1. Le traitement éditorial des élections législatives
2. La déclaration de Kylian Mbappé
3. « Sens politique » avec Fabrice Leggeri sur France Culture
4. « L’Esprit public » sur France Culture : « dissolution, recomposition, élections : le grand chambardement »
5. L’audiovisuel public
6. Le baccalauréat professionnel
7. « Le Meilleur des mondes » sur France Culture
8. « L’Inconscient » sur France Inter
9. Langue française
Les élections législatives
Les auditeurs, très nombreux à nous écrire, expriment une réelle inquiétude face au climat politique actuel, marqué par des tensions croissantes entre les formations politiques, qui semblent alimenter une atmosphère de « haine ».
Certains craignent que les journalistes, malgré leur rigueur professionnelle, ne contribuent à attiser ces tensions en diffusant des témoignages clivants, lors des manifestations ou dans des micros-trottoirs, comme ils l’écrivent dans leurs messages :
« Le climat politique très dégradé, ne risque pas de s’améliorer au cours des semaines prochaines. Notre pays ne semble plus se rappeler qu’il est celui de Voltaire, de la tolérance et de la nuance. On sent monter entre les formations politiques quelque chose qui s’apparente à de la haine et de l’anathème. Les médias relatent tous ces événements et je ne doute pas du sérieux et de la retenue qu’ils observent. Toutefois, la tension semble grandir et tout citoyen peut s’interroger sur ce qu’il adviendra une fois les résultats connus et ne peut appeler qu’à la prudence et à la réserve »
« Je m’étonne de la multiplication des micros-trottoirs pour nous informer de la chose publique en ces temps complexes. Un Français par-ci, par-là, est interrogé avec sa verve, et se construit, sur ces micros-trottoirs, une idée effroyable de la France. Les journalistes ont-ils disparu ? Je m’interroge sur l’intérêt d’écouter cela, ce n’est pas de l’information. Je change à présent de chaîne lorsqu’un journal ouvre sur ce type de désinformation/déformation, selon moi. »
Un manque de neutralité
Des auditeurs reprochent aux rédactions de favoriser implicitement certaines formations politiques, en adoptant une ligne éditoriale qu’ils perçoivent comme biaisée. Ils critiquent le manque de neutralité et le ton utilisé par les présentateurs, tout en appelant à un traitement plus équitable et impartial de toutes les formations politiques.
Certains auditeurs estiment que France Inter semble faire campagne pour le Nouveau Front Populaire, ce qui leur donne l’impression que la radio sert les intérêts d’une seule formation. D’autres critiquent ce qu’ils perçoivent comme le “dénigrement systématique d’Emmanuel Macron et de son gouvernement”. Des auditeurs considèrent que choisir une ligne désapprobatrice envers le Rassemblement National peut s’avérer contre-productive et risquer de renforcer leurs soutiens au lieu de les diminuer, d’autres au contraire jugent que le RN est « normalisé » dans les sujets qui lui sont consacrés.
Beaucoup expriment leur désillusion face aux manœuvres politiques des différents leaders, de gauche, d’extrême gauche, de droite et d’extrême droite, tout en redoutant les conséquences pour la démocratie et l’avenir de l’audiovisuel public.
Des auditeurs regrettent que le rôle informatif des antennes ne soit pas pleinement joué, notamment en matière de présentation des programmes politiques. Nous leur indiquons qu’à l’occasion de cette campagne des élections législatives, chaque antenne a mis en place un dispositif éditorial très complet avec l’analyse des programmes, la parole donnée aux auditeurs, des débats, etc. Les rendez-vous proposés par France Inter, France Bleu, France Culture et Franceinfo sont à retrouver ici.
Demain, dans le rendez-vous de la médiatrice sur Franceinfo, à 13h20 et 16h20, Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction répondra à plusieurs questions soulevées par les auditeurs. Ils se demandent quel est l’impact des sondages sur le processus démocratique, surtout en cette période complexe, sont-ils indispensables ou non ? Quelle est leur place sur l’antenne ?
