Le Festival de Cannes a débuté cette semaine et les auditeurs nous écrivent sur son traitement éditorial ainsi que sur le cinéma en général sur l’antenne de Franceinfo.
Matteu Maestracci, spécialiste cinéma, répond au micro Emmanuelle Daviet :
Emmanuelle Daviet : On commence avec une question sur le film qui a fait mardi l’ouverture du Festival de Cannes, « Jeanne du Barry ». Des auditeurs nous écrivent car ils s’étonnent que le film de Maïwenn bénéficie d’une telle médiatisation. Voici un message : « Je ne comprends pas que vous parliez autant de Maïwenn après qu’elle ait agressé un journaliste et qu’elle en rit sur un plateau de télévision et son tournage avec Johnny Depp au moment où la lutte des violences faites aux femmes prend une telle ampleur. » Comprenez-vous ces réactions ? Et que répondez-vous aux auditeurs ?
Matteu Maestracci : Ecoutez, si je voulais être un peu ironique, je demanderais à cette personne si elle a bien écouté l’antenne de Franceinfo, puisque c’est celle qui me concerne, le jour de l’ouverture du festival, puisqu’on a parlé effectivement dans la journée à plusieurs reprises et du film et évidemment de la polémique. D’ailleurs, si je reprends cette question, en tout cas les termes de cette question, c’est « pourquoi vous en parlez alors qu’elle a agressé le journaliste Edwy Plenel ? ». Mais justement parce qu’elle a agressé le journaliste Edwy Plenel et qu’une plainte est déposée et que c’est rendu public, il faut qu’on en parle parce que c’est un événement en soi. C’est quelque chose qui n’est pas anodin. Le procès de Johnny Depp contre son ex-compagne Amber Heard était un événement d’actualité dont nous avons parlé. L’ouverture du Festival de Cannes, c’est un événement et le fait évidemment, là c’est la conjonction de deux actualités, le fait que le Festival de Cannes ouvre officiellement avec « Jeanne du Barry », projeté hors compétition avec Maïwenn, film dans lequel joue Johnny Depp, avec tout ce que ça convoque de sulfureux, voire de contestable, de la part d’associations féministes notamment, mais pas seulement, avec une pensée pour les victimes de violences conjugales. Tout cela fait qu’on ne pouvait évidemment pas ne pas parler du film parce que, à la fois, c’est un film, donc on en parle comme comme œuvre, comme objet culturel. On en parle parce que ça fait un événement, parce que ça ouvre le Festival de Cannes et on en parle, parce que ça convoque aussi beaucoup d’autres choses à la croisée d’autres actualités, comme celle des violences faites aux femmes. Donc, sur Franceinfo, on a choisi de parler de tout. C’était peut être trop, c’était peut être pas assez, mais en tout cas, on a rien occulté.
Emmanuelle Daviet : En tant que spécialiste cinéma, plus généralement, selon quels critères choisissez-vous de parler d’un film à l’antenne ? Parce qu’il mérite d’être vu ou au contraire, parce qu’il vaut mieux l’éviter ?
Matteu Maestracci : On fonctionne sur le Festival de Cannes avec mon collègue Thierry Fiorile et sous l’autorité de la rédaction de Franceinfo. On fonctionne finalement au Festival de Cannes comme on fonctionne pendant l’année, c’est à dire qu’on regarde le programme en amont, on se dit tiens, tel mercredi sortent quinze films. Il y en a cinq qui nous intéressent, on va les voir et puis on va dire à l’antenne ce qu’on en a pensé. On va conseiller aux gens ce qu’on a aimé. On va aller interviewer les artistes, soit qui réalisent, soit qui jouent dans les films qu’on a aimés. Et puis on va parfois dire aussi ceux qu’on a moins aimé. Il peut arriver que des films soient très attendus. On va les voir. Et si on ne les a pas aimé, ça a été le cas du dernier Astérix récemment. On le dit à l’antenne, on essaie toujours de faire ça de manière informative, de ne pas se faire plaisir ou d’assassiner des films gratuitement. Mais on préfère quand même donner, par définition, de la place à l’antenne aux films qu’on a aimés. Donc, dans le cadre du Festival de Cannes, on parle beaucoup des films en compétition parce que c’est la sélection la plus importante et c’est celle qui finit sur un palmarès. Et on parle aussi des autres événements que sont Indiana Jones 5, le film de Martin Scorsese, et j’en passe, parce qu’effectivement, on sait que ça va faire l’événement. Et à l’inverse, comme ça fait l’événement, on se dit qu’on doit en parler.
