Guerre en Ukraine, ou la dernière ligne droite de la campagne présidentielle et la situation en Corse. L’actualité est très dense ces derniers jours sur Franceinfo et elles nécessitent des décisions éditoriales. Comment est-ce que nous les prenons, c’est ce qu’on va vous expliquer dans le rendez-vous de la médiatrice des antennes de Radio France avec Emmanuelle Daviet. Pour répondre aux questions des auditeurs, le directeur adjoint de la rédaction de Franceinfo Matthieu Mondoloni.
Emmanuelle Daviet : Beaucoup de messages sur la guerre en Ukraine. Les auditeurs saluent la couverture remarquable de Franceinfo et des envoyés spéciaux. D’autres auditeurs nous disent qu’ils comprennent la nécessité absolue de traiter cette actualité, en regrettant toutefois qu’elle écrase, selon eux, le reste des informations et en particulier la campagne présidentielle. Trouvez-vous cette remarque justifiée ? Et comment se déroule l’arbitrage pour traiter davantage une information qu’une autre ?
Matthieu Mondoloni : C’est justifié. Évidemment, quand il y a un événement qui se précipite, la guerre en Ukraine a été quelque chose d’inédit, d’incroyable, de très fort, de très inquiétant et de très anxiogène. On ne va pas y revenir. Nous avons été en édition spéciale effectivement pendant plusieurs heures, pendant plusieurs jours même, sur l’antenne de Franceinfo, car il s’agissait d’être au rendez-vous de cet événement encore une fois. Et on a des journalistes remarquables, des techniciens qui sont sur le terrain depuis. On fait vivre effectivement ce conflit d’une manière surdimensionnée, mais parce que ça le vaut, je le répète. Le reste passe au second plan et c’est parfois toute la difficulté qui est la nôtre d’ailleurs, de redescendre un peu quand les événements le permettent. Mais on sait qu’il y a eu des bombardements réguliers, il y a encore là récemment, il y a un théâtre à Marioupol qui a été visé avec des civils à l’intérieur. Donc cette intensité, elle revient assez régulièrement. Donc évidemment que ça chasse un petit peu les autres actualités. Néanmoins, on essaye de les garder. D’ailleurs, on suit les débats de la présidentielle, mais eux-mêmes sont gommés, non pas par Franceinfo, mais par les candidats eux mêmes qui se sentent happés par cet événement. Et on le voit dans le débat électoral et dans le débat de campagne. Donc, on est à la fois à l’image de la société, si j’ose dire. On reflète aussi ce qui s’y passe. Donc, il y a un peu moins d’autres sujets. Néanmoins, on les intègre toujours, notamment dans les journaux, dans les demies heures d’actualité que vous pouvez entendre sur l’antenne. On garde notre diversité.
Emmanuelle Daviet : On poursuit avec un message sur la prononciation du nom de la capitale ukrainienne. Beaucoup de messages ressemblent à celui ci. « J’entends de nombreux journalistes dire Kiev, mais les Ukrainiens ont demandé que l’on dise Kyiv et non Kiev, Kiev est le nom donné par la Russie historiquement, Kyiv est le nom des Ukrainiens. Je pense que la résistance passe aussi par la langue et le langage. » Alors à Franceinfo, vous avez fait un arbitrage, Matthieu Mondoloni. Quel est-il ?
Matthieu Mondoloni : Déjà, je rappelle que Kiev à la française, « Kiev », il n’y a pas que les Russes. Évidemment que ça vient du Russe et que les gens qui parlent russe en Ukraine sont aussi nombreux qu’il y a des proximités linguistiques entre les deux. Mais que en France, on dit Kiev et le Quai d’Orsay, dit Kiev et qu’on continue à le dire. Après, on n’avait pas de problème du tout avec Kyiv et au contraire d’ailleurs. Vous pouvez l’entendre, chers auditeurs, sur l’antenne de Franceinfo, on explique pourquoi. Parce qu’il y a beaucoup de gens qui ne savent pas ce que c’est si on dit Kyiv, on explique, on le dit. En revanche, on n’a pas choisi d’utiliser uniquement ce mot en ukrainien, tout simplement parce qu’effectivement, et l’auditeur le rappelait fort justement, c’est un signe de résistance et que nous ne sommes pas nous en résistance. Nous sommes des journalistes et je le rappelle, même si parfois ça peut choquer, mais dans une position de totale neutralité, d’objectivité au regard de ce conflit, on dit la vérité, voilà, c’est ce qui fait notre crédibilité. On dit Kiev, on explique pourquoi on peut dire Kyiv, mais on ne prend pas parti.
Emmanuelle Daviet : En début de semaine, nous avons reçu des messages au sujet d’Yvan Colonna, messages qui allaient tous dans le même sens. Voici ce qu’écrit un auditeur « Je suis surpris qu’Yvan Colonna soit régulièrement présenté comme leader indépendantiste ou qualifié de militant nationaliste. Cela donne l’impression qu’il est incarcéré comme un prisonnier politique. Or, il est en prison pour l’assassinat d’un préfet de la République ». Matthieu Mondoloni, cette remarque vous paraît-elle fondée ?
Matthieu Mondoloni : Mais alors là aussi, peut être qu’on a pu employer uniquement parfois le terme de militant nationaliste leader ? Je ne pense pas. En fait, il n’y a pas de leader, d’ailleurs, c’est quelqu’un qui est emprisonné parce que c’est un assassin. Il a été jugé trois fois, on le rappelle en première instance, en appel, en cassation, condamné systématiquement pour l’assassinat du préfet Claude Erignac. On a précisé beaucoup de fois je l’ai entendu moi-même d’ailleurs à l’antenne, « l’assassin du préfet Erignac, Yvan Colonna », « l’assassin du préfet Erignac », « le militant nationaliste ». Mais après, c’est toujours pareil. En tant que journaliste, on cherche parfois aussi à pouvoir diversifier la façon dont on présente les gens. Et en l’occurrence, c’est aussi un militant nationaliste. J’entends la remarque des auditeurs et j’entends ce qui peut choquer. Mais là encore, on est dans une position d’objectivité et on donne et on définit une personne par rapport à ce qu’elle est. Elle est à la fois l’assassin du préfet Erignac. Elle est à la fois un militant nationaliste. Elle est à la fois un homme qui est en prison et qui, aujourd’hui, est dans le coma.