Nous évoquerons également la plus-value des reportages qui donnent la parole aux citoyens lambda sur la séquence politique actuelle ou leurs intentions de vote. Certains auditeurs s’interrogent sur la multiplication des micros-trottoirs, estimant que ces témoignages ponctuels ne constituent pas de l’information. Quel est l’intérêt d’écouter ces vox populi ?
Enfin, nous verrons les temps de parole accordés aux différentes formations politiques. Le principe qui s’applique est celui de l’équité, et non de l’égalité stricte. Comment est évaluée cette équité ?
L’audiovisuel public
Des auditeurs expriment leur colère et une profonde indignation face au projet de privatisation de l’audiovisuel public envisagé par le Rassemblement National. Ils qualifient cette idée d’indéfendable, indécente et irréalisable, en soulignant qu’elle menace gravement la démocratie et l’indépendance du journalisme, considéré comme un pouvoir essentiel à notre société. Les réactions témoignent de l’importance de l’audiovisuel public perçu, dans notre pays, comme un rempart contre les intérêts commerciaux et les manipulations politiques.
Nombreux sont ceux qui soulignent la différence fondamentale entre les médias publics et privés, insistant sur la nécessité de maintenir un service public de qualité, accessible à tous. Ils rappellent que l’audience de Radio France, avec ses 15 millions d’auditeurs quotidiens, illustre la confiance que les Français accordent aux différentes antennes.
Les auditeurs témoignent également de leur attachement aux chaînes et envers les journalistes, producteurs et animateurs de Radio France, dont le travail quotidien est salué pour sa qualité. Certains évoquent des souvenirs marquants et des moments d’émotion et de découverte grâce à des émissions cultes. Ils craignent qu’une privatisation ne compromette cette richesse culturelle et éducative, qui ne pourrait, en aucun cas, être remplacée par des médias purement commerciaux. Enfin, ils appellent à une prise de conscience collective et à une mobilisation pour protéger l’audiovisuel public, soulignant que le soutien des citoyens envers ces institutions est essentiel pour garantir une information libre, diverse et de qualité.
Le premier message proposé dans la sélection de cette Lettre est une magnifique déclaration d’amour à Radio France, nous vous invitons à lire intégralement les mots très touchants et justes de cet auditeur qui livre à la fois l’intimité du lien tissé avec les ondes de notre grande Maison et une analyse fine de la situation. Voici les premières lignes de son message :
« Radio France, ma si chère radio,
Je voudrais t’adresser une lettre d’amour. Il n’y aura pas suffisamment de mémoire dans mon ordinateur pour stocker tous les mots dont j’aurais besoin pour décrire ce que je te dois. Je n’ai pas souvenir d’une seule période de ma vie où ton murmure ne m’ait accompagné, depuis le grésillement familier de la radio de la table de la cuisine où mon père buvait son café le matin aux web-diffusions hasardeuses sur mon ordinateur lorsque je faisais mon stage de fin d’étude en Suède. Toute ma vie, j’ai appris, j’ai ri, j’ai écouté avec avidité tout ce que tu me proposais.
Et j’ai très vite compris que tu étais une île. Un petit récif de culture et de merveilles au milieu d’un océan orageux de délires commerciaux, de rires gras et obscènes et de musiques dont on peine à les distinguer d’un jour sur l’autre. There Is No Alternative disait Mme Tatcher et elle avait bien raison : rien ne pourra jamais remplacer la profondeur et la qualité comme la quantité des émissions d’une institution aussi gigantesque que toi dont les financements n’ont pas d’autres buts que de poursuivre tes nobles objectifs : informer, émerveiller, cultiver. » La suite est à lire ici.
Quid du bac professionnel ?
