Chères auditrices, Chers auditeurs,

Israël et les Palestiniens sont engagés depuis début mai dans l’une des plus importantes escalades de violences de ces dernières années. 
Ces évènements suscitent un courrier quotidien. Sur le fond, les remarques que nous recevons se divisent en deux catégories ; ceux qui jugent le traitement éditorial de cette actualité pro palestinien et ceux qui estiment que le traitement journalistique est pro israélien.

La couverture du conflit israélo-palestinien est complexe et pose de nombreux défis.
Il nous a donc semblé important de vous indiquer comment travaille la rédaction internationale de Radio France, les moyens mis en place pour couvrir ces événements et à quelles difficultés sont confrontés les journalistes.

Jean-Marc Four, directeur de la rédaction internationale de Radio France et Frédéric Métézeau, correspondant de Radio France au Moyen-Orient vous répondent :

Donner la parole à toutes les parties

Nous nous efforçons de faire entendre tous les interlocuteurs, côté israélien comme côté palestinien
Cet équilibre vaut aussi bien dans les témoignages de terrain que dans les invités d’antenne
Mais aussi bien côté israélien que palestinien, les voix sont multiples

Côté israélien : militaires, officiels palestiniens, ultra nationalistes juifs, colons juifs, militants de la paix, 13 partis politiques à la Knesset, laïcs, religieux, arabes israéliens (en partie en conflit avec ultra nationalistes juifs), habitants des villes israéliennes visées par les roquettes du Hamas, etc

Côté palestinien : officiels du Fatah, officiels du Hamas, partisans du Fatah, partisans du Hamas, jeunes dégoûtés des partis politiques, simples civils bombardés à Gaza, etc

Il est donc impossible dans un même sujet, de faire entendre tous les sons de cloche. A fortiori quand le temps nous est contraint (une ou deux minutes) pour rendre compte de la situation.
Il faut en conséquence appréhender cet équilibre de façon globale sur l’ensemble des sujets diffusés en l’espace de plusieurs jours. Il n’y a pas d’autre solution.
Selon que l’auditeur tombe sur tel ou tel reportage, il peut avoir l’impression qu’un son de cloche est privilégié. Mais s’il tombe sur un autre reportage, il aura l’impression opposée, et ainsi de suite. Au bout du compte, nous faisons entendre tout le monde de façon équilibrée.

Aller sur le terrain

Même si géographiquement, l’ensemble israélo-palestinien est petit en termes de superficie, s’y déplacer est malaisé et souvent dangereux entre roquettes dans le ciel et hostilité d’une partie de la population au sol. 

Parcourir quelques kms peut prendre plusieurs heures. Dès que la tension monte, les checkpoints se multiplient. Il est peut-être long d’aller de Jérusalem à Ramallah pourtant séparés de seulement 30 kms 

Quant à aller à Gaza, cela a été impossible pendant des semaines. Nous avons essayé même avant que le conflit ne démarre. Pas d’autorisation du Hamas. Et pendant le conflit, nous n’avions ni autorisation du Hamas qui contrôle le territoire, ni autorisation de l’armée israélienne. Nous sommes donc tributaires de quelques sources « à distance » au téléphone ou par WhatsApp, des sources dont nous n’avons aucun doute sur la fiabilité et qui prennent des risques à nous informer. Il a fallu attendre ce vendredi 21 mai après-midi pour que notre correspondant à Jérusalem, Frédéric Métézeau, puisse entrer dans la bande de Gaza accompagné de quelques confrères. 

Pendant toute cette période, nous nous sommes appuyés sur une équipe travaillant sur le terrain en anglais, en hébreu, en arabe et en français, composée de notre journaliste staff permanent à Jérusalem (Frédéric Métézeau), une journaliste pigiste à Ramallah (Alice Froussard) et notre confrère de Radio France Internationale Sami Boukhelifa. Ce dispositif peut paraitre insuffisant, mais c’est de loin le plus étoffé de toutes les radios françaises avec celui de nos cousins de RFI dont Frédéric Métézeau approvisionne également l’antenne. Il faut savoir que sur ce même secteur, l’excellente équipe de l’Agence France Presse est dotée de 45 personnes en permanence. 

Seuls les journalistes vaccinés peuvent se rendre en Israël, sous conditions. Nous avons identifié trois grands reporters en attente de départ à Paris. Deux d’entre eux ont enfin obtenu un permis d’entrer en Israël ce vendredi 21 mai. 

Enfin, toute notre équipe est mobilisée sur le sujet à Paris. Nous avons créé une équipe dédiée composée de plusieurs journalistes spécialistes de la question israélo-palestinienne (Christian Chesnot, Omar Ouahmane, Eric Biegala…). Ils travaillent notamment les aspects diplomatiques, les angles militaires, etc. 

Se forger un point de vue objectif et honnête

C’est un défi face à la multiplicité des points de vue et des sources a fortiori avec la chambre d’écho des réseaux sociaux.

C’est aussi un défi face à l’utilisation de la propagande ou de la rétention d’information des deux côtés. Sans oublier l’utilisation du vocabulaire de façon orientée d’un côté comme de l’autre.

Il nous faut donc prendre toute déclaration officielle avec des pincettes quand par exemple, l’armée israélienne annonce par erreur qu’une opération terrestre a commencé ce qui pourrait même être une manipulation volontaire selon le New York Times ou bien le Jerusalem Post. Il faut aussi faire très attention aux bilans. Tout en travaillant énormément en contextualisant grâce à la connaissance du terrain et un bagage académique solide.

C’est notre boulot, mais c’est une tâche complexe compliquée par les invectives et les mises en cause sur les réseaux sociaux, par des personnalités publiques de France (politiques, chercheurs, militants, journalistes, diplomates) ou par des anonymes. Sachant que nos antennes et nos correspondants sont taxés simultanément d’être « pro israéliens » et « pro palestiniens ».

Jean-Marc Four, directeur de la rédaction internationale de Radio France
Frédéric Métézeau, correspondant de Radio France au Moyen-Orient

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