu’on doit être prudent. Donc, pour répondre à la question, c’était un peu un test pour voir si ça fonctionnait, si on pouvait le reproduire. Et on se rend compte notamment grâce aux auditeurs qui ont pu vous écrire qu’effectivement, ça ne convient pas et que ça peut prêter à confusion. Donc, on ne le fera plus, tout simplement.
Emmanuelle Daviet : On poursuit avec cette remarque : « une rubrique intitulée « génération 2022 » interrogeant des jeunes en vue de l’élection présidentielle me semble forcer le tropisme de gauche. On y trouve un nombre très important de jeunes aux discours très structurés et militants à gauche, anticapitaliste. J’ai vu un sondage indiquant que 47% des 18-25 avaient une bonne opinion du chef de l’Etat. Où sont-ils dans la chronique ? Pour discuter parfois avec des jeunes adultes, je suis consterné par leur inculture politique (parfois incapables de situer un homme ou une femme politique sur l’échiquier. Où sont-ils dans la rubrique ? Je crois que l’honnêteté journalistique consisterait à interroger les jeunes en respectant la diversité véritable de leur opinion (ou non opinion) et non pas de refléter les idées politique de la journaliste. » Comment est construite cette chronique et comment s’équilibre la parole des jeunes intervenants ?
Matthieu Mondoloni : Je tiens à dire tout d’abord que Manon Mella est journaliste et comme tous les journalistes de Franceinfo, elle ne part pas sur le terrain avec ses propres convictions. Je ne sais pas quelles sont ses convictions, je n’ai pas le savoir comme les gens n’ont pas à connaître les miennes. Et encore une fois, on se départit systématiquement de ça. J’ai demandé à Manon Mella, la journaliste qui s’occupe de Génération 2022, elle m’a donné un tableau très précis des orientations politiques de ces jeunes. Je rappelle que l’idée, c’est de pouvoir leur donner la parole dans cette campagne présidentielle. Je pense savoir pourquoi l’auditeur a ce sentiment, mais je vais y venir. Tout d’abord, il n’y a pas de déséquilibre. En gros, il y a effectivement des jeunes qui votent plutôt à gauche, d’autres qui votent plutôt à droite. Il y a des jeunes d’extrême droite. D’ailleurs, Manon a été même victime sur les réseaux sociaux et sur Twitter notamment, d’une petite campagne de harcèlement parce qu’elle avait fait le portrait d’un jeune qui votait rassemblement national et s’était fait critiquer par d’autres. Donc, vous voyez, la preuve qu’elle fait vraiment tous les bords. En revanche, je pense qu’il y a eu ce sentiment peut être, de la part de l’auditeur, parce qu’en fait la préoccupation première de tous ces jeunes, c’est l’environnement et l’écologie. Aujourd’hui, quand on a tendance à parler environnement, écologie, on classe ça dans le camp des écologistes. À tort parce que d’ailleurs, d’autres hommes politiques à droite disent aussi qu’ils ont des convictions écologiques et qu’aujourd’hui, ça transcende toutes les lignes politiques. Je vous donne l’exemple de cette semaine sur Génération 2022 : par exemple, lundi, on a eu un jeune écologiste qui vote à droite et qui dit « je suis de droite ». Mardi, on a eu Olivier qui, lui, est apolitique. Mercredi, on a eu un jeune qui lui, dit qu’il vote à gauche, sans jamais préciser pour quel candidat, mais ils donnent leur orientation politique. Jeudi, nous avons eu une jeune qui parle du cancer du sein, donc ça n’a rien à voir avec la politique et d’ailleurs, elle refuse elle aussi de dire pour qui elle va voter. Et vendredi, nous avons eu un écologiste. Donc vous regardez : sur la semaine, sur ces cinq jours, par exemple, on a quand même beaucoup de partis de l’échiquier politique tel qu’il est actuellement, tel qu’il se dessine dans la campagne. Mais évidemment, aucun parti pris ni de la part de Manon, ni de la part de Franceinfo pour soutenir un camp politique ou l’autre, c’est contraire à nos convictions et à ce qu’on défend tous les jours à l’antenne.