Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction est au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux questions des auditeurs.
Emmanuelle Daviet : Nous évoquons aujourd’hui votre traitement éditorial de la mobilisation du monde agricole. Des auditeurs regrettent d’entendre essentiellement la FNSEA et s’interrogent sur la position de la Confédération Paysanne. Quelle a été votre démarche éditoriale pour couvrir cette actualité ? Fallait-il donner la parole aux différents représentants du monde agricole?
Florent Guyotat : Alors d’abord, c’est vrai qu’on a beaucoup entendu la FNSEA, tout simplement parce que c’est le syndicat agricole majoritaire en France. Mais nous avons veillé aussi à respecter la diversité des organisations. Nous avons beaucoup parlé du Lot et Garonne, un département très touché par la mobilisation. Et dans ce département, eh bien c’est un autre syndicat, la Coordination rurale, qui a amené la contestation, qui a projeté, on s’en souvient, du lisier sur la préfecture d’Agen. Et c’est ce que l’on a pu entendre dans le reportage de notre envoyé spécial à Alain Gastal, qui a interrogé un militant de la Coordination rurale, Jean-Pierre.
Jean-Pierre : « On a mis le feu devant les grilles, oui, on a continu le feu. On a allumé des pneus. Des pneus, ça ne va pas gagner… Autour de la préfecture, c’est que du béton, mais de l’enrobé. On a passé des choses de l’autre côté la préfecture, des pneus, tout ça mais qui ne sont pas allumés, de la boue ou de la paille. Mais après on est des gens responsables. On ne peut pas mettre le feu à des bâtiments. On n’en est pas encore là. »
Florent Guyotat : Parole donc à la Coordination rurale et également à une autre organisation, la Confédération paysanne, traditionnellement beaucoup plus à gauche, beaucoup plus centrée sur le bio. La Confédération paysanne a rejoint le mouvement cette semaine et José Bové, le cofondateur de cette organisation, était l’invité de franceinfo. C’était mardi dernier.
José Bové : Pour beaucoup de paysans qui sont étranglés, ils ne comprennent pas qu’on leur demande des efforts d’un côté et qui sont des efforts justes sur le réchauffement climatique. Mais alors qu’ils n’ont pas de revenu. Et on voit une élimination des paysans comme jamais depuis dix ans, 20 ans, parce qu’on ne peut pas continuer à concentrer les productions et à faire disparaître les petites fermes, avec d’un côté des fermes usines et de l’autre côté des éleveurs qui crèvent parce qu’ils n’ont pas les aides dont ils ont besoin.
Emmanuelle Daviet : Autre remarque d’auditeurs : « Comme moi, beaucoup de professionnels de l’agriculture ne se sentent pas solidaires de ces revendications. Pourriez-vous dire « certains agriculteurs en colère » plutôt que « LES agriculteurs en colère ». Ce serait bien plus exact et cela éviterait à des agriculteurs de se sentir associés à des demandes à l’opposé de leurs convictions.
Un autre agriculteur écrit : s’il vous plait ne parlez pas DES agriculteurs lorsque la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs manifestent.
Des auditeurs regrettent une forme de généralisation des individualités qui composent le monde agricole, que répondez-vous à cette remarque ?
Florent Guyotat : Vous avez raison, c’est toujours plus prudent d’éviter les généralisations. Mieux vaut dire des agriculteurs dans la rue ou des enseignants dans la rue plutôt que les enseignants dans la rue et les agriculteurs dans la rue. Avec une nuance tout de même, il y a un constat qui s’impose cette semaine, le mouvement s’est révélé massif et au-delà des différences, il y a beaucoup de points communs entre les agriculteurs que nous avons entendus. L’un de ces points communs, c’est le revenu. Un revenu jugé manifestement insuffisant, comme par cet éleveur rencontré cette semaine dans la Manche.
Un éleveur de la Manche : Ça fait 25 ans que je suis installé, ça fait 25 ans que je gagne la même somme tous les mois. Jamais vous avez pu augmenter votre salaire. Du tout. Une fois, on a augmenté de 100 € et il y a dix ans maintenant.
C’est pas trop indiscret ?
On est a 1500.
Donc là aujourd’hui vous gagnez 1 500 € par mois. Depuis 25 ans, vous n’avez plus augmenté que de 100 €. Oui.
Florent Guyotat : Des propos recueillis pour franceinfo par le reporter de France Bleu Cotentin, Antoine Lifaut.
Emmanuelle Daviet : On termine avec cette question : « Comment les journalistes de votre rédaction se préparent pour couvrir un sujet si dense et qui nécessite une approche experte ? » » On ne peut pas s’improviser spécialiste agriculture du jour au lendemain » estiment des auditeurs.
Quelles sont les méthodes de préparation des journalistes pour aborder des dossiers complexes ?
Florent Guyotat : Nous avons des reporters sur le terrain. On a entendu à l’instant certains de leurs témoignages. Et puis nous avons d’autres journalistes qui, eux, restent en studio et qui sont chargés d’apporter des éclairages plus précis sur des points clés à nos auditeurs. Ce sont, vous savez, les fameuses rubriques, « Expliquez nous, » dont je vous parlais déjà la semaine passée lorsque nous évoquions le débat enseignement public enseignement privé. Nous avons par exemple expliqué cette semaine à nos auditeurs ce qu’était la loi EGALIM, un élément essentiel pour comprendre le conflit en cours. Nous avons aussi expliqué quelle était la rémunération moyenne des agriculteurs, quel était le taux de suicide dans cette profession et quelles étaient les règles pour l’importation de produits venant de pays extérieurs à l’Union européenne. Et encore une fois, si tout cela vous intéresse. Vous pouvez retrouver toutes ces rubriques, expliquez nous sur notre site franceinfo fr.