« L’inscription aux concours de recrutement de personnels enseignants du second degré débute cet automne et le nombre de candidats est en baisse depuis 20 ans. Allons-nous manquer de professeurs à la rentrée prochaine ? » C’était le thème du Téléphone Sonne ce lundi 15 novembre. Réactions d’auditeurs-enseignants :
Tout d’abord, afin de vous rendre compte des conditions de travail des enseignants, je vous invite à passer un mois en classe : vous aurez largement le temps de découvrir la réalité du métier. Ensuite, avez-vous une idée du salaire d’une prof des écoles de 50 ans, diplômée d’un bac +5 avec 25 expériences ? 2200 € nets : est-ce là la juste reconnaissance accordée aux personnes qui apprennent à nos enfants à lire, écrire, compter et, et surtout, vivre ensemble ?
Je suis professeure des écoles depuis 1993. C’était mon deuxième choix professionnel que j’ai embrassé avec beaucoup d’envie. J’y ai trouvé beaucoup de satisfaction mais le déconseille fortement à tous les jeunes qui m’entourent. La formation initiale comme continue a été et reste indigne. L’investissement hebdomadaire dépasse souvent les 60 heures semaine avec des journées marathon. J’ai eu la chance d’avoir des collègues formidables. Mais l’institution ne nous soutient jamais, elle n’est pas bienveillante au contraire de ce qu’elle prône. Je passe sur les emplois du temps qui doivent intégrer toujours plus d’objectifs en 24 heures semaine, sur la demande de la société de régler tous ces maux, sur l’intimation à accepter des enfants toujours plus en difficultés mais avec une présence d’aides de quelques heures journées, sur les dossiers toujours plus lourds à remplir pour nos élèves…
Tout ceci crée une lassitude importante chez beaucoup d’enseignants même jeunes, et un stress énorme chez beaucoup d’entre nous : nous avons l’impression de ne rien faire bien puisque nous sommes censés tout faire.
Pour toutes ces raisons je pense que beaucoup de jeunes sont effrayés quand ils rentrent dans le métier, et pour ma part je suis extrêmement déçue, non pas par les élèves et mes collègues, mais par l’environnement qui ne nous permet pas d’exercer notre métier de façon sereine et optimale. Beaucoup de pays ont réformé leur système, à quand pour la France ?
J’ai quitté la pub en 2006 pour m’engager dans l’éducation nationale et en particulier en lycée pro. Dans la pub, vous êtes d’abord stagiaire puis assistant directeur artistique puis directeur artistique junior puis enfin senior avant de devenir directeur de création après plusieurs années d’expérience. À l’Éducation Nationale, je me suis retrouvée parachutée au bout d’une seule année devant mes élèves ! Heureusement, j’avais 40 ans et une expérience derrière moi. De ma promo de 2006, combien ont démissionné ? Car dégoûté, à bout ; ce qui me motive ? Pas l’argent, ni la reconnaissance, juste la fierté d’accompagner les élèves, les voir reprendre confiance et s’envoler en études supérieures après qu’ils pensaient qu’ils n’en valaient pas la peine !
Je suis professeur depuis 35 ans, et quand une jeune personne me demande si je lui conseille ce métier, je dis non. Nous enseignons de moins en moins, mais les tâches administratives prennent de plus en plus de place. On nous paie mal, à peu près au niveau où les élèves, les parents et nos hiérarchies nous considèrent. Nos jeunes collègues ne bénéficient pas d’une formation réellement efficace, et cela va s’aggraver encore à partir de l’année prochaine. Mais la langue de bois officielle aligne les propos lénifiants…
Je suis enseignant spécialisé depuis 15 ans et ce que nous demandons majoritairement, ce n’est pas plus de sous, mais plus de profs ! Alléger les classes pour pouvoir faire correctement notre métier.
Quand j’entends les parents d’élèves de mon entourage personnel ou professionnel : critiquer, insulter et mépriser le corps enseignant, je comprends totalement la démotivation et le manque de vocation des personnes pour travailler dans l’éducation qu’elle soit nationale ou privée. Les propos que j’entends sont de cet acabit : « Ils ne savent pas enseigner, ils sont privilégiés avec toutes leurs vacances, ils ne savent pas intéresser mes enfants… » Ce que je réponds « si l’éducation nationale (gratuite) ne vous convient pas, assumez vos enfants et occupez-vous-en ! »
J’enseigne depuis 20 ans et j’adore mon métier. La reconnaissance par le salaire est certes importante, mais que dire de la reconnaissance de la société ? Nous sommes bien souvent peu considérés par la société.
