Bonjour à la rédaction, trop souvent, les journalistes et les intervenants considèrent que l’appartenance religieuse constitue une norme sociale (tous croyants). Or, une majorité de français se considèrent comme agnostiques ou athées. La norme sociale est plutôt une absence de religion. Les religions sont présentées comme source d’apaisement et de concorde. Comment adhérer à une vision aussi irénique, quand les religions sont excluantes et intolérantes par nature, se vivant comme détentrices de la vérité. Comment croire que céder sur les caricatures apporterait la paix sociale alors que cela ne ferait que renforcer d’autres revendications religieuses. Le bourreau, le terroriste n’est pas un gentil garçon égaré, il obéit à une stratégie, quelle est la nôtre ?

Dans le contexte du procès Charlie Hebdo et des attentats islamistes, toutes les discussions tournent autour de la liberté d’expression et je m’étonne qu’on ne parle pas, aussi, de tolérance. Prenons l’exemple des élèves : vous leur parlez de la liberté d’expression des caricaturistes, mais c’est un monde qui leur est étranger. Il faudrait aussi leur parler de tolérance, et leur dire : voilà, vous réprouvez ces caricatures et c’est votre droit, mais vous devez les tolérer, c’est-à-dire accepter ce avec quoi vous n’êtes pas d’accord. Dans ce cas, vous leur parlez d’eux-mêmes et vous pouvez espérer les guider sur le bon chemin. En conclusion, au lieu d’insister sur les droits des individus, dans une perspective, donc, individualiste, voire égoïste, il faudrait parler de tolérance dans un esprit altruiste. Cela dans l’enseignement mais aussi dans les médias, et à Radio France en premier lieu.

Bonjour France Info. Ce matin encore, un ecclésiastique est venu sur votre antenne pour contester le droit de publier des caricatures (en prétendant qu’elles sont des « mensonges »), tout en expliquant que chacun devrait s’appuyer sur les 10 commandements. Depuis que les attentats se multiplient, vous donnez volontiers la parole aux représentants des religions et les laisser dérouler leur propagande avec une bienveillance coupable. Pourriez-vous envisager d’inviter des libres penseurs et des athées à s’exprimer également ? Pour rappel, eux aussi comptent parmi les cibles et les victimes des religieux extrémistes. Et eux aussi sont offensés, non par les caricatures, mais par les propres absurdes tenus par les religions depuis des siècles.

Professeur d’histoire géographie depuis 30 ans, en poste dans un collège du Val d’Oise, je suis surpris que l’on ne mentionne que très rarement le fait que les atteintes à la laïcité ne proviennent pas exclusivement des personnes de confession musulmane. Elles émanent aussi, de nos institutions et parfois même au plus haut sommet de l’État. Dans ma pratique je mets en regard des atteintes comme celle pratiquées par certains édiles qui font fi de la loi de 1905, en finançant, par exemple l’édification de statues confessionnelles, comme ce fut le cas à Publiez, en haute Savoie, il y a quelques années. Ces évocations ont au moins le mérite de rééquilibrer le débat avec les élèves, particulièrement dans des établissements de banlieues dites « difficiles ».

Je suis une ancienne professeure d’histoire géographie.
Ma question : ne pensez-vous pas que l’on a trop souvent un discours très éloigné des préoccupations et langage des élèves ? Ne serait-il pas préférable de rappeler aux élèves que la caricature, vieille tradition française inconnue dans d’autres sociétés, n’est pas une vérité mais simplement une vision d’un dessinateur qui a envie de faire rire. C’est comme une blague. Certains trouvent que la blague est mauvaise, d’autres qu’elle est bonne. Et demander aux élèves si cela justifie autant de haine pour avancer dans une discussion entre eux sur la tolérance dans la démocratie. Je crains que le langage adulte soit parfois déconnecté. Merci de votre attention.

