La langue française
Commémoration du 7 octobre : avis divers
Commémoration du 7 octobre : le vocabulaire utilisé
« Le 7 octobre, un an après », le billet de Sophia Aram sur France Inter
La situation au Proche-Orient
Le procès des viols en série subis par Gisèle Pelicot
Amazon dans l’émission « Signes des temps » sur France Culture
Commémoration du 7 octobre : le choix des mots
Les messages reflètent un mécontentement prononcé à l’égard du lexique utilisé lors de journaux, en particulier lorsqu’il s’agit de qualifier les auteurs des attaques du Hamas. Plusieurs auditeurs déplorent l’usage du « combattants » qu’ils jugent inadéquat et trop neutre, préférant le terme « terroristes » pour décrire les actions de violence contre des civils. Ils s’inquiètent de la portée des mots employés, estimant que ces choix influencent la perception des événements.
De plus, l’utilisation du terme « célébration » au lieu de « commémoration » pour évoquer l’anniversaire des attaques du 7 octobre est critiquée pour sa connotation inappropriée dans ce contexte tragique. Ajoutons que la formule « la commémoration des un an des massacres du Hamas » a gêné à juste titre des auditeurs, l’utilisation du pluriel est ici grammaticalement incorrecte puisque “un” désigne précisément une seule année.
Concernant la distinction entre l’État d’Israël et la religion juive, des auditeurs regrettent le manque de précision lorsque ces notions sont évoquées.
Par ailleurs, certains auditeurs déplorent l’absence de voix militantes pour la paix dans le débat, ainsi qu’un manque de pluralisme dans la sélection des intervenants. Ils appellent à une couverture plus équilibrée, précisant que le rôle des médias publics est aussi d’éduquer et d’informer de manière impartiale, en particulier à destination des jeunes générations.
“Le 7 octobre, un an après” le billet de Sophia Aram
La chronique de Sophia Aram a été plébiscitée cette semaine par les auditeurs. Ils saluent son approche juste sur le conflit au Proche-Orient. Outre son » humanité« , ils soulignent son » courage » et sa » liberté de ton« . Plusieurs personnes la félicitent pour sa capacité à dénoncer l’obscurantisme et à traiter des sujets complexes avec » finesse » et » intelligence« .
“Viols de Mazan : le patriarcat en procès”
Dans le cadre du procès de Dominique Pelicot, les auditeurs ont diversement réagi aux propos de la sociologue Nathalie Heinich, directrice de recherche au CNRS, invitée à débattre dans le 7/10 de France Inter mardi matin avec Martine Delvaux, professeure de littérature à l’université de Montréal. Sur la question des hommes et du patriarcat, certains remercient Nathalie Heinich pour son approche mesurée, saluant sa capacité à critiquer le patriarcat tout en refusant de stigmatiser les hommes en bloc, surtout ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’image de dominant ou de machiste. D’autres expriment leur désaccord, estimant que ces propos risquent de dédouaner trop facilement les hommes de comportements problématiques et que tous doivent être responsabilisés, y compris ceux qui se comportent correctement. Les messages soulignent également l’importance de l’éducation, en particulier le rôle des parents, et la nécessité de ne pas confondre » consentement » et » résignation » de la part d’une femme.
« En bon père de famille »
Lors d’une matinale mercredi, à propos de l’effort de 5 milliards demandé par le gouvernement aux collectivités locales, une journaliste, éditorialiste politique, constate : « On voit les maires qui sont offusqués, qui disent nous on gère en bon père de famille et là l’Etat fait n’importe quoi ». Cette expression a fait bondir de l’autre côté du poste.
Les mots ne sont jamais neutres. Ils portent en eux une histoire, une culture, des valeurs, et souvent des stéréotypes qui peuvent influencer notre perception du monde. Chaque mot choisi dans un discours, un texte ou une conversation est porteur d’une charge symbolique, car il façonne notre manière de penser et d’agir. Ils peuvent renforcer des préjugés ou, au contraire, les déconstruire.
Lorsqu’on emploie l’expression « en bon père de famille », on ne choisit pas simplement un terme par habitude ou par facilité. Ce type de formulation, même utilisé innocemment ou inconsciemment, renvoie à une vision patriarcale de la société, où la responsabilité et la gestion sont automatiquement attribuées à l’homme, excluant implicitement les femmes de ces rôles. Ce stéréotype, longtemps ancré dans le droit et dans les mentalités, véhicule une conception inégalitaire des rapports de genre.
Rappelons que l’expression « en bon père de famille », issue du droit romain et de la locution « bonus pater familias » a été consacrée en 1804 par Napoléon dans le Code civil, qui attribue à l’homme – le père de famille – la qualité d’être un bon gestionnaire.
Dans le cadre de la loi du 4 août 2014 pour « l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » cette notion a été supprimée par le législateur précisément en raison de son caractère sexiste.
Ce terme, qui renvoyait à une conception patriarcale de la famille, était jugé désuet et contestable. Il constituait un stéréotype de genre, discriminatoire pour les femmes, et véhiculait une vision où seule l’autorité masculine était reconnue dans la gestion et la protection des biens ou des responsabilités familiales. Sa suppression en 2014 a été saluée comme une avancée vers l’égalité et la fin de ces représentations archaïques.
Il est donc surprenant et regrettable d’entendre encore, en 2024, cette expression sur une antenne de la radio du service public, sans qu’aucun autre journaliste autour de la table ne juge utile de reprendre cette formulation discriminante. Son usage est d’autant plus incompréhensible que toutes les chaînes, à travers leurs reportages et leurs émissions, sont constamment engagées dans des efforts de sensibilisation pour mettre fin à ce type de stéréotypes. Dans un contexte où nous œuvrons à déconstruire les biais sexistes et à promouvoir une vision plus inclusive et égalitaire, entendre cette formule est anachronique et en total décalage avec les valeurs défendues par Radio France.
Il est essentiel de prendre conscience de la force des mots que nous utilisons en tant que journalistes. Ils ne sont pas de simples outils de communication, mais des véhicules de sens et de symboles. Ignorer cette dimension, c’est risquer de perpétuer des stéréotypes et des représentations qui n’ont plus lieu d’être.
Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes de Radio France