Adèle Van Reeth, directrice de France Inter, répond aux questions des auditeurs au micro d’Emmanuelle Daviet.

Emmanuelle Daviet : Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter. Nous évoquerons le nouveau format de la matinale, la grille du week-end avec notamment la Main verte, les rediffusions du Masque et la plume et le Grand dimanche soir. Nous parlerons aussi de l’émission quotidienne à 17h « Jusqu’ici tout va bien »

Ce mois de septembre c’était en quelque sorte la rampe de lancement de votre grille de programme avec beaucoup de nouveautés. Diriez-vous que la rentrée s’est déroulée comme vous le souhaitiez ?

Adèle Van Reeth : En tout cas, c’était une très bonne rentrée qui s’est déroulée dans une avec une très bonne énergie, je dirais même un enthousiasme et parfois même une ferveur qui s’entend, je crois, à l’antenne et ça fait un bien fou.

Emmanuelle Daviet : Quelle est la promesse éditoriale de France Inter ?

Adèle Van Reeth : Vous imaginez bien que pour répondre à cette question, il faudrait toute une journée quasiment. Je sais qu’on a plein de questions, donc je vais aller le faire vite. La promesse de France Inter en amont, c’est de créer un espace commun, un lieu qui rassemble. Ce qui ne veut pas dire que toutes les personnes qui nous écoutent se ressemblent, au contraire. Mais c’est une radio qui parle à tout le monde, y compris à ceux qui nous écoutent pour la première fois et qui trouveront du contenu pour chacun, que ce soit en direct, en podcast, sur les réseaux sociaux. France Inter est un lieu où vous pouvez vous informer, vous cultiver, écouter les idées qui fusent, qui débattent, qui se contredisent, mais où On sait en rire. La minute d’après, où on se met à fredonner avec la chanson qui passe. On peut être estomaqué autant par une parole politique inattendue que par un reportage de la rédaction exceptionnel ou par un concert exclusif auquel d’ailleurs vous pourrez assister en chair et en os. Bref, France Inter est un compagnon, un allié de confiance, indispensable tant à la vie quotidienne qu’à la vie démocratique.

Premier grand changement de la grille : la matinale

Emmanuelle Daviet : Premier grand changement de la grille: la matinale…La matinale dure désormais 3 heures. Pourquoi ce choix, pourquoi l’avoir rallongée d’une heure demandent des auditeurs ?

Adèle Van Reeth : Eh bien, précisément parce que, comme je le disais juste avant la radio, et sans doute de tous les médias, celui qui est le plus proche du quotidien des Français. Et donc quand celui ci évolue bien, nous aussi, on doit évoluer et nous adapter aux changements d’habitudes des auditeurs. En clair, depuis qu’on n’écoute plus seulement la radio avec un transistor, je ne sais pas ce qu’est un transistor chez vous. On écoute la radio, souvent avec le téléphone et le téléphone, ça se met dans la poche. Donc ça veut dire qu’on n’éteint plus la radio en quittant son domicile, en partant en travail ou déposer les enfants à l’école. Cela veut dire donc qu’on peut écouter plus longtemps la radio et plus longtemps la matinale. Par ailleurs, la matinale étant un lieu très puissant en radio, on a fait en sorte de l’investir davantage, qu’elle devienne une sorte de condensé de ce qu’on peut entendre sur l’antenne le reste de la journée, le reste de la semaine, avec de l’information, de la culture, de l’humour, de la critique, de la musique, des découvertes, etc…En 3h, on a vraiment un aperçu de ce à quoi ressemble France Inter.

Emmanuelle Daviet : Des auditeurs ont écrit pour nous dire qu’ils souhaiteraient à partir de 9h00, je cite  » une respiration » , « retrouver de vraies émissions culturelles ». A 9h, écrit un auditeur  » on a envie de déconnecter de l’actualité et ne plus entendre ces voix qui sont marquées par le stress de l’info, l’économie et la politique. »
Que répondez-vous à ces auditeurs Adèle Van Reeth ?

