Le débat sur l’euthanasie, relancé à travers une proposition de loi examinée ce jeudi 8 avril à l’Assemblée, continue à diviser la classe politique mais aussi les spécialistes. Signe d’un sujet toujours aussi douloureux, cinq ans après la loi Claeys-Leonetti, que beaucoup jugent insuffisante.
Les auditeurs réagissent à la suite des émissions diffusées notamment sur France Inter et sur France Culture cette semaine :
Le Téléphone sonne du 7 avril
L’invité des Matins de France Culture Jean-Louis Touraine et Michèle Lévy-Soussan
Choisir l’heure de sa mort est peut-être l’ultime et le seul acte d’absolue liberté de la condition humaine. La pensée de franchir ce cap en toute conscience est pour moi bien plus apaisant que d’imaginer la façon hypocrite dont la société organise la mort aujourd’hui : sédation. Et finalement mourir de faim et de soif. Que savons-nous des sensations intimes du corps dans une telle fin ? Sans compter les suicides désespérés et solitaires, parfois le seul choix qui reste à certains qui ne peuvent bénéficier du suicide assisté existant dans d’autres pays. Notre corps nous appartient, notre propre mort doit nous appartenir.
Je me permets de vous écrire tout de suite après Le téléphone sonne de ce 7 avril sur La fin de vie, pour vous féliciter en toute simplicité de la façon dont vous avez mené l’émission. Un sujet délicat, intime et important. J’ai écouté d’une oreille particulièrement attentive car le sujet m’intéresse. Vos invités étaient remarquables.
J’avais besoin de partager avec vous et votre équipe mon point de vue : votre présence sensible et d’attention, Fabienne Sintes était d’une justesse et d’un professionnalisme remarquable. Merci à toutes et tous. Très cordialement.
Ne laissons pas les » bien-pensants pour les autres » nous imposer leur dictat, au nom d’une prétendue importance de vivre jusqu’au bout, en pariant sur le fait que le fameux accompagnement des soins palliatifs (qui n’est pas toujours présent) va aider à surmonter les souffrances du malade. Au nom de quoi, de la puissance divine, quels dieux… ? Laissons les personnes choisir avec leur sensibilité.
Je suis toujours surprise de l’amalgame fait en France entre le suicide assisté (je choisi pour moi) et l’euthanasie (les autres choisissent à la place)
Le premier est un choix perso qui n’engage que sa propre vie
L’euthanasie est effectivement plus délicate à légiférer car dérives possibles.
Mais le suicide assisté doit devenir un droit de l’homme comme les autres.
Pourquoi pas de loi autorisant l’euthanasie ? Cela n’oblige personne mais ça offre une liberté de fin de vie supplémentaire.
Et puis une fin de vie programmée cela peut aussi être l’occasion de réunir sa famille et ses amis avant de mourir, … plutôt qu’au moment de l’enterrement.
Intervenants concernant la fin de vie
Merci de donner la parole aux personnes qui plaident pour la fin de vie dans la dignité et pour l’euthanasie qui ont aussi le droit de donner leur opinion.
Ce discours sur la dignité fatigue… Où est la « dignité » lorsqu’on est sourd, presque aveugle, affecté cognitivement et que l’on ne communique presque plus avec ses proches. Que l’on ne comprend plus rien au monde dans lequel on vit, que l’on souille ses drap toutes les nuits et que l’on s’oppose aux soins, à la toilette… Sans parler des aidants qui s’épuisent au risque de leur propre vie (un tiers meurt avant la personne aidée). Bienvenue dans la réalité d’une médecine qui fait « durer » les gens coûte que coûte, comme si la mort ne faisait pas partie de la vie.
Je suis médecin généraliste retraité. J’ai pratiqué trois fois une fin de vie active chez des patients condamnés ne voulant pas vivre une déchéance de fin de vie dans la douleur et « perte de dignité ». Cela avait été fait après concertation patient-famille-médecin. Il y a une certaine hypocrisie beaucoup de médecins généralistes l’on fait mais n’en parlent qu’entre eux. Chaque cas est spécifique, je pense qu’il ne faut pas de loi.
Plutôt qu’une nouvelle loi, ne faudrait-il pas former davantage médecins, équipe soignante aux questions philosophiques et cesser de tout mettre dans le droit ? Une approche humaine et éthique de la fin de vie commence en une réflexion personnelle et individuelle, permettant d’être attentif aux besoins de la personne. Décider de mettre sous sédation relève davantage d’une réactivité et conscience des soignants que du droit.
Merci Fabienne Sintes pour votre émission de ce soir et vos interventions.