De nombreuses explications. Il faut avoir bac plus cinq alors qu’il y a une dizaine d’années, on pouvait passer le concours à bac+3. Une image dégradée dans la société. Des salaires qui stagnent. Des conditions de travail toujours plus difficiles et des moyens réduits. Un management brutal. Un système sclérosé et obsolète. Seuls les élèves et leur énergie nous donnent la force de poursuivre, mais après vingt ans l’épuisement est là. Un professeur de lettres- histoire en lycée professionnel dans les quartiers nord de Marseille.
Je viens de prendre connaissance du sujet de l’émission de ce soir et m’empresse d’envoyer ce message.
J’enseigne le français depuis plus de trente ans en collège et en lycée. Je constate depuis quelque temps une volonté d’ôter de plus en plus de crédit aux professeurs. Les « parents » (terme récurrent dans la bouche de l’inspectrice intervenue récemment dans mon établissement) sont en train de devenir des clients qu’il ne faut surtout pas froisser. Autrement dit, si jamais un professeur rencontre un problème avec l’un d’eux, il n’aura probablement pas gain de cause. Par ailleurs, nous subissons des injonctions constantes à la « bienveillance » envers les élèves, concept auquel j’adhère pleinement depuis que j’enseigne, mais qui dérive en complaisance permettant de tout excuser… Je n’attends désormais qu’une chose : la retraite alors que j’ai adoré ce métier. Mon message aux jeunes tentés par l’enseignement : fuyez (ou, tout du moins, réfléchissez-y a deux fois avant de vous lancer !).
Le problème de la formation des professeurs des écoles est apparu avec la suppression des écoles normales d’instituteurs qui donnaient 2 années de formation pédagogique solide. Encore un problème de budget.
Au-delà du salaire bas et du manque de formation, vous pouvez également évoquer la charge administrative qui s’alourdit chaque année. On se retrouve à gérer des points qui jusque-là ne nous incombaient pas ou peu. Suivi des élèves (de manière parfois inefficace), auto-évaluation, diagnostics, paperasse en tous genres. Personnellement, j’ai 17 classes et plus de 300 élèves 1 h par semaine. Faites le calcul !
Quelle surprise ! Vous avez l’air surpris, mais c’est très simple !
– Aucune considération pour notre métier (Malgré une légère remontée pendant le confinement… Les parents, auraient-ils compris ce que cela représente ?)
-Des salaires indignes quand on considère le nombre d’heures assurées (Je fais environ 45 h par semaine, fourchette basse et j’ai 20 ans d’ancienneté). Mais quantité de gens continuent à penser que nous sommes souvent en vacances, que nous finissons nos journées à 16.30, etc.).
-Pour les jeunes profs, les PES comme on dit dans notre jargon, c’est particulièrement fou ! Les profs de l’ESP, leurs tuteurs, les CPC leur demandent une quantité de travail dantesque ! Et quand ils sont « visités » dans les classes devant lesquelles on les envoie (au casse-pipe !), ce qu’ils font ne va jamais ! Ce n’est jamais assez, jamais assez bien, pas assez novateur, que sais-je encore. Comment tenir dans ce contexte ? Nous, les anciens, essayons de les accompagner mais ce n’est pas notre job. On le fait quand même pour essayer de réparer toutes ces brimades, humiliations qu’ils subissent.
Je ne ferai aucun métier avec autant de plaisir, mais il m’a fallu avaler beaucoup de « conneries », beaucoup d’injonctions absurdes et qui peuvent être destructrices de beaucoup de vocations. Parmi tous ceux qui sont dégoûtés chaque année, mon école est école d’accueil, beaucoup d’entre eux auraient été de très bons profs. Mais les « professionnels » qui, normalement, les accompagnent et les conseillent ne sont là que pour les noter sur des critères ubuesques. Alors même que ces conseillers ont eux-mêmes quitté leur classe depuis TRÈS longtemps ! Et qu’ils seraient bien en peine de gérer un groupe, classe sûre, ne serait-ce, qu’une séance !
– Plus aucune reconnaissance des profs, avant il y avait un certain respect de l’institution. Désormais, ce n’est plus du tout le cas.
– Le niveau d’étude demandé ne correspond pas du tout au salaire proposé pour les entrants !
– Et puis ne parlons pas du système des mutations qui peut bloquer des jeunes “provinciaux” dans les banlieues parisiennes pendant des années… Et du coup empêcher les couples mixtes de réussir (il y a nettement moins de couples de profs comme il y a en avait avant…)
Actuellement à l’écoute de l’émission, je suis jeune professeur des écoles (1re année de titularisation) et j’observe autour de moi des difficultés et des abandons.
De mon ressenti, cela est lié à plusieurs facteurs :
– Les formations qui peuvent parfois être « hors-sol » et sans lien avec les besoins que de jeunes professionnels ressentent
– la difficulté globale qui n’est pas visible en formation (relation à l’administration, accès l’information pour faire des mutations, etc.)
– La gestion de la part de l’administration qui peut elle aussi être hors-sol. Je suis actuellement en mission d’AVS auprès d’une élève au lieu d’être en classe en qualité d’enseignant remplaçant.
J’ajouterai que l’accès à l’information de manière générale est monopolisé par les syndicats à défaut d’être rendu possible par l’administration. Mais bon… Il y a les vacances n’est-ce pas ?
La mobilité dans l’Éducation Nationale est un scandale honteux. Le système des points est une catastrophe il n’a que l’avantage de répartir les compétences sur le territoire. Très peu d’enseignants sont satisfaits de là où ils enseignent. Il est vrai que si on appliquait ce système aux médecins, ce serait la fin des déserts médicaux !
Une de mes collègues est en congé de maternité. Et même en s’y prenant plusieurs semaines avant le début de son arrêt impossible de trouver un remplaçant (ni par le rectorat, ni par d’autres biais, ANPE, LinkedIn…)
Quelques candidats se sont présentés avec le profil requis, suffisamment spécialisés pour enseigner une des spécialités techniques de STI2D et suffisamment généralistes pour enseigner un peu de mécanique, d’électricité, d’informatique, d’architecture en STI et SI (sciences de l’ingénieur). Les moutons à 5 pattes recherchées son bac+5 et on leur propose… Un SMIC. Cherchez l’erreur. Parallèlement à défaut de pouvoir trouver des profs, le rectorat nous adresse la liasse des documents qu’il faudra remplir pour chacun des projets du Bac STI2D et SI et bien sûr 1 document de plus est apparu.
Encore de la paperasse (si encore, j’avais la certitude que quelqu’un la lira…) Bref, j’aime bien mon métier, enfin quand je peux l’exercer, c’est-à-dire enseigner, apporter quelque chose à mes élèves, les faire réfléchir. Par contre ras-le-bol de mon employeur, l’éducation et ces théoriciens sans aucun sens de l’organisation. Ras-le-bol de recevoir des dictas de ces théoriciens qui ne vivent ni ne viennent dans les établissements scolaires.
25 ans d’enseignement, mais il ne faudrait pas trop me chatouiller pour que je change de métier.
Franchement les profs, je n’en peux plus ! Infirmière depuis 37 ans… J’ai envie de vous demander à quand la révolte ? On est tellement sur les rotules et si en plus on cumule avec aidant familial. Je vous parle de ma retraite dont je ne pourrai probablement pas profiter… On en parle d’une vie à tantôt se lever aux horaires pour ensuite travailler de nuit, puis être rappelée pendant ses congés. Les 2 semaines maximum ont été à négocier avec les collègues. Les fériés les heures supplémentaires. La fatigue mentale la charge mentale. L’accompagnement aux drames de la vie… Non mais qui en parle ? Et ça, c’était sans le Covid. Quant à la maltraitance institutionnelle et aux horreurs qu’il a fallu entendre des médecins… Franchement, on est beaucoup moins bien payés que les profs pour de sacrées responsabilités. Alors France Inter, je vous aime bien, mais les profs stop. Allez sans rancune.