Au micro de la médiatrice, Jean-Philippe Baille, directeur de la rédaction et Matthieu Mondoloni, grand reporter sont au micro d’Emmanuelle Daviet
Emmanuelle Daviet : Les auditeurs nous écrivent pour dire que les journalistes en font trop sur le coronavirus :
« Quand allez-vous cesser d’entretenir cette psychose? C’est aberrant cette désinformation. »
« Arrêter de faire du sensationnalisme sur un virus type grippe. C’est honteux et irresponsable »
Ou encore : « Je ne comprends pas pourquoi les médias s’inquiètent »
Que leur répondez-vous ?
Jean-Philippe Baille : je respecte le ressenti de certains auditeurs, mais je rappelle que c’est notre métier de raconter ce qu’il se passe et témoigner d’une réalité. En tout cas, pour moi, ce n’est pas entretenir une psychose. C’est même tout l’inverse, je suis convaincu que si nous ne parlions pas de cette situation, on nous le reprocherait. On crierait « au complot », « les médias nous mentent… » Alors oui il faut en parler et être responsable quand on en parle, ne pas dire n’importe quoi, ne pas laisser se propager les fausses rumeurs. Là on est au cœur de notre mission de journaliste de service public : expliquer, décortiquer, donner la parole à ceux qui savent, aux personnes compétentes que sont les médecins ou spécialistes.
Notre rôle est de relayer les messages des autorités sanitaires pour éviter cette psychose et toutes mauvaises interprétations.
Emmanuelle Daviet : Comment sur une chaîne d’info continue place-t-on le curseur pour aborder cette actualité très évolutive ?
Jean-Philippe Baille : Trouver le bon curseur c’est toujours très difficile dans une chaîne d’information comme la nôtre.
Il y a deux temps : celui du direct, lorsque l’information nous parvient avec l’envoi de nos reporters sur le terrain, ou la retransmission des conférences de presse, comme celle du ministre de la santé ou des autorités sanitaires. Et un second temps, où l’on se pose, pour prendre le temps d’expliquer, de décrypter les informations brutes. Nous nous appuyons sur nos experts.
Emmanuelle Daviet : Le travail d’un reporter ou d’un envoyé spécial consiste à aller là où ça se passe, dans des zones sensibles.
Quelles sont les consignes aujourd’hui ? Comment travaillent les journalistes ?
Matthieu Mondoloni : Avant de partir, nous sommes allés voir le médecin de Radio France pour l’informer que nous partions dans des zones concernées pas le coronavirus. On est parti avec des masques jetables, des gels hydroalcooliques, des gants, des lunettes de protection. Plus on approche des zones, plus il faut qu’on fasse preuve de précaution pour travailler au contact des gens potentiellement contaminées. Bien sûr nous ne sommes pas rentrés dans les villages placés sous quarantaine en Italie. Par exemple, à Turin, les écoles, les églises, les cinémas, les musées sont fermés. On essaye de travailler en prenant le pouls de la population.
Emmanuelle Daviet : On est dans quel état d’esprit
Matthieu Mondoloni : Pour être honnête, je n’ai pas de crainte quand je pars là-bas. C’est un terrain compliqué mais c’est notre métier de partir sur des terrains compliqués. On est parti sur le terrain, lorsqu’il y a eu l’accident nucléaire au Japon à Fukushima.
On est volontaire évidemment. Nos directeurs de rédaction nous demandent si on accepte ou non de partir.
Avez-vous été confronté à un refus, un journaliste qui exerce son droit de retrait ?
Jean-Philippe Baille : droit de retrait, non. Un journaliste qui ne le sent pas pour des raisons familiales ou de santé, on accède à sa demande. C’est la liberté de conscience de chacun.
Lorsque les journalistes rentrent de ces zones, ils sont mis en quarantaine ou en quatorzaine. C’est le cas de notre correspondant à Rome, qui est allé le premier en Lombardie, le week-end dernier.