L’émission « Les Pieds sur terre » est plébiscitée par les auditeurs de France Culture et fait l’objet de nombreux messages. Sonia Kronlund, productrice de l’émission répond aux questions des auditeurs au micro d’Emmanuelle Daviet.

Emmanuelle Daviet : « Les Pieds sur terre » est une émission plébiscitée par les auditeurs. Ils nous envoient régulièrement des messages pour féliciter votre équipe. Je vous en lis un parmi d’autres. « Merci pour ces émissions émouvantes, même si j’aimerais que certaines de ces histoires vraies et terrifiantes n’aient jamais pu exister. Merci pour ces témoignages d’une grande simplicité et profondément humanistes. » Alors, il nous semblait important de vous donner la parole aujourd’hui dans ce rendez-vous car les auditeurs se posent aussi des questions sur l’émission. On commence avec celle ci. « Comment Sonia Kronlund trouve-t-elle tous ces témoignages » ?

Sonia Kronlund : Déjà, merci Emmanuelle pour votre invitation. Je suis très honorée d’être à ce rendez-vous. Alors cette question, je vais vous dire, c’est la question qu’on nous pose le plus et qui est tout à fait légitime. Et il n’y a pas de réponse. En fait, comment est-ce qu’on trouve ces témoignages ? D’abord, c’est pas moi qui les trouve tous. Je travaille avec une équipe d’une vingtaine de producteurs, donc ce sont des reporters, auteurs, producteurs qui cherchent des personnages, et cetera, et il n’y a pas de recette. Selon le collaborateur, il va travailler d’une certaine façon, d’autres travaillent d’autres façons. De manière générale, il y a deux écoles. Il y a ceux qui cherchent et ceux qui trouvent. Il y a ceux qui disent, on va faire un sujet sur les plantes qui ont changé la vie, Elise Andrieu, elle va passer trois semaines à passer des coups de fil et elle va trouver la personne qui s’intéresse aux fleurs, qui est merveilleuse, et cetera. Et puis, il y en a d’autres qui trouvent, ils sont là, ils papillonnent et tout d’un coup, ils entendent parler de quelque chose, ça fait « tilt » et ils peuvent attendre un an que la personne se libère, qu’elle ait envie, et cetera, et elle trouve sans avoir cherché particulièrement.

Emmanuelle Daviet : On poursuit avec ce message : « Je voudrais savoir si les personnes qui parlent et racontent les témoignages sont les vraies personnes ou bien des acteurs. Quand c’est une interview dans la rue ou avec des bruits de fond, on entend clairement que la personne qui parle est la personne concernée mais quand il s’agit du reste des témoignages, j’ai beaucoup de mal à croire que la personne est celle qui a vécu ce qu’elle raconte. Dans la majorité des cas, je me dis que si l’on me demandait de raconter mon histoire, ce ne serait jamais aussi clair au niveau de l’élocution ou de la construction du texte. Pourriez vous me confirmer qui raconte ces témoignages ? »

Sonia Kronlund : Alors, je vous confirme que ce sont des vraies personnes qui racontent ces témoignages et c’est une belle question parce que c’est une question qui, sans le savoir, est un hommage à nos réalisateurs et réalisatrices qui, il faut bien le savoir, travaillent 28 heures, c’est-à-dire quasiment une semaine de travail sur chaque émission. Et que font-ils ? Ils montent. C’est-à-dire que chaque collaborateur donne environ 2h, 2h30 de rush. Et les propos de la petite dame de Nice, 102 ans, qui a un amant, eh bien, sont montés et reconstitués en respectant bien sûr le sens et l’intention du personnage, mais de manière à donner cette impression de grande fluidité. On reconstitue leur histoire pour que ce soit plus logique, qu’on comprenne bien, et cetera. Donc, en fait, non, ce ne sont pas des acteurs, mais il y a énormément de travail pour vous donner l’impression qu’il n’y en a pas.

Emmanuelle Daviet : On continue avec cette question : Y a-t-il des sujets que vous vous interdisez d’aborder dans « Les Pieds sur terre » ? Avez-vous des limites éditoriales ?

Sonia Kronlund : Alors, à cette question, j’ai trois réponses. D’abord, la première, courte, ne vous inquiétez pas, c’est que je n’ai jamais eu aucune intervention éditoriale de la direction de France Culture depuis que je fais « Les Pieds sur terre ». C’est très simple.

Emmanuelle Daviet : Rappelez nous depuis combien d’années…

Sonia Kronlund : 20 ans. La deuxième, c’est que la limite d’éditoriale, c’est la loi. Donc on fait très souvent, de plus en plus d’ailleurs, réécouter des émissions par le service juridique de Radio France. On prend des précautions, on change les noms, on anonymise un peu, et cetera. Et la troisième, elle est plus délicate parce que c’est quelque chose qui serait entre la prudence qui serait ma limite éditoriale et l’autocensure. Donc c’est une un chantier, une réflexion. Mais quand est-ce qu’on est prudent et quand est-ce qu’on s’autocensure ?

Emmanuelle Daviet : Donc une réflexion permanente?

Sonia Kronlund : Voilà, c’est une question permanente. Tous les jours, sur chaque émission.

Emmanuelle Daviet : On termine avec ce message sur les Cartes blanches. « Merci à vous et à Reda Kateb pour cette excellente sélection des cinq « Pieds sur terre » variées, tout en ayant une sorte de fil conducteur. J’aime bien le concept de ces Cartes blanches. » Sonia Kronlund, pouvez-vous nous en rappeler le principe?

Sonia Kronlund : C’est simplement qu’on a confié à des personnalités un peu plus connues que les sujets, si on peut dire, des « Pieds sur terre », la possibilité de faire un choix dans notre catalogue qui compte plus de 6000 épisodes. Alors, c’est des gens comme Reda Kateb, dont je sais qu’ils écoutent « Les Pieds sur terre », ou bien il y avait Nicolas Mathieu, l’écrivain, ou bien Juliette Armanet qui elle-même a été une ancienne productrice des « Pieds sur terre ». On leur a dit : « Choisissez cinq de vos émissions, de vos épisodes préférés. » et ils les ont choisis. Et voilà. Ça permet une écoute un peu différente. On dit : « Tiens, Reda Kateb a aimé ça. C’est intéressant. ». C’est une manière de revisiter notre catalogue en l’éditorialisant et en proposant un petit, un petit supplément d’âme.