« Chaque matin, l’écrivain pose de la douceur sur l’urbanisme froid de la France du béton. » grâce à ses chroniques diffusées dans les « Matins » de France Culture
«Quand Guillaume Erner m’a appelé pour me proposer d’écrire une chronique quotidienne dans « Les Matins » de France Culture, j’ai dû raccrocher en catastrophe : ma fille menaçait d’avaler un Playmobil. On s’est cependant rappelés très vite, et quelques jours plus tard, je lisais à l’antenne ma première chronique. Jamais texte n’avait été relu avec autant de soin, de minutie et de délicatesse – et prononcé de façon plus hachée, avec une bouche trop sèche et un cœur trop rapide. On ne réalise pas, avant d’avoir à parler dans un micro, à quel point trois minutes peuvent être longues. Et à quel point, aussi, on les aimera passionnément. J’étais censé, à l’origine, passer la dernière semaine d’août à dévaler les Alpes du col de la Croix-de-Fer à Nice en passant par l’Izoard. Aucun regret, évidemment, et d’ailleurs les sensations seraient très similaires, notamment quand je m’adonnerais à l’un de mes exercices favoris, la description de paysages : l’écriture d’une chronique prend à peu près le temps qu’il faut pour escalader un col. Tout le jeu, je crois, c’est de varier les perspectives tout en tenant solidement son itinéraire – le principe de la route en lacets, avant la grande descente du direct. On ne sait jamais, au début, ce qu’on va dire. On sent, pourtant, dès la première phrase, si cela sera facile ou difficile, fluide ou interloqué. C’est comme une toute petite onde, au début, qui va progressivement grandir, ou se rapetisser – les deux phénomènes sont inquiétants à leur manière. C’est là tout le charme de l’exercice : ne jamais savoir ce qu’on dira, ni comment on le dira. Tenter quelque chose, et puis recommencer – lier son écriture au cycle infini des jours. Écrire comme on se réveille ou comme on s’endort : c’est un privilège rare. Est-ce pour cela que j’ai voulu donner à ces chroniques une forme un peu universelle, et tenter de passer d’un ressenti personnel à une définition collective du temps – passer de la chronique quotidienne à la chronique du temps? En cherchant, pour ce recueil, une entrée assez large pour compiler le plus de chroniques possible sous une thématique commune, j’ai découvert que ce dont j’avais parlé le plus souvent, c’était de cet universel si particulier et si problématique qu’on appelle la France : la France et ses paysages, la France et ses particularismes innombrables, la France et ses passions politiques – la France, de l’élection d’Emmanuel Macron au mouvement des Gilets jaunes.
Aurélien Bellanger.
Écoutez le billet de Nicolas Demorand à ce propos :
Oubliez la radio, voici un livre, un vrai livre. Car ces chroniques quotidiennes changent de nature une fois couchées sur le papier. Elles deviennent un exercice littéraire d’écriture sous contrainte, en l’occurrence : pas un jour sans une ligne.
Les sujets sont aussi variés que le réel. A vue de nez, il doit y avoir un peu moins de 200 chapitres (200 !). Je vous en cite quelques-uns : « le magasin de bricolage », « le Stade de France », « la Mayenne », « la dissertation », « l’information », « François Asselineau », les « Gilets jaunes », « Télérama », « la droite ». Et un chapitre « Roland Barthes » auquel on pense à chaque page d’un livre qui ressemble, aussi, à un hommage aux indépassables Mythologies.
La masse de travail est impressionnante, comme l’est la curiosité intellectuelle et l’ironie, à chaque ligne.
Ce recueil s’intitule La France, tout simplement, car oui, c’en est un excellent portrait. C’est aussi une fenêtre sur le travail quotidien d’un écrivain, sur la manière dont il pense et il voit. Le livre est une coédition Gallimard/France Culture, il sera en librairie demain. Offrez-le-vous, égoïstement, avant de l’offrir à quelqu’un d’autre.