Ce matin j’ai entendu l’interview d’un responsable du culte musulman osait dire que les caricatures ne devaient plus être montrées dans nos écoles, et que la France devait faire des concessions pour « accueillir ses musulmans ». Comment peut-on laisser dire sans contrepartie une chose pareille ? Peut-on répondre à ce monsieur, que Samuel Paty n’est pas mort pas parce qu’il ne savait pas accueillir les musulmans mais parce qu’il était français, et que la laïcité est dans nos gènes patriotiques. Lorsque les musulmans ou tout autre personne avec une religion, vivent en France, ils doivent s’adapter au pays qui les accueille, comme nous français, nous nous adaptons quand nous allons dans un pays musulman : on porte le voile et ne mangeons pas de porc, nous écoutons l’Iman dès 5h du mat. Il y a désormais un avant et un après Samuel Paty. Maintenant je sais ce que sait savoir accueillir les musulmans, c’est de leur permettre de pouvoir pratiquer leur religion, ne pas manger de porc, leur laisser faire leurs prières et cela dans le respect des règles et du fonctionnement du pays qui les accueille. Pour être respecter et accueillis, à vous aussi Monsieur, de nous permettre d’être accepté comme nous sommes cad, libres et laïques, avec la possibilité de caricaturer, critiquer TOUTES religions, même le prophète. On ne vous demande pas de faire comme nous mais d’accepter que nous sommes comme cela, sans pour autant être connoté d’antimusulman ou islamophobe. En vous remerciant de votre lecture sur ce sujet qui me tenait fort à cœur.

Je suis une citoyenne lambda et je sais de ce fait qu’il n’est pas facile de se faire entendre. Cela est plus accessible pour des figures publiques comme Madame Ariane Ascaride que j’apprécie beaucoup, devoir sa lettre à M. Macron publiée. Mais puisque je suis moi aussi en colère, je vous adresse ma lettre. Elle parle de la liberté d’expression et elle est pour moi aussi très importante et militante…..
Au nom de la liberté d’expression, a t-on le droit de qualifier M.Macron d’imbécile ?
Au nom de la liberté d’expression ai-je le droit de traiter mon patron d’abruti sans être licenciée ?
Au nom de la liberté d’expression, ai-je la légitimité d’écrire que je suis française, catholique et que les caricatures faites de Mahomet sont vulgaires et offensantes ?
On m’a appris à l’école que « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ». Une liberté dotée de limites en somme, par respect pour celui qui n’est pas soi. La liberté d’expression n’est pas seulement de l’encre sur du papier comme j’ai pu le lire d’une directrice de revue chrétienne. L’encre sur du papier se répand indélébile pour faire passer un message et c’est ce message qui importe. Que l’encre soit bleue, noire, rouge ou verte sur du papier blanc, noir ou gris.
Il y a le fond, il y a la forme.
La liberté d’expression n’est pas une entité supérieure à toutes pour ne pas avoir de limites, et d’ailleurs elle en a (antisémitisme,négationnisme) et bafouer un interdit dans la religion de l’Islam. Celui de toute représentation du prophète. Un président français sous la devise « liberté, égalité fraternité » et une poignée de journalistes satiriques relèvent-ils du droit absolu d’emmener tous les citoyens de France dans un soulèvement qui piétine et bafoue une valeur qui ne fait pas partie de leur conviction religieuse ?
Que le droit à la caricature existe, c’est un fait et ce n’est pas Victor Hugo qui viendra le démentir.
Mais il a franchi depuis plusieurs années un pas de trop. Le pas de la vulgarité et de la blessure.
Et quand je blesse un ami, je m’interroge, prend la mesure de la part de l’autre, m’excuse et lui tend la main pour que nous puissions de nouveau avancer côte à côte. Il me semble que c’est cela, la fraternité.

Merci à Mme Canto Sperber (et à G. Erner) pour ce brillant éclairage ce matin sur la laïcité à la française. Elle confirme cet indispensable effort de pédagogie vers les jeunes. Mais cet effort pour expliciter comme elle l’a fait avec des mots simples les caricatures en cause serait également à effectuer en direction de leurs parents les adultes; combien cela éviterait d’incompréhensions et de conflits inutiles. J’en veux pour preuve que d’autres caricatures pouvant paraître contestables à certains sont parues cette semaine sans émouvoir quiconque. Nos sociétés vivent de l’émotion; il faut leur (ré-)enseigner à prendre du recul.

