Emmanuelle Daviet reçoit Vincent Lemerre délégué aux programmes de France Culture
Extinction Rebellion
Eric : le 14 octobre dernier « Le temps du débat» a été consacré aux mouvements de désobéissance civile, et plus particulièrement à Extinction Rebellion. Les représentants de ce mouvement sont intervenus anonymement, désignés par le seul prénom, qui plus est d’emprunt, semble-t-il. Permettez-moi de vous dire que c’est inadmissible et que, pour moi, cela suffit à disqualifier totalement leur propos. Quand on vient défendre une cause sur une radio publique, on n’avance pas masqué. Je note à cet égard que cela devient une fâcheuse habitude depuis les fameux «Camille» de Notre Dame des landes et je m’étonne que les journalistes accèdent à ces demandes d’anonymat.
Pourquoi accepter vous d’anonymiser ces invités ?
Vincent Lemerre : Une question qui fait débat aussi dans les couloirs de France Culture, comme dans beaucoup d’autres médias j’imagine…
D’abord, rappeler que la pratique d’anonymiser ses sources est une ancienne pratiques journalistiques, nécessaires voire indispensable dans beaucoup de cas. Exemples : Témoignages de victimes ou d’auteurs de crimes et de délits, comme dans une série documentaire composée à partir de séquences enregistrée sen milieu carcéral. Plus récemment, dans la série de LSD ou des policiers ont témoigné de leurs rapports à la violence, violence qu’ils peuvent exercer ou subir. Ces policiers n’apparaissaient que par leur prénom.
Il y a beaucoup de milieux professionnels, de secteurs de la société dans lesquels la prise de parole publique n’est pas libre. Et ce serait une faute pour les médias de ne pas chercher à contourner ces obstacles.
Le cas que soulève Eric est un peu différent : il réagit à l’expression anonyme de militants, nous ne sommes pas là dans la problématique du témoignage. Il cite les mouvements Extinction Rébellion ou la ZAD de Notre dame des landes. Il s’agit là de mouvements militants très horizontaux, il n’y a pas forcément de porte-parole officiel et d’organisation pyramidale.
Du coup les médias sont souvent réduits à solliciter des militants qui conditionnent leur prise de parole au fait de respecter leur anonymat.Que faire face à cela ?
Pour un média qui doit traiter de cette actualité des mouvements sociaux, ça me paraît indispensable de faire entendre ces prises des paroles, pour ne pas avoir à se limiter à la parole des experts ou des analystes. Mais la réaction d’Eric est légitime : cela n’est pas satisfaisant. Chacun peut avoir son avis sur tel ou tel personne qui assume ou refuse de prendre la parole en son nom…. ce qui est sûr c’est qu’au niveau global, c’est inquiétant : la multiplication des prises de paroles anonymes, cela ne fait pas de bien au débat public, c’est vrai pour les médias mais plus encore sur les réseaux sociaux.
Diversité idéologique à France culture
Guillaume écrit : « Je suis régulièrement dérangé par l’orientation idéologique de vos programmes. Tous les journalistes semblent partager une opinion similaire sur un grand nombre de sujets d’actualité : Donald Trump, le Brexit, le populisme, le réchauffement climatique, les sujets dits sociétaux, l’immigration). Des personnes comme Brice Couturier ou Hubert Védrine incarnent les voix les plus « droitières » que l’on puisse écouter. Un certain nombre de vos concitoyens ne sont que très faiblement représentés sur vos antennes. L’enfermement idéologique n’est pas le meilleur allié de la vérité. Je me permets de vous suggérer d’incarner de façon plus accomplie « l’esprit d’ouverture ». »
Que répondez-vous à cet auditeur ?
Vincent Lemerre : question compliquée qui revient de manière récurrente :
Compliqué de lui répondre sur le fond : difficile de mettre sur le même plan notre traitement éditorial du populisme, du Brexit, de Donald Trump, de l’immigration. Et il me semble d’ailleurs qu’il est difficile d’associer à ces sujets la question du changement climatique, pour laquelle il existe aujourd’hui un grand consensus scientifique. Sur Donald Trump : Il est compliqué d’avoir une analyse mesurée des actions d’un président qui pratique la provocation avec une jubilation certaine, et avec un certain succès politique. Arrêtons sur la notion de populisme… c’est une notion très discutée et disputée.
Sans doute parfois les journalistes utilisent cette notion comme un mot-valise avec beaucoup de raccourcis. mais il me semble que sur l’antenne de France Culture, nous tenons justement à faire entendre le débat intellectuel autour de cette notion, à laquelle nous avons consacrée des Forums à la Sorbonne, des semaines d’émissions d’histoire ou de philos, nombres de magazines comme LA grande table, justement pour faire entendre, pour expliquer la diversité des points de vues…