En termes de temps de parole et de respect du pluralisme, la campagne des élections législatives s’articule autour d’un principe, celui de l’équité, et de l’animation des débats, au niveau d’une circonscription donnée ou, au-delà, de manière plus générale.
Si une chaîne décide de donner un coup de projecteur sur une circonscription précise, elle se doit d’évaluer ce que « pèse » dans cette circonscription chaque candidat au moment où démarre la campagne. Quels ont été lors de la précédente élection législative ses résultats ou ceux de sa formation, voire de la coalition qu’il représente ? Quels sont les résultats obtenus dans les élections intermédiaires ? Comment anime-t-il la campagne ? S’il y en a, que disent les sondages ? En fonction de cette estimation de l’équité, il faudra accorder plus ou moins de temps aux uns et aux autres.
La règle offre donc une prime au sortant et aux candidats qui portent un accord entre différentes formations politiques. L’Arcom – l’autorité de régulation – ajoute un souhait : lors d’un focus sur une circonscription, qu’il s’agisse de reportage ou de l’organisation d’un débat à l’antenne, il importe de donner la parole à au moins cinq candidats. À l’issue de cette présentation, les autres candidats seront cités ou, au moins, la liste complète des prétendants au siège de député sera publiée sur la page web que la chaîne consacre au scrutin.
Le principe d’équité s’applique également si une interview ou un débat dépasse le cadre d’une circonscription. Compare-t-on les programmes et les chances respectives des différents partis sur la scène politique nationale ? Cette fois, on jugera ce que pèsent respectivement les différentes formations engagées dans la campagne, on regardera s’il y a des accords et on observera qui occupe le plus le terrain. On en revient toujours aux résultats des précédentes élections. On peut également, s’il y en a, s’appuyer sur les sondages.
On l’aura compris, selon la loi et les règles de l’Arcom, il n’est pas question d’égalité de temps de parole. Contrairement à l’élection présidentielle, il n’y a pas non plus d’obligation des respecter une « exposition comparable ». On peut faire entendre les uns le matin et les autres le soir. Enfin, et toujours contrairement à l’élection présidentielle, on ne relève pas les « temps d’antenne ». Les commentaires, éditoriaux et divers papiers ne sont pas comptabilisés.
Seuls comptent ce qu’on appelle les « temps de parole » : ceux des candidats et de leurs soutiens. On se réfère toujours aux propos tenus et on découpe ce qui est dit en fonction des catégories dont cela relève. Parle-t-on ici d’une circonscription précise ? Il faut alors « ouvrir » le tableau de cette circonscription et donner la parole à d’autres candidats qui s’y présentent. Telle autre partie du propos a-t-il une portée nationale ? Il faut relever cet extrait dans le tableau « national » au profit de la formation de l’interlocuteur. Et si tel autre moment n’a rien à voir avec la campagne des législatives, n’oublions pas de l’affecter au « pluralisme hors élections » qui continue à être relevé pendant la campagne.
Quand on prend en compte un temps à portée « nationale », il faut rattacher l’intervenant à son parti, même si sa formation a signé un accord avec d’autres et que tous se présentent sous une étiquette commune. Pour l’Arcom, la NUPES des formations de gauche et Ensemble, la famille de la majorité présentielle, n’existent pas dans les relevés des temps de parole.
Par ailleurs, tant qu’une personnalité ne s’est pas mise en retrait de son parti et si elle n’en a pas été exclue, elle peut faire entendre une voix dissonante, pour ne pas dire dissidente, et rester comptabilisée au titre de la formation dont elle critique pourtant les choix. Un biais à prendre en considération quand on observe les chiffres de la campagne 2022 des élections législatives, largement animée par les débats internes, ici et là.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que la règle impose aux antennes de respecter leurs équilibres à l’issue de la campagne du 1er tour, soit le 10 juin pour une campagne commencée le 2 mai, puis dans l’entre-deux tours, entre le 13 et le 17 juin. Les compteurs sont remis à zéro pour l’entre-deux tours qui commencera le lundi 13 juin à 6h.
Par souci de transparence, l’Arcom publie régulièrement les relevés des chaînes de radio et télévisions. Ce suivi peut être au départ déséquilibré, sans présager de la bonne ou mauvaise tenue des comptes de campagne. Les chaînes peuvent ainsi programmer sur cinq semaines les invités de leurs émissions les plus conséquentes en termes de temps de parole. Il serait incorrect de juger de leur respect des règles à l’issue des premières semaines de campagne.
Jean-Christophe Ogier,
Adjoint au Secrétaire général de l’information