L’absence de reportages sur le baccalauréat professionnel et technologique sur les antennes, notamment sur l’épreuve de philosophie pour les terminales mardi, suscite une réelle crispation chez des auditeurs. Ils constatent que, chaque année, les candidats au bac professionnel, qui représentent une part significative des élèves et futurs professionnels, sont négligés. Ces élèves passent également des épreuves importantes, comme le français, l’histoire-géographie et l’éducation civique, mais ne reçoivent pas la même reconnaissance. Les auditeurs déplorent cette omission, la considérant comme une forme de « mépris » et une « relégation des classes populaires ». Ils appellent à une couverture médiatique plus équitable qui respecte et valorise les efforts de tous les candidats, y compris donc ceux du bac professionnel et technologique :
« Je suis surpris que vous ne parliez pas du bac pro. Comme les autres années d’ailleurs. Ces élèves sont en épreuves générales ce mardi. Cela représente 184 795 candidats, qui sont tous les ans les grands oubliés des médias. Je vous rappelle que se sont vos futurs peintres, garagistes, coiffeurs, restaurateurs, menuisiers… Ils méritent, je crois, d’être mis eux aussi à l’honneur »
« Je suis professeure documentaliste dans un lycée professionnel et je suis choquée de n’entendre parler que du baccalauréat général sur l’antenne de France Inter… L’oubli des candidats au bac professionnel ne peut qu’accroître la fracture sociale qui est déjà bien profonde, ils ont besoin d’être respectés et considérés… J’espère que la rédaction prendra la mesure de ce problème et que ces élèves ne seront plus oubliés, ni cette année ni les suivantes. »
Nous approuvons pleinement les remarques des auditeurs qui soulignent l’importance de toutes les filières du baccalauréat, y compris le bac technologique. Les candidats de cette filière ont également travaillé dur pour se préparer à leurs examens, y compris l’épreuve de philosophie.
Les sujets de philosophie pour le bac technologique sont spécifiquement conçus pour être pertinents et stimulants, prenant en compte les intérêts des lycéens de cette filière. Il est indispensable de reconnaître leur engagement et leurs efforts, et de valoriser les compétences et les connaissances qu’ils ont acquises en leur consacrant des reportages.
Chaque filière du bac – générale, professionnelle ou technologique – joue un rôle essentiel dans la formation des jeunes, et chaque élève a droit à la même reconnaissance et le même respect pour son travail et ses réussites. La diversité des sujets et des approches dans les différentes épreuves du bac enrichit notre système éducatif et prépare les futurs étudiants à une variété de parcours académiques et professionnels.
Les remarques des auditeurs à ce sujet, qui sont, hélas, les mêmes chaque année, sont donc tout à fait pertinentes : il est important de mettre en lumière les réussites de tous les candidats, y compris ceux du bac professionnel et technologique, qui méritent toute notre attention journalistique et donc une place sur les antennes.
La fin de l’émission « Le Meilleur des mondes » sur France Culture
L’émission « Le Meilleur des mondes » produite par François Saltiel sur France Culture n’est pas reconduite la saison prochaine. Ce programme hebdomadaire, consacré aux nouvelles technologies, proposait des discussions sur le numérique avec des acteurs du secteur, des chercheuses, des ingénieurs, des philosophes, des romanciers.
Cette annonce a provoqué incompréhension et déception de la part des auditeurs qui soulignent l’importance de ce rendez-vous pour la culture numérique et la compréhension des nouvelles technologies. Ils apprécient particulièrement la profondeur des sujets abordés, notamment l’impact de l’intelligence artificielle, et regrettent la perte d’une source d’information précieuse et très pédagogique. Certains auditeurs, notamment des professionnels du secteur, saluent la qualité et la pertinence des contenus, tandis que d’autres regrettent la disparition d’une émission qui les aidait à naviguer dans un domaine souvent complexe :
« “Le Meilleur des Mondes” s’achève. C’est dommage. Très dommage. J’aimais son ton, sa façon de conduire une interview sans se mettre en avant. Et puis, surtout, comme je suis de la génération d’avant, j’apprenais plein de choses ».
François Saltiel conserve sa chronique quotidienne, « Un monde connecté » dans la matinale.