Adèle Van Reeth : Je tiens beaucoup à ce nouvel espace de débat parce que j’ai insisté sur le fait que la radio était un allié du quotidien, mais qui était aussi très important à la vie, à l’espace démocratique. En fait, l’espace, le débat, le rendez vous débat, ce n’est pas une manière de répéter ce qui a déjà été dit avant. On entend beaucoup l’expression de fatigue informationnelle. Ça ne veut pas dire que les gens ne veulent plus s’informer. Ça veut dire qu’il y a une sorte de lassitude qui se crée par l’effet de gavage. Quand on répète trop la même information en permanence, ce n’est pas du tout ce que fait le débat. Au contraire, le débat est un moment où on va prendre de la hauteur, un peu de recul justement, avoir le temps d’argumenter et d’échanger une opinion, une idée avec quelqu’un qui n’est pas forcément d’accord et donc c’est plus un moment de retrait pour pouvoir mieux observer l’actualité de la semaine que de l’information brûlante et répétitive. Donc, en ce sens, je ne crois pas que ce soit quelque chose qui vient accentuer la fatigue informationnelle. Au contraire.

Emmanuelle Daviet : Au sujet de la matinale : des auditeurs regrettent la disparition de l’interview de 9h10 dans laquelle Sonia Devillers donnait la parole à des invités méconnus, « souvent des invisibles » éloigné du monde du spectacle. »Malheureusement, nous dit un auditeur, vous l’avez rangée dans la case « politique », mais sachez que c’est un rayon qui n’intéresse pas forcément tout le monde». Que vous inspirent ces messages Adèle Van Reeth ?

Adèle Van Reeth : Cet auditeur a raison et en même temps, le 7h50 n’est pas une case politique. Certes, il y a des acteurs du monde politique dans le 7h50, mais aussi encore plus dans le 8h20. Et les invisibles, les anonymes ? Je crois que c’est l’expression. Les expressions qui sont employées ont toujours leur place. 7h50 En fait, pour que les choses soient claires, l’idée est pas que que le 7h50 formaté. Ce que fait Sonia, c’est plutôt l’inverse. Le 7H50 va devenir ce que fait Sonia, ce qu’est Sonia. Donc si justement ses auditeurs apprécient, Sonia la regrette à 9h10, elle est là, cette fois ci à 7h50, avec toujours sa manière de faire et son même sens de la de la justesse dans le choix de ses interlocuteurs.

La Matinale du Week-End

Emmanuelle Daviet : Un mot sur la matinale de la fin de la semaine avec Ali Baddou et Marion Lhour: un duo et une formule de trois jours appréciés par les auditeurs… l’un d’entre eux écrit aux deux journalistes: « Je veux vous féliciter pour la transition réussie de l’animation du 6-9 du week-end : il n’est jamais facile de reprendre une émission à succès … Donc bravo à vous ! » Adèle Van Reeth, un mot sur cette nouvelles formule ?

Adèle Van Reeth : Je suis très heureux de cette nouvelle formule avec ce duo inattendu, ce duo assez inattendu qui fonctionne très bien. Sans doute parce que Ali Baddou et Marions sont connus des auditeurs, mais on les entend dans un exercice différent. Et puis, le fait d’arriver dès le vendredi permet de construire une matinale qui s’inscrit dans la durée, sur trois jours. Et ça, ça leur permet de se déployer.

Christelle Rebière : d’autres remarques d’auditeurs sur la matinale du week-end ?

Emmanuelle Daviet : Oui, les chroniques d’Alain Baraton ont changé d’horaire. Le jardinier en chef du château de Versailles intervient désormais plus tôt, à 7h20 au lieu de 7h40 et sa chronique est plus courte. Quelles explications peut-on apporter aux auditeurs pas vraiment ravis de ces changements ?

Adèle Van Reeth : La formule de la matinale évolue. Ça, on le dit depuis un moment, donc c’est logique de faire évoluer aussi des rendez vous qui existent depuis longtemps. Je précise que « La Main Verte » d’Alain Baraton a gagné une minute supplémentaire depuis la rentrée. Et c’est aussi l’occasion, quand on change de matinale, d’accueillir des nouvelles chroniques celle de Ludovic Vigogne sur l’économie Gallagher Fenwick avec les enjeux géopolitiques, Nadia Daam sur la parentalité, Charles Pépin autour de la philosophie, voilà autant de nouvelles chroniques. On est très heureux d’accueillir aussi.

