Xavier Mauduit, producteur de l’émission « Le Cours de l’histoire » sur France Culture, est au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux différentes questions des auditeurs.
Emmanuelle Daviet : Je commence par la lecture de deux messages reçus en tout début de semaine après votre émission intitulée « Après-guerre, la reconstruction : accueillir les déportés« . Un auditeur nous écrit : « Bravo pour l’émission de ce jour qui a abordé un sujet rarement présenté en profondeur et la remarquable qualité des intervenants. Comme quoi, quand on croit connaître un peu le sujet, on en ignore quasiment tout ». Et puis cet autre courrier : « Merci pour votre écoute respectueuse et patiente, Xavier Mauduit. Cela fait du bien pour l’auditrice que je suis de pouvoir écouter calmement vos interlocuteurs et vous même sans ressentir que chacun est en sursis sur son temps de parole. Vous êtes l’un des derniers à mener vos émissions dans cet esprit tranquille et c’est ainsi que nous en profitons pleinement. » Des auditeurs satisfaits par l’émission et qui ont des questions pour vous Xavier Mauduit. On commence avec celle ci : Comment choisissez-vous les thématiques ou les périodes que vous abordez dans votre émission ?
Xavier Mauduit: C’est beaucoup de temps de préparation des émissions, effectivement, de réfléchir aux sujets à aborder. Bien entendu, il y a l’écho à l’actualité. Ça, c’est vraiment avec Maïwenn Guiziou qui assure la programmation de l’émission, des discussions en disant en ce moment, on sent qu’il faut parler de ça parce que c’est une préoccupation, puis l’actualité beaucoup plus concrète. On le voit bien quand il y a un événement quelque part dans le monde, eh bien, c’est nécessaire d’avoir un recul historique. Ça nous arrive également de faire ce qu’on appelle une contre programmation. Dans un monde où les actualités sont un tantinet angoissantes, il faut le dire, nous allons regarder ailleurs ce qui se passe. Donc ça permet d’avoir des thèmes extrêmement larges. Et là, il y avait cette commémoration des attentats de Charlie Hebdo par exemple. Eh bien le thème choisi, c’est l’histoire du blasphème. Donc là, ça nous donne envie parfois de nous envoyer en l’air pour une histoire des ballons dirigeables. Donc c’est ce jeu là. La chance que nous avons avec l’histoire, c’est que c’est foisonnant.
Emmanuelle Daviet: Alors, en tant qu’historien précisément, comment parvenez vous à faire dialoguer rigueur académique et accessibilité pour le grand public ?
Xavier Mauduit: C’est ici tout un enjeu. France Culture, c’est un média, c’est la radio. Donc les gens, quand ils écoutent la radio, ils font souvent autre chose. Certains sont en voiture. J’ai beaucoup de sportifs qui écoutent en podcast, donc il faut réussir à se dire que nous avons un moment de divertissement. Et là, je reprends une idée de Marc Bloch, historien. Et dans le même temps, faire passer des savoirs. Vous savez, Napoléon va toujours perdre à Waterloo. Après, c’est comment on le raconte. L’enjeu, c’est que l’émission ne soit pas un séminaire d’université. Ça s’adresse à un très grand public et que la vulgarisation pour utiliser ce mot là, c’est juste permettre la transmission des savoirs, que les fruits de la recherche arrivent au plus grand nombre. Et c’est une mission du service public aussi.
Emmanuelle Daviet: Alors ce public que vous connaissez bien a également cette question : l’histoire est parfois instrumentalisée dans les débats publics ou politiques. Comment un historien comme vous peut-il rester neutre face à ces enjeux ?
Xavier Mauduit: C’est très difficile. L’intérêt de l’histoire, c’est la complexité. L’histoire, c’est ce qui s’est passé auparavant. Et l’histoire, c’est une discipline scientifique, cette discipline scientifique qui sert toute une réflexion avec des méthodes, avec de la rigueur. Dès lors, il y a comme une démarche où l’on est posé en tant que chercheur, chercheuse sur son objet d’étude. La vigilance que, historiens historiennes ont sur l’utilisation politique de l’histoire. C’est la même vigilance qu’ont tous les citoyens et toutes les citoyennes. Se méfier tout le temps. Quand on voit l’histoire qui est dans la bouche de quelqu’un qui en fait un usage politique, vaut mieux repartir. Et c’est l’avantage d’avoir 1 h sur France Culture, sur le savoir, sur les chercheurs, les chercheuses et dès lors, on peut mettre tout ça en perspective.
Emmanuelle Daviet: Quel est, selon vous, le plus grand défi pour les historiens dans les années à venir ? Demande un auditeur.
Xavier Mauduit: Le plus grand défi est pour moi évident c’est la remise en cause des savoirs. C’est à dire considérer l’histoire comme une opinion. L’histoire, ce n’est pas une opinion, je viens de vous le dire, c’est une discipline scientifique. Et puis l’enjeu, c’est l’idée que la vérité de chacun doit être respectée comme une vérité sure et solide. Parfois on se trompe et donc la négation de tout débat, la négation de toute confrontation d’arguments. C’est au cœur du problème. Je suis l’héritier, mais comme vous, de toute cette réflexion qui nous conduit, mais bien avant le siècle des Lumières, cette pensée comment on construit la pensée, comment on argumente, on est héritier de ça, c’est à dire le savoir avant tout, l’intelligence avant tout.
Emmanuelle Daviet: Alors des questions un peu plus personnelles à présent, d’où vous vient votre passion pour l’histoire ? Demande une auditrice.
Xavier Mauduit: Très jeune. Les premières fiches qu’on remplit à la rentrée des classes pour dire « Quel métier voulez-vous faire ? » j’ai toujours mis professeur d’histoire, historien, j’ai toujours mis ça, mais je ne sais pas comment. Je sais que l’émotion face à la trace du passé, elle a toujours été là.
Emmanuelle Daviet: Alors vous aurez peut être plus de facilité à répondre à la question suivante : y a-t-il un livre d’histoire que vous jugez indispensable d’avoir lu ?
Xavier Mauduit: Indispensable ? J’ai cité Marc Bloch. Voilà. « L’étrange défaite » de Marc Bloch. Je pense que c’est indispensable. Non pas que ce soit le livre qui va couvrir tous les livres d’histoire, c’est pas pour ça. Mais Marc Bloch, son entrée prochaine au Panthéon, il est tellement cité. Voilà, ça c’est un bon livre d’histoire au sens où tout le monde en parle sans l’avoir lu. Eh bien c’est l’occasion de le lire.
Emmanuelle Daviet: Dernière question Xavier Mauduit : Si vous pouviez vivre dans une autre époque, laquelle choisiriez-vous ? Et pourquoi ?
Xavier Mauduit: Une autre ? Non, la nôtre je vous dirais parce qu’on est quand même les héritiers de tant de combats sociaux. Et c’est vrai qu’il faut rendre hommage à tous ces combats du passé. Et puis moi, je suis fasciné par l’accès à l’information que nous avons. Après, il faut faire attention comment elle est utilisée, mais j’aime bien notre temps.