La Marche contre l’antisémitisme de dimanche 12 novembre 2023 à laquelle notamment de nombreux hommes et femmes politiques français se sont rendus a bénéficié d’une édition spéciale sur Franceinfo. Les auditeurs ont réagi au traitement de l’information réalisé par la rédaction concernant cette manifestation. Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction de Franceinfo répond aux questions des auditeurs au micro d’Emmanuelle Daviet.
Emmanuelle Daviet : On commence avec cette remarque d’une auditrice. Je vous lis son message. « Dans les infos, dimanche dernier, il y a eu plusieurs minutes consacrées à la manifestation contre l’antisémitisme organisée par l’Assemblée nationale et le Sénat et je me suis vraiment demandée quelles forces entraient en jeu pour que la radio soit aussi intensément le relais de communication de nos hommes et femmes politiques. Quel est le choix éditorial éclairé derrière cette décision de donner autant de place à cet événement ? Je ne suis sur le fond ni pour ni contre cette manif, mais je suis persuadée qu’elle n’est l’actualité du week-end que parce que les médias choisissent qu’elle le soit. Ainsi, je cherche à comprendre ce qui fonde votre choix », a écrit cette auditrice. Florent Guyotat, pourquoi cette manifestation a bénéficié d’une forte exposition sur l’antenne, avec notamment une édition spéciale ?
Florent Guyotat : Cette auditrice parle de choix et effectivement, c’est délibéré de notre part d’accorder une place importante à l’antenne à cet événement. Je vais vous expliquer pourquoi. Nous sommes dans une démocratie représentative en France avec des représentants élus par le peuple. Or, on a vu que les deux présidents de chambre, Yaël Braun-Pivet pour l’Assemblée nationale et Gérard Larcher pour le Sénat, tous deux issus de deux partis différents, appelaient à cette manifestation avec un appel commun. C’est un événement rare qui mérite donc d’être souligné, qui est un événement important. Et puis on a vu également que le principal parti d’opposition, le Rassemblement National, s’est joint au cortège, même si sa présence, on l’a beaucoup dit, n’était pas souhaitée par d’autres partis. On avait également des partis de gauche comme le Parti socialiste, Europe Ecologie Les Verts, qui appelaient à ce rassemblement, à cette marche. Et puis on a vu aussi les anciens Premiers ministres et les deux anciens Présidents de la République, Nicolas Sarkozy et François Hollande, en tête de cortège. Bref, c’est un événement politique rare. Le fait d’avoir autant de personnalités politiques qui marchent dans la rue en même temps, et c’est pour cela que nous assumons totalement d’avoir organisé une édition spéciale consacrée à cet événement.
Emmanuelle Daviet : Alors justement, vu le nombre de manifestants, cela vous paraissait également justifié, donc l’édition spéciale ?
Florent Guyotat : Oui. Selon les chiffres du Ministère de l’Intérieur, il y a eu dans toute la France, à Paris, mais aussi dans les rassemblements organisés en région, 182 000 personnes qui ont manifesté ce dimanche. C’est beaucoup pour des événements qui ont été organisés en cinq jours seulement, puisque l’appel datait de la semaine dernière seulement. On a vu aussi que ces chiffres se rapprochaient des 200 000 personnes qui avaient été comptabilisées en 1990 lors de la manifestation organisée après la profanation du cimetière juif de Carpentras. Donc un événement, là encore important qui méritait tout à fait une édition spéciale sur notre antenne.
Emmanuelle Daviet : Florent Guyotat, quels étaient les enjeux journalistiques entourant la couverture de cet événement organisé par des hommes et des femmes politiques ?
Florent Guyotat : L’enjeu, c’était bien sûr d’entendre ce qu’avaient à dire ces responsables politiques. On l’a fait largement, mais on tenait aussi à entendre une autre parole, celle des simples citoyens qui étaient là en nombre. Et nous avions notre reporter Farida Nouar, qui avait une mission bien particulière. Cette mission, c’était réaliser des interviews en direct des simples citoyens et simples citoyennes qui participaient à cette marche. Écoutez, par exemple, un extrait de notre édition spéciale avec donc notre présentateur Ersin Leibowitch et notre reporter Farida Nouar.
Extrait de l’édition spéciale : « Je crois que vous n’êtes pas toute seule, Farida, une manifestante, est à côté de vous.
Reporter Farida Nouar : Eh oui, c’est Annette. Bonjour Annette. Annette qui a un petit drapeau français qu’elle avait prévu de prendre mais comme ils en ont distribué, elle a récupéré un petit drapeau français. Annette, vous avez des petits problèmes de santé mais vous êtes là quand même?
Annette, participante à la manifestation : Oui ben oui, c’est important. On ne pouvait pas ne pas être là aujourd’hui. Parce que quand j’étais jeune et comme beaucoup de gens de ma génération, on a toujours été frappé par ce qui s’est passé avec les Allemands, le génocide qui a eu. Et même encore maintenant en 2023, quand on voit des reportages à la télé, quand on lit des livres, on se dit mais comment c’est possible, comment ils ont pu leur faire ça ? Et puis là, ce qui s’est passé là, avec l’attaque du Hamas, on n’arrive pas à comprendre. »Florent Guyotat : Parole donnée donc à de simples citoyens sur Franceinfo. On s’est aussi efforcé de ne pas aller qu’à Paris. Nous avions aussi nos correspondants du réseau France Bleu en région. Par exemple à Amiens, qui nous ont fait vivre ces rassemblements partout en France dimanche dernier.
Emmanuelle Daviet : Florent Guyotat, vous évoquez les reporters sur le terrain. Des auditeurs souhaitent savoir quelles ont été les conditions de travail des journalistes dans la manifestation contre l’antisémitisme.
Florent Guyotat : Alors, dans la manifestation parisienne, dans la grande majorité des cas, et des interviews, ça s’est très bien passé, avec des échanges cordiaux entre nos journalistes et les manifestants. Parfois, il faut le dire aussi, ça a été tendu, notamment lorsque notre reporter Valentin Dunat est arrivé dans une zone où il y avait des manifestants qui étaient parfois masqués et qui scandaient des slogans « Israël vivra, Israël vaincra! ». Et notre reporter Valentin Dunat a donc été pris à partie et sommé tout simplement de s’en aller.
Extrait de l’édition spéciale : « Vas-y dégage ! Moi je te dis dégage c’est mieux, et alors tu vas faire quoi ?! »
Florent Guyotat : Des invectives, donc des intimidations qui ne sont pas acceptables, disons le, pour un reporter qui fait simplement son métier, qui vient simplement là pour décrire des faits et pour entendre ce que les manifestants ont à dire.