Tout en écoutant votre émission, je vous envoie la lettre que j’ai adressée récemment au Président de la république.
Le 27 octobre 2020
Monsieur le Président,
En ces temps profondément troublés par le dernier attentat de Conflans-Sainte-Honorine, je sens le besoin irrépressible de vous écrire. C’est une grande première pour moi. Je suis ému et profondément mal à l’aise.
Je suis enseignant depuis presque trente ans. Professeur des écoles. Petit enseignant dans une petite école d’une petite ville de Gironde.
L’horreur qui a frappé Samuel Paty bouleverse ma conscience professionnelle. C’était un inconnu, mais c’était un collègue. Un collègue qui a mon plus profond respect, ma plus grande admiration pour ce qu’il a entrepris avec ses élèves en abordant le sujet de la liberté d’expression. En tuant (ne parlons même pas de décapitation) cet enseignant respectable dans sa haute mission éducative, que vous le vouliez ou non, le terroriste a fait considérablement trembler l’Ecole laïque. Nous savons qu’un ou plusieurs tremblements engendrent souvent l’effondrement.
Attentat terroriste contre un illustre représentant de l’école. Attentat contre la liberté d’expression, contre la laïcité. Mais notre école ouvre-t-elle tant à l’expression libre, est-elle si laïque que cela ? Je m’interroge depuis longtemps.
Depuis ma première année d’enseignement, lorsqu’en début de mois, je demande à mes élèves de regarder leur calendrier scolaire, et plus précisément le mois en cours, je suis toujours très embarrassé de leur dire que ce lundi-là, cet autre lundi-là et ce jeudi-là, l’école sera fermée parce qu’il s’agit d’un jour de « commémoration chrétienne ». La religion, chrétienne en l’occurrence, pénètre nos écoles, au point de les faire fermer à clé et de mettre les enfants dehors. La laïcité s’interrompt, place à la sphère chrétienne.
Comment expliquer aux enfants de confession musulmane que leur religion – qui en France regroupe le plus de pratiquants après les chrétiens – n’a aucun pouvoir similaire ? Comment oser exiger de leurs parents qu’ils justifient l’absence de leurs enfants si, un jour de fête musulmane, ils ne les ont pas envoyés à l’école ? Pensez-vous que ces parents eux-mêmes acceptent facilement ce protocole scolaire qui n’a rien de laïc ?
Tant que cette situation perdurera, nous ne pourrons prétendre que notre école soit laïque.
J’ai une proposition à vous faire, Monsieur le Président. Conservez au calendrier ces jours fériés, pour l’économie touristique entre autres, mais aussi pour le plus grand plaisir des enfants de pouvoir vivre dans une semaine travaillée un jour exceptionnel de pause méritée. Mais, parallèlement à leur signification chrétienne qui ne regarde que leurs sympathisants, faisons de ces mêmes jours une commémoration nationale autour de grandes valeurs de la République : journée fériée pour commémorer la Laïcité (je m’autorise ici l’emploi de la majuscule), une autre pour la Liberté d’Expression, une autre encore pour le Respect Inter-Humains. Je vous laisse le choix des intitulés.
Oui, j’apprécierais au plus haut point de pouvoir dire à mes élèves que le lundi à venir, l’école sera fermée au nom de cette valeur immensément belle qu’est la Laïcité, ou la Liberté d’Expression…
Si tous les signes religieux doivent rester hors de l’espace scolaire, si vous souhaitez que les voiles et autres signes ostentatoires ne pénètrent pas et ne piétinent plus notre système scolaire, alors transformez le prétexte à ces jours fériés.
D’avance, je vous remercie pour l’attention que vous aurez prêtée à la lecture de ma lettre.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes respectueuses salutations.

Des discours…des hommages…on sait faire ! Mais agir ? « Faire bloc »… je suggère que :
1). Début novembre, à la rentrée des vacances, tous les profs d’histoire-géographie de France s’accordent pour, le même jour, parler de la liberté d’expression à leurs élèves en leur montrant, entre autres, ces « fameuses » caricatures !
2). Tous les musulmans de France descendent dans la rue pour crier « ce n’est pas l’Islam ! »
Parce que rien ne changera vraiment et que les français ont besoin de se sentir « appartenir » à une unité qu’on appelle France, République, etc.
Pouvez-vous faire passer le message ?