Voici les principales thématiques abordées par les auditeurs dans leurs courriels envoyés du 24 au 31 mai 2024.

La réforme de l’audiovisuel public :

  1. Des auditeurs opposés à la réforme de l’audiovisuel public
  2. Grève : le soutien des auditeurs
  3. Les playlist de grève
  4. Marion Maréchal dans le 7h50 de France Inter
  5. La situation en Nouvelle-Calédonie
  6. Le Cours de l’histoire : « Kanaky, Nouvelle-Calédonie, histoires en archipel »
  7. Transidentité des mineurs
  8. La victoire du Stade Toulousain en Coupe d’Europe de rugby
  9. Langue française

Marion Maréchal dans le 7h50 de France Inter

Marion Maréchal, tête de liste du parti Reconquête pour les élections européennes, était au micro du 7h50, mardi, sur France Inter. La tension est rapidement montée sur la question de la transidentité et a pris une tournure inattendue lorsque Sonia Devillers a demandé à son invitée : « Quelle différence entre votre vision de la famille et celle que défendait le maréchal Pétain ? ». Marion Maréchal a vivement réagi à cette question qu’elle a jugé « bête », « dingue » et « outrancière ». « Vous voyez, quand j’entends cette question, je me rappelle pourquoi j’ai envie de privatiser l’audiovisuel public », a lancé la candidate, indiquant que ça ferait « faire 4 milliards d’économies aux Français ».

Tout le reste de l’échange fut à l’avenant, entre agressivité, amalgames et sarcasmes.

Dès la fin de la séquence, le service de la médiation a reçu un abondant courrier. Si une minorité d’auditeurs salue le courage de Sonia Devillers et la félicite pour sa pugnacité et son sang-froid, les autres au contraire, sont critiques à l’égard de la manière dont cette interview a été conduite, tout en précisant qu’ils ne partagent pas les idées du parti Reconquête.

Leurs remarques convergent sur plusieurs points :

Tout d’abord, beaucoup d’auditeurs ont été déçus par la tournure de l’interview, jugée peu constructive, car focalisée sur des sujets clivants, comme la condition des personnes transgenres ou les références à Pétain, des sujets loin des enjeux centraux des élections européennes. Selon eux, cette approche a entraîné des échanges stériles. Elle a été perçue comme une tentative de provoquer plutôt que de permettre un débat constructif sur le programme politique de Marion Maréchal.

Il est important ici d’apporter des éléments de contexte en rappelant que la candidate a elle-même multiplié les propos sur l’homoparentalité, la GPA et la transidentité ces dernières semaines, avec des interviews et des messages sur les réseaux sociaux résolument engagés sur les questions liées au genre et à la famille. C’est donc son propre choix d’en faire un argument en période de campagne électorale. Les attaques de Marion Maréchal contre l’actrice transgenre, Karla Sofia Gascón, récompensée au Festival de Cannes, avaient été publiées 48 heures avant l’interview de France Inter et répétées le lendemain sur France 2. Dans la foulée, six associations ont porté plainte pour « injure transphobe » contre la candidate. Dans l’interview très courte de 7h50 – qui ne permet généralement d’aborder que trois thèmes – ce sujet est donc venu s’intercaler entre les premières questions sur les frappes israéliennes à Rafah et les dernières consacrées à la concurrence avec le Rassemblement national.

D’autres auditeurs ont déploré le ton hostile et caricatural de l’interview, renforçant les critiques récurrentes contre France Inter « de biais de gauche ». La référence au maréchal Pétain a particulièrement suscité l’indignation, des auditeurs ont jugé que cette référence donnait l’impression d’un parti-pris idéologique de France Inter.

Globalement, ces critiques soulignent l’aspiration à des interviews rigoureuses et impartiales, axées sur des questions de fond afin d’éviter les pièges de la polémique facile. Les auditeurs plaident pour que France Inter continue à être un espace de débat constructif pour rester fidèle à sa mission d’information de qualité.

En tant que médiatrice des antennes de Radio France, je tiens à souligner que les critiques exprimées par nos auditeurs sont prises très au sérieux. Leurs réactions sont un indicateur important de notre responsabilité en tant que service public.
En l’occurrence, leurs attentes concernant le respect des invités et la pertinence des questions posées sont légitimes et méritent d’être entendues.

Je voudrais ici rappeler que France Inter s’engage à offrir une pluralité d’opinions et à poser des questions difficiles à tous ses invités, quelles que soient leurs affiliations politiques. Cela fait partie de sa mission de service public de garantir un débat contradictoire.
Pour Sonia Devillers, il est important de confronter les invités à des questions qui touchent à leurs positions idéologiques. Le parallèle avec le pétainisme, bien que jugé déplacé par nombre d’auditeurs, visait à explorer les fondements de la vision de la famille présentée par Marion Maréchal et son ancrage historique, car il constitue un aspect central de son discours.

Au sujet des accusations de partialité, il est inévitable que certaines questions puissent paraître provocantes ou orientées. L’objectif est de pousser les invités à clarifier et défendre leurs positions, ce qui peut parfois mener à des échanges vifs et passionnés. Le rôle du journaliste est également de mettre en lumière des aspects controversés ou potentiellement problématiques des discours politiques. Cela peut inclure des références historiques ou des sujets sociétaux sensibles, afin de fournir aux auditeurs une compréhension plus complète des enjeux.

Des auditeurs jugent cette séquence « ratée », mais pour combien d’interviews réussies ?
L’excellence journalistique est une valeur cardinale des rédactions de Radio France que Sonia Devillers s’efforce de mettre en œuvre chaque jour dans ses interviews sur France Inter. Son engagement envers une information rigoureuse et un questionnement pertinent est au cœur de sa pratique professionnelle. Ceux qui suivent son travail depuis des années le savent, elle cherche constamment à innover et à apporter des perspectives nouvelles dans ses échanges avec les invités.

