L’interview du porte-parole de l’ambassade de Russie en France a fait beaucoup réagir. Pour répondre aux auditeurs, Philippe Rey directeur de la rédaction de Franceinfo est au micro d’Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes
Emmanuelle Daviet : Pourquoi avoir invité Alexander Makogonov, le porte-parole de l’ambassade de Russie en France, dans la matinale mardi dernier ?
Philippe Rey : Parce que nous avions tout simplement des questions à lui poser et des réponses à obtenir après les bombardements russes de lundi sur l’Ukraine. C’était clairement l’une des fortes actualités de ce début de semaine. C’est un conflit, vous le savez bien, qui frappe l’opinion publique et qui inquiète les Français. Makogonov représente et porte la parole de Poutine en France. Il était donc normal de l’entendre et de l’entendre naturellement en lui portant la contradiction. Ne rien laisser passer de ses propos et bien entendu, de faire notre travail, notre travail de journaliste, sans concéder quoi que ce soit de ces déclarations et de la vérité des faits.
Emmanuelle Daviet : Nous avons reçu beaucoup de courrier à la suite de cette interview et le mot « propagande », revient souvent dans les messages des auditeurs. Et l’un d’entre eux écrit « Le laisser s’exprimer c’est ouvrir la porte à la propagande. »
Face à ce type d’interlocuteur, quel doit être le rôle du journaliste ?
Philippe Rey : Alors, la propagande, c’est laisser un interlocuteur, un groupe, un parti parler et propager une idéologie, une doctrine sans lui porter, je le disais, la contradiction. Autrement dit, imposer un discours sans pouvoir répondre. Je vais naturellement revenir sur le rôle du journaliste. Je souhaite quand même, parce que vous le précisez à raison, expliquer aussi que ce jour-là, Marc Fauvelle porte directement la contradiction à Makogonov. Par exemple, quand le porte-parole de l’ambassade de Russie parle, je cite, « de la gentille Russie », relance immédiate de Fauvelle « Où est la gentillesse des Russes aujourd’hui dans la guerre, après ces bombardements ? c’est vous qui avez attaqué l’Ukraine le 24 février dernier et ces missiles qui tombent sur des parcs pour enfants ». Bref, ce sont des questions qui n’ont rien à voir avec l’envie d’être plutôt complaisant. Nous avons fait, et j’en viens à votre question Emmanuelle, pleinement notre métier de journaliste. Le rôle du journaliste, c’est bien sûr d’enquêter, c’est bien sûr de révéler. Mais c’est aussi, encore une fois, de contredire, de ne pas accepter une vérité qui doit s’adresser à certaines cibles, de ne rien céder et de montrer dans ce cas précis, et je crois que nous l’avons fait, la faiblesse de la parole russe.
Emmanuelle Daviet : Que répondez-vous à cet auditeur qui estime que le service public audiovisuel ne doit pas relayer la parole de l’ennemi de l’Ukraine ?
Philippe Rey : Depuis le 24 février dernier, il n’y a pas eu un seul jour sans la présence d’un reporter du groupe Radio France en Ukraine pour rendre compte de ce conflit. Je félicite d’ailleurs au passage les équipes de la rédaction internationale et les équipes de la rédaction de Franceinfo. Détermination, engagement, courage, savoir faire. On ne peut pas nous accuser de relayer la parole russe et d’oublier les Ukrainiens. Ce sont des reportages, ce sont des directs, ce sont des éditions spéciales. Nous sommes sur le terrain, le journaliste parle et le journaliste voit. Et c’est indispensable, vous le savez bien, pour l’équilibre de notre démocratie. Dire les choses, rapporter des événements reste plus que jamais notre engagement et nous allons, bien entendu et bien naturellement, continuer.