La chercheuse Marie Peltier retrace la montée en puissance d’un système de pensée basé sur le doute systématique qui emprunte à l’idéologie des régimes totalitaires.

Elle se concentre sur les repères utiles pour analyser le développement du phénomène actuel. Logiquement, elle en fait remonter l’émergence à l’après-11 septembre 2001. Marie Peltier en analyse les mécanismes. Elle étudie les relations entre propagande et complotisme, et aussi les liens entre djihadisme et complotisme, les moyens de combattre le complotisme qui se nourrit de nos contradictions et de nos paradoxes.

Ressurgies après le 11 septembre 2001, les théories du complot prolifèrent plus que jamais dans les pays occidentaux. Marie Peltier, historienne de formation et enseignante, tente d’en comprendre les ressorts.

Comment la possibilité d’expression sur internet a-t-elle contribué à ce développement ?

Le web a ouvert un type d’information horizontal. Il aurait pu permettre et permet encore un espace de débat de confrontation, mais assez rapidement, les réseaux sociaux ont figé les gens par strates idéologiques. Leur logique accentue ce phénomène, à l’instar de Facebook qui propose des pages thématiques similaires à celles que l’on consulte généralement. La sensation de « faire groupe » nous enferme dans un univers de plus en plus restreint, où l’on reproduit les mêmes mantras, les mêmes certitudes.

Le complotisme profite de ces « bulles ». Il tire parti de formats tels que la vidéo, très attractive pour la nouvelle génération. Lisant de moins en moins, celle-ci privilégie les images, les textes courts, les formules choc, qui donnent une clé de compréhension à moindres frais.

« Après les attentats de Paris, en janvier 2015, je suis beaucoup intervenue dans les écoles, les maisons de jeunes. C’était frappant de voir comment des jeunes de 14/15 ans se disaient « sûrs que l’attentat de Charlie Hebdo était une mise en scène ». Dans certaines classes, ils étaient majoritaires. Quand on leur demandait d’où ils tiraient leurs certitudes, ils répondaient avoir « vu les preuves sur le web »…

« Le discours complotiste, idéologiquement très problématique, dévie une intention légitime en quelque chose de pervers et de destructeur mais l’intention, elle, est louable »

« L’Ère du complotisme : La Maladie d’une société fracturée » aux éditions {Les petits matins}

Fotolia/Christophe Abramowitz

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