« Le Masque et la plume »

Christelle Rebière : Un sujet d’incompréhension pour les auditeurs: la multidiffusion du Masque et la Plume

Emmanuelle Daviet : Oui « Le Masque et la Plume” est désormais diffusée le dimanche à 10h00, puis 20h00 et à 01h00 du matin. Ces rediffusions laissent les auditeurs perplexes. Ils estiment que ces multiples passages sont contraires à l’importance qu’ils accordaient à ce rendez-vous du dimanche soir, qui a historiquement fidélisé un très large public. Certains s’interrogent sur les raisons de cette multidiffusion. Ils se demandent si elle est motivée par des considérations économiques, Adèle Van Reeth ?

Adèle Van Reeth : Vous savez, depuis quand existe le Masque et la Plume ? Depuis 1955. C’est donc avant même l’existence de France Inter dont on va fêter les 60 ans bientôt. Et il est historiquement ce rendez vous à 20h. L’idée était de faire en sorte que cette émission culte, phare et vraiment indissociable de l’ADN d’Inter, que Le Masque et la plume, a bien pu rencontrer un nouveau public. Presque. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il y a des gens qui ne connaissent pas le Masque et la plume ou qui ne l’écoute jamais en direct n’ont pas le réflexe de l’écouter en podcast. En le diffusant à 10 h du matin, on touche trois fois plus de personnes avec Le Masque et la plume. Donc l’idée est plutôt de faire en sorte de toucher un public qui n’est pas encore un auditeur fidèle du Masque et la Plume.

Le Grand dimanche soir

Emmanuelle Daviet : Une autre émission du week-end a suscité de nombreuses réaction.
En cette rentrée de nombreux auditeurs ont partagé leur enthousiasme pour la nouvelle émission « Le Grand dimanche soir » de 18 à 20 heures. , « une source de joie le dimanche soir ». Mais il y a aussi des critiques sur le passage en hebdomadaire et des auditeurs regrettent l’atmosphère feutrée du studio à laquelle ils étaient habitués. Adèle van Reeth, vous avez été destinataire de nombreux messages, que répondez-vous aux inconditionnels de Charline ?

Adèle Van Reeth : Les inconditionnels de Charline savent qu’ils peuvent la retrouver sur l’antenne à trois reprises cette année : pour la chronique dans la matinale le jeudi matin, le samedi soir à 19h20, pour « Bistroscopie » où elle reçoit dans un café un invité souvent inattendu. D’ailleurs, vous avez peut-être entendu cette semaine la bande annonce pour son invité de samedi, José Bové. Ça s’annonce assez musclé. Et bien sûr, « Le grand dimanche soir », vous avez entendu l’ambiance qu’ils mettent dans le studio 104 de la Maison de la radio en public, avec des applaudissements, des rires, un concert. Le pari du dimanche soir est réussi haut la main.

Emmanuelle Daviet : Donc ça correspond à ce que vous souhaitiez ?

Adèle Van Reeth : Vous vous souvenez de cette émission « Remède à la mélancolie d’Eva Bester », qu’on entend désormais le soir à 20h, quel meilleur remède à la mélancolie du dimanche soir que cette émission spectacle de deux heures qui s’offre à tous les auditeurs ? Et je précise en plus que la bande de Charline se déplace et que vous pouvez les retrouver à Bordeaux ce dimanche.

Jusqu’ ici tout va bien

Emmanuelle Daviet : « Jusqu’ici tout va bien », c’est la nouvelle émission chaque jour à 17h. Au micro Marie Misset, Maia Mazaurette et Marine Bahousson. A la lecture des messages des auditeurs, on voit bien que tout changement de proposition dans les habitudes du public est souvent perçu comme un profond bouleversement. Leur grand regret est de ne plus avoir une parenthèse de légèreté, une émission qui serait une bouffée d’oxygène après leur journée de travail. Adèle Van Reeth : Quelle est la feuille de route de l’émission ?

