Lundi 13 octobre 2025, au quatrième jour du cessez-le-feu dans une bande de Gaza dévastée par deux années de guerre, le Hamas a remis en liberté les vingt derniers otages vivants qu’il détenait, en échange de la libération par Israël de 1 968 prisonniers palestiniens.  

Cette actualité a suscité de nombreuses réactions et certains auditeurs s’interrogent : pourquoi l’appellation « otages » n’est pas employée de manière symétrique pour les Palestiniens, estimant qu’eux aussi devraient être qualifiés d’« otages ». 

La distinction entre les expressions « otages israéliens » et « prisonniers palestiniens » ne procède pas d’une préférence éditoriale, mais d’une différenciation juridique solidement ancrée dans le droit international humanitaire édicté par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et par les Conventions de Genève.  

Le terme « otage » renvoie à une “situation d’enlèvement et de rétention d’une ou plusieurs personnes en vue d’exercer une contrainte sur une partie adverse”. La prise d’otages est expressément “prohibée”, tant par le droit international que par l’article 3 commun aux Conventions de Genève, en ce qu’elle transforme des personnes protégées, le plus souvent des civils, en instruments de pression. L’usage journalistique du mot « otage » découle donc de la nature même de l’acte : enlèvement, séquestration et instrumentalisation à des fins de négociation ou de chantage.  

À l’inverse, le terme « prisonnier » décrit une privation de liberté décidée et exercée par une autorité étatique ou, plus largement, par une partie au conflit disposant d’un cadre juridique de détention. Dans le corpus du droit international humanitaire, la détention peut être légale si elle repose sur une base juridique et si elle respecte “les garanties procédurales et matérielles afférentes”, qu’il s’agisse d’une “incarcération pénale consécutive à une condamnation”, d’une “détention provisoire sous contrôle judiciaire” ou d’une “détention administrative fondée sur des motifs de sécurité”. Le CICR insiste sur la licéité de la privation de liberté en période de conflit, “sous réserve de l’interdiction de l’arbitraire, de l’obligation de contrôle effectif et du respect des conditions de traitement, y compris pour les personnes vulnérables comme les mineurs”.  

La différence d’usage entre « otages » d’un côté, « prisonniers » de l’autre résulte donc d’abord de la qualification juridique des faits et non d’une orientation éditoriale. La pratique journalistique vise à coller au plus près des faits établis, en privilégiant la précision terminologique et la contextualisation. Lorsque les éléments factuels le permettent, les journalistes précisent le type de détention et le statut des personnes concernées. Cette rigueur lexicale n’a pas pour objet d’euphémiser la réalité, mais d’assurer l’intelligibilité du débat public en alignant les mots de l’information sur les catégories du droit international humanitaire, telles qu’elles sont rappelées par le CICR et par les Conventions de Genève.  

Il est important d’ajouter, avec toute la prudence requise, que le sujet des otages israéliens et des prisonniers palestiniens est d’une sensibilité extrême, comme l’attestent les messages que nous recevons. J’ai pleinement conscience que la présente réponse, volontairement factuelle et strictement arrimée au droit applicable, ne satisfera pas celles et ceux qui contestent jusqu’à l’emploi même du terme « prisonniers » pour qualifier les Palestiniens incarcérés. Mon intention n’est pas de trancher des convictions mais de clarifier les catégories juridiques qui fondent le vocabulaire utilisé.  



Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes