Pourquoi Jean-Louis Bourlanges ne peut-il plus être collaborateur régulier de l’émission « L’Esprit public » sur France Culture ? De nombreux auditeurs nous ont écrit ; ils s’interrogent et ne comprennent pas cette décision. Certains parlent même de censure. En fait, nous sommes tout simplement dans une période très particulière : la campagne de la Présidentielle, hyper rigoureuse et contrôlée…

Depuis le 1er février, tous les médias audiovisuels sont entrés dans la période de la campagne électorale de la Présidentielle qui leur imposent des règles très strictes.


Les règles strictes édictées par le CSA :

  • Du 1er février au 19 mars : comptabilisation des temps de parole et des temps d’antenne, selon le principe de l’équité.
  • Du 20 mars au 9 avril : comptabilisation identique, mais en ajoutant une contrainte supplémentaire (programmation comparable de tous les candidats et leurs soutiens dans les quatre tranches de la journée : 6h-9h30, 9h30-18h, 18h-0h, 0h-6h).
  • Du 10 avril au 5 mai : comptabilisation des temps de parole et des temps d’antenne, selon le principe de l’égalité entre les candidats, avec toujours la même contrainte de la programmation comparable.
  •  La veille et le jour du scrutin : interdiction de toute diffusion à caractère électoral, exceptées les informations pratiques.

La comptabilisation détaillée doit être envoyée chaque semaine au CSA, puis chaque jour, durant la semaine précédant les deux tours.

S’ajoutent à cela les règles du pluralisme qui concernent la politique hors élection présidentielle et qui imposent tout au long de l’année aux chaines de radio et de télévision, une comptabilité différente à remettre également régulièrement au CSA.


Ces règles, imposées par la loi et contrôlées de très près par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, doivent être respectées au risque de sanctions lourdes pour les chaines. En tant que société de service public, Radio France est particulièrement soucieuse de garantir le pluralisme, qui est au cœur de ses missions.

Des règles strictes qui s’imposent sans restriction

Ces règles, saines pour la démocratie, sont également un casse-tête considérable pour les responsables de rédaction et de programmes. Il faut minutieusement comptabiliser en permanence toutes les interventions d’ordre politique et les rééquilibrer. Les chiffres peuvent prendre le pas sur des choix de rédaction. Le Secrétariat Général à l’Information (SGI) de Radio France apporte son soutien quotidien aux sept chaines du groupe, en étant particulièrement vigilant ; si un déséquilibre se creuse, la rédaction concernée est immédiatement alertée. Le SGI est également en relation régulière avec le CSA.

Ces règles s’appliquent aussi bien aux journaux qu’aux émissions. Rééquilibrer des temps de parole ou d’antenne sur plusieurs journaux n’est pas trop compliqué ; les interventions sont courtes. C’est beaucoup plus complexe pour des émissions : si un candidat ou un de ses soutiens s’est exprimé pendant 30 mn, il faut rééquilibrer obligatoirement avec les autres candidats selon les règles de l’équité (jusqu’au 9 avril), puis celles de l’égalité (à partir du 10 avril).

Auto-équilibre des émissions

Face à une telle complexité qui demande une précision à la seconde près, et afin d’éviter tout déséquilibre impossible à rétablir, Radio France veille à ce que chaque émission « s’auto-équilibre ». C’est le cas, par exemple, pour « L’Esprit public » sur France Culture.

Jean-Louis Bourlanges n’est pas en soi visé. Le fait qu’il ait décidé de soutenir officiellement un candidat rend sa position difficile, et, par conséquent, celle de France Culture. Premièrement, toujours selon les règles auxquelles nous sommes soumis, ses paroles sont désormais comptabilisées en faveur du candidat Macron. Pour rééquilibrer, l’émission devrait donc donner la parole à d’autres intervenants clairement authentifiés « soutien de Fillon », « soutien de Hamon », « soutien de Le Pen », « soutien de Mélenchon », etc.

Deuxièmement, en maintenant à l’antenne Jean-Louis Bourlanges, combien d’auditeurs s’offusqueraient et ils auraient raison… Le médiateur imagine déjà les messages : « Vous offrez une tribune permanente à Emmanuel Macron », « Vous ne respectez pas le pluralisme ». C’est aussi une question d’éthique.

Le cas particulier de la campagne

« Pourquoi d’autres producteurs ou intervenants réguliers de France Culture, dont les positions politiques sont connues, n’ont jamais été concernés auparavant ? », nous demandent plusieurs auditeurs. La réponse est simple : nous n’étions pas dans la période cruciale d’une campagne électorale.

En revanche, la règle du retrait provisoire d’un intervenant soutenant un candidat s’impose à tous au sein de Radio France jusqu’au second tour de la Présidentielle (7 mai). En ces temps de campagne électorale, Radio France redouble de vigilance. Si la situation se présentait à nouveau d’ici l’élection, la décision serait identique.

 

Bruno DENAES.