Adèle Van Reeth : L’idée, c’est de donner la parole à des personnes qui viennent défendre une vision du monde, des personnes qui mouillent leur chemise, que ce soit par les faits, dans un livre, par des actions concrètes ou théoriques. En fait, l’idée, c’est d’entendre ces personnes qui veulent changer quelque chose dans une atmosphère détendue, joyeuse. Vous l’avez entendu, c’est quand même une atmosphère extrêmement décontractée qui ne vise pas, ce n’est pas une émission d’humour, donc la promesse est différente de l’émission précédente, mais elles ne s’interdisent pas non plus la provocation. Je pense notamment à la séquence de « la question qui fâche », où elles reçoivent chaque jour un invité et qui passe sur le grill pour essayer de questionner peut être ses présupposés. Et parfois, il se passe des choses vraiment inattendues, qui peuvent même créer une sorte de malaise. Mais il se passe quelque chose. C’est une émission, où il va se passer quelque chose. C’est une nouvelle émission. Une émission ne s’installe pas en une semaine, ni même en deux semaines. C’est du temps long. Donc cette émission va se déployer progressivement. Elle rencontre déjà ses auditeurs et elle s’adresse à ceux qui ont envie d’être surpris, qui ont envie d’être bousculés. Et je sais que c’est le cas des auditeurs d’Inter.

les P’tits bateaux

Christelle Rebière : On poursuit avec une question sur les P’tits bateaux

Emmanuelle Daviet : Adèle Van Reeth, interro surprise ! Est-ce que Louis XIV mangeait des frites ?

Adèle Van Reeth : Mais je veux pas spoiler. Je ne veux pas le dire parce que c’est une vraie question.

Christelle Rebière : Et la réponse est beaucoup plus compliquée ! Je l’ai entendue !

Emmanuelle Daviet : Vous écouterez ce qu’en dit un historien. …Au sujet des P’tis bateaux une auditrice nous écrit :  » Un grand merci pour vos émissions. C’est toujours un plaisir d’écouter les questions par les enfants et d’en apprendre un peu plus, désormais chaque jour. Mais, nous dit cette auditrice, les réponses me paraissent souvent très difficiles à suivre pour un enfant de 5 ans. Avec Cynthia Fleury pour la question « A quoi ca sert de vivre ? » j’avais davantage l’impression d’écouter France Culture qu’une émission pour enfants. Avec Nabila Aganime sur les étoiles, le début est très pédagogique, mais rapidement, cela ressemble à un cours de lycée, elle évoque l’hydrogène, l’hélium, les atomes, les molécules, sans vraiment expliquer ce que c’est pour un enfant qui entendrait ces mots pour la première fois. » D’où la question de cette auditrice : « à partir de quel âge les enfants peuvent-ils écouter » Les P’tits bateaux ? »?

Adèle Van Reeth : « Les p’tits bateaux » c’était un format familial. Ça s’adresse vraiment à ceux qui, désormais tous les soirs, et je trouve que ça fonctionne très bien en version quotidienne, vont à 20h aller se brosser les dents avant d’aller au lit. Et c’est généralement une activité qu’on fait soit avec ses frères et sœurs, soit avec ses parents. Ça dure trois minutes, le temps d’un brossage de dents. Ça, Camille Crosnier le sait très bien. Et donc une question est posée et la réponse est apportée par un spécialiste qui, certes, peut employer des mots qui ne sont pas forcément connus par l’enfant. Mais c’est l’occasion aussi d’en parler, de poser cette question là, d’apprendre quelque chose. On est vraiment entre le moment très agréable de radio, le timing de brossage de dents et l’apprentissage. C’est à ça aussi que sert France Inter. Et je précise aussi que ça fonctionne très bien en podcast. Pensez aux longs trajets en voiture et bien là, pour le coup en écouter beaucoup à la suite. Donc c’est un contenu court mais très dense et c’est ça qui en fait le succès.