La fin de l’émission « L’inconscient » sur France Inter
Déception également d’auditeurs de France Inter lorsqu’ils ont appris l’arrêt de « L’Inconscient ». L’émission était perçue comme « une bouffée d’air frais » dans un paysage médiatique souvent conformiste, permettant une réflexion « décalée » sur des sujets complexes et personnels. Les auditeurs remercient chaleureusement les intervenants pour la qualité et la pertinence de leurs contributions, et regrettent la perte d’un espace qui favorisait la compréhension de soi et l’exploration de la psychanalyse, une discipline souvent mal comprise :
« En ces temps fragiles où les clivages et les confrontations nous mettent souvent dans la difficulté de communiquer, il me semblait essentiel d’explorer la part du langage, de l’altérité, de l’étrange et de l’étranger en nous, les zones grises et flottantes, les espaces qui doutent et qui cherchent.
Je vous remercie infiniment de nous avoir transmis avec clarté et générosité vos connaissances et vos expériences. »
L’évolution des grilles de Radio France
Nous comprenons parfaitement que l’arrêt d’émissions appréciées puisse susciter de la contrariété et de la déception chez les auditeurs. Nous savons à quel point certaines émissions deviennent des rendez-vous incontournables, apportant des moments de réflexion et de plaisir. Chaque programme dans une grille est un lien précieux tissé avec un auditeur, une auditrice, à l’écoute derrière son poste.
Les directions des chaînes ne prennent jamais à la légère les décisions de modification ou de suppression. Soyez assurés que chaque changement vise à enrichir l’offre et cette dynamique d’évolution est essentielle pour plusieurs raisons qu’il me paraît important d’expliquer ici :
Tout d’abord, la diversité des propositions éditoriales permet de répondre aux attentes variées et changeantes des auditeurs. Le paysage médiatique et les intérêts du public ne cessent de se transformer, influencés par les tendances culturelles, les événements socio-politiques et les avancées technologiques. En renouvelant régulièrement ses grilles, Radio France s’assure de rester en phase avec ces évolutions, offrant ainsi des contenus pertinents et adaptés à l’époque.
Cependant, le rôle de Radio France ne se limite pas à répondre aux attentes des auditeurs, mais également à éveiller leur curiosité et à les inviter à découvrir de nouveaux horizons. Nous croyons fermement que le service public doit offrir une diversité de contenus qui va au-delà des demandes immédiates et habituelles. Notre mission, c’est de provoquer l’intérêt pour des sujets variés, de faire émerger la réflexion et d’ouvrir des perspectives nouvelles. En explorant des thèmes inattendus et en abordant des questions peu traitées, les chaînes espèrent accompagner les auditeurs dans une démarche de découverte continue.
C’est en allant au-delà des attentes prévisibles que Radio France peut véritablement remplir sa mission d’information et de culture de service public, en offrant à chacun la possibilité de s’ouvrir à de nouveaux savoirs et de nourrir une réflexion critique et éclairée sur le monde qui nous entoure.
De plus, cette flexibilité éditoriale est nécessaire pour favoriser la créativité. En offrant un espace à de nouvelles émissions et en adaptant les contenus existants, les chaînes de Radio France peuvent explorer des thématiques inédites, expérimenter de nouveaux formats, et donner la parole à des voix nouvelles et diversifiées.
Par ailleurs, cette évolution continue des programmes contribue à la vitalité et à la longévité des chaînes de Radio France. Elle permet de maintenir un équilibre entre tradition et modernité, en conservant des émissions emblématiques et en introduisant de nouvelles qui peuvent à leur tour devenir des classiques. Ce renouvellement est aussi une manière de répondre à la concurrence et de se distinguer dans un environnement médiatique de plus en plus saturé.
Enfin, il est important de souligner que les changements de grilles ne signifient pas un reniement des valeurs fondamentales de Radio France. Au contraire, ils illustrent une volonté de les réaffirmer en les adaptant au contexte actuel. La mission de service public, la qualité de l’information, l’éducation, la culture et le divertissement, demeurent des piliers, mais la manière de les transmettre peut évoluer pour rester efficace.
En somme, l’évolution régulière des grilles de Radio France est non seulement normale, mais essentielle pour continuer à offrir un service public de qualité, innovant et en adéquation avec les besoins et les attentes des 15 millions d’auditeurs quotidiens.
Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes de Radio France