Florent Guyotat, directeur adjoint de la rédaction de Franceinfo est au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux questions des auditeurs
Emmanuelle Daviet : Dans la soirée de vendredi 22 mars dernier, deux sujets d’importances très différentes mais simultanés dominaient l’actualité. A Moscou, la mort de plusieurs personnes. On ne connaissait pas alors le nombre exact de victimes dans une fusillade, suivie d’un incendie dans une salle de concert en banlieue de la capitale russe. Les autorités du pays dénonçaient alors un attentat terroriste sanglant et la même soirée, l’annonce par la princesse de Galles, âgée de 42 ans de son cancer, nécessitant un traitement de chimiothérapie préventive. Dès vendredi soir, des auditeurs exprimaient dans leurs messages des critiques quant au choix éditorial de donner un large écho à l’histoire personnelle de Kate Middleton, alors que survenait un événement géopolitique majeur et tragique. Florent Guyotat, que répondez-vous aux auditeurs sur l’arbitrage éditorial entre une information d’intérêt public, l’attentat à Moscou et une nouvelle médicale concernant Kate Middleton ?
Florent Guyotat : D’abord, vous l’avez dit, la particularité de ces deux événements, c’est vraiment qu’on les a appris quasiment en même temps. Donc, à partir de 18 h 30, le vendredi 22 mars, nous avons les premières informations qui nous parviennent de Moscou et l’annonce de son cancer par la Princesse de Galles via une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. C’est aux alentours de 19h. Au fond, donc, la question qui nous est posée par les auditeurs, c’est est-ce que ces deux événements ont la même importance ? Et est-ce qu’il faut leur accorder la même place à l’antenne ? Clairement, je vous le dis, la réponse, c’est non. L’attaque de Moscou, par le nombre de victimes, par ses conséquences ailleurs dans le monde, c’est un événement plus important. Et globalement, dans la soirée de vendredi, entre 20h30 et minuit et dans la matinale de samedi, les deux tiers, voire les trois quarts de l’antenne de franceinfo ont été consacrés à cette attaque de Moscou. Et le cancer de Kate Middleton, lui, est passé au second plan, traité au rang de deuxième titre.
Emmanuelle Daviet : Alors on entend vos explications. Mais malgré tout, Florent, certains auditeurs sont troublés parce qu’en tout début de soirée, entre 19h et 20h30, ils ont l’impression que Franceinfo a donné trop d’importance à Kate Middleton et pas assez à l’attaque de Moscou.
Florent Guyotat : Alors à mon sens, il y a un élément essentiel à prendre en compte. Vers 18h30, quand les premières informations nous parviennent en provenance de Moscou, elles sont très incomplètes, très parcellaires. Il y a des images sur les réseaux sociaux où l’on voit des hommes qui tirent sur la foule, mais elles sont difficiles à authentifier. Il y a des informations incomplètes aussi sur le nombre de victimes, sur le déroulé précis des événements. Donc, c’est la règle chez nous à franceinfo, on prend le temps de vérifier les informations qui nous parviennent pour être le plus précis possible et on essaie de s’en tenir aux faits. Donc, dès 19h, nous proposons des points très réguliers à l’antenne avec notre correspondant à Moscou, Sylvain Tronchet, avec nos journalistes en studio également, Virginie Pironon, Julie Pietri. Des points réguliers donc je vous disais 19h, 19h10, 19h30, 19h40, 19h50. 20h. J’ai regardé à nouveau la grille de programmes de ce soir là. Mais encore une fois, à ce moment-là, comme nous avons peu d’informations, il nous est difficile de consacrer toute l’antenne à cette actualité moscovite. D’ailleurs, les spécialistes de la Russie que nous contactons, nous sollicitons, nous disent que c’est trop tôt, qu’ils n’ont pas assez d’informations, qu’ils veulent attendre d’en savoir plus pour ne pas dire de bêtises et pour réagir à l’antenne, ce qui, je trouve, de leur part est plutôt sain. Donc c’est la raison pour laquelle à ce moment là, entre 19h et 20h15, c’est vrai, l’antenne se partage entre l’attaque de Moscou et le cancer de Kate Middleton. Ensuite, vers 20h20, c’est important, un premier bilan consolidé nous parvient en provenance des services de sécurité russes : au moins 40 morts et des dizaines de blessés. Ce bilan, bien sûr, augmentera par la suite. Mais à partir de ce moment-là, eh bien nous consacrons la majeure partie de notre antenne à la situation à Moscou. On ne parle que de ça dans les Informés de 20h20 à 21h. Et à ce moment-là aussi, le pouvoir russe met en cause l’Ukraine qui affirme qu’elle n’y est pour rien dans cette attaque. Puis, plus tard dans la soirée, l’Etat islamique revendique l’attentat. Et dans ces conditions, avec toutes ces informations qui affluent, le cancer de Kate Middleton continue d’être évoqué à l’antenne. Mais très clairement, ça passe très largement au second plan par rapport à Moscou.
Emmanuelle Daviet : Alors merci pour ces éclairages. Malgré tout, pourquoi relayer l’annonce du cancer de Kate Middleton, s’interrogent des auditeurs ?
Florent Guyotat : Alors il y a sans doute certains auditeurs qui considèrent qu’on s’intéresse trop à la famille royale britannique, que cette famille, au fond, n’a que peu de pouvoir politique. Qu’il y a des sujets d’actualité plus intéressants. Je respecte cette opinion, mais je pense aussi qu’on ne peut pas nier l’intérêt, voire la passion que suscite, à tort ou à raison, c’est à chacun d’en juger, cette famille. Je peux vous donner plusieurs exemples, notamment celui du succès de la série The Crown. Donc clairement, il y avait une attente autour de Kate Middleton, son opération, son absence prolongée d’apparitions publiques, hormis la fameuse photo retouchée. Et donc il nous semblait nécessaire d’évoquer le choix qui a finalement été fait par la princesse et par la famille royale, celui de la transparence. Et d’annoncer publiquement au sujet britannique et au monde qu’elle souffre d’un cancer. Mais encore une fois, sur Franceinfo, cette actualité est passée au second plan et c’est un choix assumé de notre part par rapport à l’attaque terroriste de Moscou.