C’est insupportable d’entendre de la part d’un médecin que le malade en sédation souhaite le rester en attendant le « lâcher prise ». Que cela s’applique aux malades qui n’ont rien demandé, soit, mais pour ceux qui souhaitent bénéficier d’une aide pour partir beaucoup plus vite, ce n’est pas au médecin de décider à leur place ce qui est mieux pour eux. Que l’on en reste à la loi Léonetti pour ceux qui ne se prononcent pas, oui, mais pour ceux qui souhaitent rester maîtres du moment où ils partent, personne ne peut s’octroyer le droit de décider à leur place.
Je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas invité un.e représentant.e de l’Association pour mourir dans la dignité. En n’invitant que des médecins, le débat est tronqué ! Les médecins n’ont pas à décider pour chacun de la fin de vie. C’est chacun, en son âme et conscience qui doit décider de sa fin de vie et que cette décision soit respectée.
De quel droit, je ne sais qui, peut décider de ce que je veux faire de ma fin de vie ? Je n’ai pas demandé à vivre, je n’ai demandé à être baptiser… Alors, fichez-moi la paix ! Entre souffrir et partir, j’ai choisi pour une fois de ma vie ! Tous les « défenseurs » de la vie me font rire : ils orientent ceux qui en ont encore la possibilité vers le suicide parce qu’ils ont décidé d’être libres.
Dans les années 80, à l’époque où il n’y avait pas de lois Léonetti, on aidait les malades du sida à mourir. Par simple humanité on leur accordait le droit à mourir quand ils le souhaitaient. Aujourd’hui ce serait impossible. On attendrait l’extrême faiblesse pour sédater. La loi Léonetti n’est pas satisfaisante !
J’ai vécu cela avec mon papa. Malgré tout ce qu’on pourra en dire malgré la loi Léonetti qui peut être utile malgré les soins palliatifs, malgré tout ce qui peut être fait pour alléger la douleur et l’angoisse je reste intimement convaincu que la parole et la dignité de la personne malade n’est pas entendu et que notre mort nous échappe. Le corps médical a du mal avec la mort et le vit encore comme un échec. Opter pour une loi autorisant la mort assistée ne signifie pas que tout le monde va se mettre à la demander mais c’est une possibilité. La loi actuelle est au milieu du gué et ne convient pas à tous …. Soyons courageux …
Fin de vie
C’est une souffrance de mourir ? c’est aussi parfois une grande souffrance de vivre dans des conditions dégradées. Arrêtons l’hypocrisie….
Qu’en est-il de l’accompagnement, entre autres psychologique, des médecins devant accomplir l’acte « d’accompagnement actif » ? Dans la quasi-totalité des USPen France, le médecin est seul pour une unité de 10 lits en moyenne. Quand il ne s’agit pas de remplaçants se succédant. La clause de conscience, très bien. Qui se charge de trouver un confrère acceptant de réaliser l’acte au sein de l’établissement ? Que dire de la commission de contrôle à posteriori…. Aussi, les soignants peuvent souvent se montrer pressant vis à vis du médecin concernant la sédation en raison d’une identification secondaire au « corps à corps » avec les patients. Cette loi va rendre le métier de médecin insupportable. Il y a déjà peu de vocations.
En tant que médecin hospitalier, je vous livre ma réaction à l’émission de ce matin : difficile quand on se dévoue et réfléchie quotidiennement pour accompagner l’agonie et maintenir l’humanité jusqu’au bout d’entendre la négation de ce travail et certaines approximations. Merci en tous cas pour ce débat et aussi pour la question très intéressante de la restriction des visites sur laquelle nous avons travaillé au sein de la cellule éthique Sorbonne Université (en collaboration avec M Lévy Soussan, invitée ce matin).
Je ne comprends pas pourquoi France Info prend de facto position sur un sujet aussi sensible et complexe que celui de l’euthanasie. C’est hélas ce qui vient d’être fait à deux reprises ce matin, d’abord dans un reportage donnant la parole au conjoint d’une personne ayant eu recours à une euthanasie en Belgique – reportage à sens unique – puis à nouveau en donnant la parole à un intervenant expliquant qu’il faut que « les choses bougent en France ». En quoi l’indispensable équilibre entre les points de vue est-il respecté ? Qui pour donner un autre éclairage a-t-il été invité ? Personne. Vous dépassez votre rôle d’information et devenez un média engagé.
Merci d’avance, Madame, de bien vouloir prendre compte de cette réflexion qui n’est hélas qu’une illustration d’un travers très général de cette chaîne d’information. Bien cordialement
Examen de la proposition de loi sur l’euthanasie : une fracture politique au sein de la majorité – Traité le 8/4 sur Franceinfo
20h14 : « Légaliser l’assistance active à mourir, c’est transgresser l’interdit de tuer dans notre société, juge @LilianeTanguyAN. Cette transgression est un pas que je ne peux pas franchir. Je n’assume pas de donner la permission à autrui de donner la mort. » #DirectAN #Euthanasie https://t.co/kDYqm58IIe