Sur internet et les réseaux sociaux, il est très facile de réagir – le médiateur le sait bien -, mais toutes les réactions ne sont pas constructives, parfois plutôt violentes, voire haineuses. Le quotidien britannique The Guardian a mené une étude instructive aux résultats choquants.
Le Guardian, journal de référence britannique, s’est plongé dans un travail titanesque : étudier les 70 millions de commentaires reçus entre janvier 1999 et mars 2016. Et le premier enseignement est le caractère sexiste des réactions de lecteurs d’un quotidien pourtant réputé « intello de gauche ». Les journalistes femmes sont les premières cibles de commentaires très violents. « Depuis 2010, les articles écrits par des femmes ont systématiquement attirés un plus grand nombre de commentaires bloqués que les articles écrits par des hommes, constate le Guardian (repris par les Echos). Dans le Top 10 des auteurs les plus souvent visés par ces commentaires, se trouvent huit femmes et deux hommes noirs. A contrario, les dix auteurs d’articles les moins « trollés » sont tous des hommes ».
Féminisme et viol
Comme nous le constatons également à Radio France, l’un des sujets les plus clivants reste le conflit israélo-palestinien qui suscite systématiquement une quantité importante de réactions, tant de pro-israéliens que de pro-palestiniens. Des réactions épidermiques, souvent agressives, qui reposent sur des impressions militantes et non objectives… Le Guardian constate également que parler du féminisme ou du viol entraine un nombre considérable de réactions, réactions parmi les plus nombreuses à ne pas être publiées à cause de la violence des propos.
Cette violence peut aller jusqu’aux menaces de mort ou de viol à l’encontre des journalistes femmes. Une expérience vécue par une journaliste de Radio France peu après les attentats du 13 novembre… Pour le changement du titre d’un article reprenant sur le site de France Inter son papier diffusé à l’antenne, elle a reçu une quantité de messages – le médiateur également – au contenu immonde (humainement parlant, je ne pensais pas qu’un être humain pouvait être capable de messages aussi abjects, mais il est vrai que l’anonymat des réseaux sociaux permet finalement d’ « oublier » sa condition humaine). Je reste persuadé – comme le montre l’étude du Guardian – qu’un journaliste homme n’aurait pas reçu de telles menaces. Quand on sait qu’en plus, la journaliste n’était pas l’auteure des titres visés…
Comme le souligne Jessica Valenti, éditorialiste du quotidien britannique : « Imaginez devoir aller au travail tous les jours et affronter 100 personnes écrivant « Tu es stupide », « Tu es nulle », « Tu crains », « J’arrive pas à croire que tu es payée pour ça », c’est une façon terrible d’aller travailler ». Sans compter que ce harcèlement ne s’arrête pas au cadre professionnel, puisqu’à cause des réseaux sociaux, il poursuit ses victimes dans leur vie quotidienne.
Bruno DENAES
Médiateur des antennes
Pour en savoir plus : l’article des Echos (Quand le Guardian révèle le côté obscur des commentaires de lecteurs)