Emmanuelle Daviet : Vous citez des films grand public, dans vos choix éditoriaux y a-t-il justement un équilibre entre ces films grand public et des films plus indépendants ou d’auteurs ?
Matteu Maestracci : Alors, toute l’année, à Franceinfo et au Festival de Cannes, encore une fois, on essaie d’avoir la même politique assez cohérente. C’est à dire que quand un nouvel Astérix sort, quand les Trois Mousquetaires sortent au cinéma, ce sont des événements parce que ce sont des films qui sont attendus. Ce sont des films dont on va parler, ce sont des films à gros budget avec des acteurs connus. Donc il y a aussi un phénomène populaire et culturel. Donc ces films-là, on va les évoquer. On va d’ailleurs davantage les évoquer lors de la sortie le mercredi. Et puis on a une chronique avec Thierry Fiorile le samedi sur Franceinfo, où on a un peu de temps pour parler des sorties de la semaine. Et là, effectivement, on va essayer de mélanger les choses grand public, les films américains et les films européens, les films français et les films internationaux d’autres régions. On essaye vraiment de panacher. Mais notre philosophie, c’est quand même d’essayer de mettre en avant des films qui ne bénéficient pas par ailleurs d’une énorme campagne de promotion. Parce qu’on se dit que si on les a aimés, ils ont besoin aussi qu’on les mettent en avant.
Emmanuelle Daviet : Les auditeurs entendent parfois sur l’antenne « c’est un film Franceinfo ». Certains souhaiteraient savoir comment un film ou un documentaire d’ailleurs devient un film Franceinfo ?
Matteu Maestracci : Alors il faut savoir que nous journalistes cinéma, la plupart du temps, et c’est le cas à Franceinfo, on voit des œuvres en amont pour pouvoir justement mieux les préparer et mieux en parler au moment de la sortie, avec des interviews ou pas qui enrichissent ce propos. Les films, on essaye de les voir parfois un mois, parfois deux mois avant. Et parfois les distributeurs des films et les compagnies de distribution cherchent des partenariats dans les médias. Donc ils montrent certains de leurs films qu’ils jugent conformes à cette démarche à certains médias, ils vont montrer à nous évidemment, mais aussi à France Inter aussi, à des médias privés également, en disant « est-ce que ça peut vous intéresser ? ». Et nous, on a une politique sur Franceinfo, c’est que nous sommes partenaires de films qui parlent d’actualité. A Franceinfo, c’est notre cœur de métier, donc qui parlent d’actualité du moment : actualité sociale, actualité par exemple des migrants ou autres ou qui portent sur un fait historique majeur, comme par exemple la guerre d’Algérie, pour citer des films documentaires récents. On les voit en amont. Une personne à Franceinfo, qui travaille typiquement sur les partenariats, les voit aussi. Nous échangeons ensemble. Et si un film nous plaît, on essaye suffisamment en amont de dire oui, on veut être partenaire et donc à l’arrivée, on sera partenaire du film. Ça n’implique aucun échange financier, je tiens à le préciser, mais on va parler d’un film et en retour, l’équipe du film va nous donner le réalisateur ou l’acteur principal du film pour en parler en invité dans la matinale ou dans la journée sur Franceinfo. C’est un échange de bons et loyaux services, un échange de procédés.