Sonia Devillers est reconnue pour sa préparation minutieuse et son souci du détail, ce qui lui permet de mener des entretiens qui ne se contentent pas de suivre l’actualité mais qui cherchent à éclairer les enjeux sous-jacents. Cette approche exigeante est ce qui fait la force de ses interviews et ce qui les distingue dans le paysage médiatique.

Les messages que nous recevons habituellement des auditeurs témoignent de cette singularité qui caractérise ses entretiens. Nombreux sont ceux qui louent son approche incisive et sa capacité à poser des questions qui sortent des sentiers battus. Sa manière d’aborder tous types de sujets, de manière très directe et avec clarté, lui vaut le respect de nombreux auditeurs, comme en témoignent les félicitations que nous recevons régulièrement à son sujet et qui sont publiées sur notre site. Ils voient en elle une journaliste qui n’hésite pas à poser des questions difficiles, à confronter les idées et à favoriser le débat public de manière constructive.

L’exercice journalistique est par nature délicat et complexe, tout particulièrement l’interview en direct dans un temps très limité comme le 7h50 qui dure 9 minutes. Ce qui s’est passé mardi à l’antenne en est l’illustration. Il peut arriver qu’un sujet ne soit pas abordé de manière appropriée ou que l’interaction avec l’invité ne se passe pas comme espéré. Ces incidents font partie intégrante du métier et rappellent que, malgré le professionnalisme, l’imperfection est inhérente à toute activité humaine. Les journalistes, comme tous les professionnels, évoluent et s’améliorent constamment à travers leurs succès et leurs erreurs. Ces moments sont des opportunités pour ajuster leurs approches pour de futures interviews avec, en point de mire, cet objectif : toujours fournir une information de qualité, poser des questions pertinentes et offrir aux auditeurs des échanges éclairants.

La réforme de l’audiovisuel public

Alors que Marion Maréchal, tête de liste du parti Reconquête pour les élections européennes, écrit sur le réseau social X qu’elle veut privatiser l’audiovisuel public en commençant par France Inter, et qu’Eric Ciotti, patron de LR, décrète que pour ce dossier il n’a  » pas de tabou », de très nombreux auditeurs, inquiets, nous écrivent à ce sujet depuis une semaine. Leur crainte ? Que le projet gouvernemental de fusion de l’audiovisuel public ne soit l’amorce de la privatisation évoquée sans complexes par des personnalités politiques.

Quid du projet du gouvernement ? Rachida Dati, ministre de la Culture, affirme vouloir « attirer de nouveaux publics, en particulier les jeunes » vers des contenus  » plus innovants » et de  » nouveaux canaux de diffusion ». Elle veut “ garantir une pérennité” et “ rassembler les forces” dans un univers de  » concurrence exacerbée », entre plateformes et réseaux sociaux.

La ministre prévoit une phase transitoire avec une holding commune pour l’audiovisuel public au 1er janvier 2025, puis la fusion, un an après, de France Télévisions, Radio France, l’Ina (Institut national de l’audiovisuel) et France Médias Monde (RFI, France 24) -dont l’intégration au projet fait débat. Quelque 16 000 salariés sont concernés.

À Radio France les inquiétudes sont particulièrement vives à l’idée que la radio puisse être phagocytée par la télévision. Dans une tribune publiée dans le Monde le 22 mai, de très nombreux salariés de la Maison ronde ont dit leur rejet d’un projet  » démagogique, inefficace et dangereux ».

Les syndicats des quatre sociétés publiques avaient appelé à la grève jeudi et vendredi derniers contre ce projet de fusion éclair ; l’occasion pour de très nombreux auditeurs fidèles de Radio France, d’exprimer leur vive opposition au projet de fusion des médias audiovisuels publics. Leurs messages révèlent une inquiétude profonde quant à la pérennité et l’indépendance du service public, craignant que ce projet ne mène à un démantèlement similaire à celui observé dans d’autres secteurs publics comme la santé et l’éducation. Ils soulignent la qualité et l’indépendance de Radio France, et son rôle crucial dans le paysage médiatique de notre pays.

Ces auditeurs, souvent passionnés et de longue date, expriment leur attachement à la diversité et à la qualité des programmes, et redoutent la création d’une entité unique qui pourrait homogénéiser et appauvrir le contenu. Ils rappellent l’importance de rédactions indépendantes qui vérifient leurs informations avec rigueur, contrairement aux nouveaux médias.

Leurs témoignages révèlent également un sentiment de tristesse et de révolte face à ce qu’ils perçoivent comme une menace pour la richesse intellectuelle, la culture et la liberté de pensée. Certains auditeurs, consternés par ce qu’ils perçoivent comme un retour à une centralisation des médias, affirment leur volonté de se mobiliser à travers diverses actions, incluant des pétitions et des caisses de grève pour soutenir activement Radio France afin de maintenir la qualité et la pluralité des différentes chaines, essentielles pour la démocratie et la compréhension du monde.

Outre leur soutien aux deux jours de grève de la semaine dernière, ils appellent également à des débats publics pour éclaircir les motivations de ce projet, soulignant l’absence de transparence et de clarté dans les justifications avancées par l’exécutif. Ils demandent que leur soutien soit communiqué aux instances gouvernementales et en particulier au ministère de la Culture.

A l’Assemblée nationale, la discussion sur la réforme de l’audiovisuel public n’a pu avoir lieu la semaine dernière, en raison du retard pris sur un autre texte, le projet de loi agricole. La discussion a été repoussée au 24 juin prochain.

Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes de Radio France