Depuis le 28 août 2023, Jérôme Chapuis a rejoint franceinfo.. Il est au micro d’Emmanuelle Daviet.
Emmanuelle Daviet : Un auditeur souhaiterait savoir quelles sont vos principales responsabilités en tant que présentateur de la matinale dans une chaîne d’info en continu.
Jérôme Chapuis : Alors la première responsabilité, c’est d’avoir en direct une parole qui soit ajustée, qu’on soit systématiquement dans la bonne posture, notamment dans les interviews. Mais pas seulement. Et puis, il y a une autre responsabilité, mais qui est plus collective. Celle-ci, c’est de préparer en amont, et notamment dans la phase qui précède vraiment l’antenne, c’est à dire dans les deux ou trois dernières heures avant l’antenne avec l’ensemble de l’équipe, les différents contenus. Dans notre jargon, un peu comme au cinéma, on dit qu’on a le « final cut », la dernière coupure sur un travail qui a été préparé souvent avec 24h d’avance. On a des conférences de rédaction régulièrement. On prévoit en général avec plusieurs heures d’avance et même une journée d’avance, les sujets qui vont passer dans la matinale. Mais nous, jusqu’au dernier moment, en fonction de l’évolution de l’actualité, on peut le modifier. Et ça, c’est aussi une responsabilité qui incombe.
Emmanuelle Daviet : Et ça suppose que vous arriviez à quelle heure à la rédaction ?
Jérôme Chapuis : Alors pour ma part, en ce moment, j’arrive vers 2h et demie, 3h du matin et de toute façon, il y a un impondérable. C’est qu’à 4h10 précisément, l’équipe de la matinale se retrouve pour une conférence de rédaction dans laquelle on fixe ce qu’on appelle nos dominantes de l’actualité : qu’est-ce qu’on doit faire ressortir dans notre hiérarchie de l’information ? Et puis ensuite, on remplit les journaux avec l’ensemble de l’équipe de la matinale et les rédacteurs en chef qui sont chargés de superviser.
Emmanuelle Daviet : On poursuit avec cette question d’un auditeur : « Comment gérez vous le défi de rester informé sur une variété de sujets pour offrir aux auditeurs une couverture complète et équilibrée de l’information ? »
Jérôme Chapuis : Quand on est journaliste, on s’intéresse à tout et on s’intéresse d’abord à ce qu’on ne sait pas. Cela pourrait être l’une des définitions d’ailleurs du journalisme. On s’intéresse à ce qu’on ne connaît pas et à ce qui est en train de se passer. Et donc, c’est d’abord une question de passion. C’est à dire que moi, quand j’ai décidé de devenir journaliste, c’était d’abord parce que j’avais une passion pour l’événement, pour ce qui était en train de se passer. Donc, d’une certaine manière, c’est naturel. Après, on est comme tout le monde, peut-être même plus encore que tout le monde. On peut être sujet à ce qu’on appelle, vous savez, la fatigue informationnelle. Donc, de temps en temps, il faut de manière un peu plus volontariste, aller lire les journaux. Mais ce qui est sûr, c’est que l’une des premières choses qu’on fait en arrivant, c’est de remonter le fil des dépêches, c’est de regarder la presse du matin qui sort la veille au soir. Et puis dans la journée, moi je fais une petite sieste le matin, je vais lire le journal Le Monde en début pour regarder quels sont les choix de nos confrères. Il y a un travail de veille permanente, mais il y a quelque chose aussi qui est très important, c’est que vous savez, le journalisme, c’est un sport collectif. Et donc si moi, il y a quelque chose que je n’ai pas vu, il y aura toujours quelqu’un à la rédaction qui sera là pour mettre le doigt sur l’événement à côté duquel j’aurais pu éventuellement passer.
Emmanuelle Daviet : Un auditeur qui, manifestement, connaît bien votre parcours écrit. « Vous avez exercé dans des médias privés, en radio, en presse écrite. Vous êtes à présent dans un média public. Selon vous, qu’est-ce qui distingue l’exercice du métier de journaliste entre un média privé et un média public ? »
Jérôme Chapuis : La première des choses qu’on peut dire, c’est qu’on a beaucoup de chance en France d’avoir un écosystème dans lequel il y a des médias privés et un service public fort. Et c’est très important qu’on ait ce pluralisme. C’est la première des choses. Ensuite, il y a une responsabilité particulière, sans doute, qui incombe aux journalistes de service public. Et c’est vrai que quand on arrive ici à Radio France, il y a quelque chose d’assez impressionnant cette grande Maison avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de journalistes, de professionnels de la radio, cette histoire aussi, parce que ça fait plus de 60 ans qu’elle existe maintenant, 60 ans tout juste et on a cette responsabilité particulière d’être à la bonne distance, de faire parler tout le monde. Et quand je dis à la bonne distance, je pense que là aussi, c’est peut être une des définitions du journalisme, c’est d’être capable de mettre les événements à la bonne distance, de toujours bien les hiérarchiser et de donner vraiment donner la parole à tout le monde.
Emmanuelle Daviet : Jérôme Chapuis sur Franceinfo la star, c’est l’info. Comment envisagez-vous de mettre en place votre propre style et votre approche éditoriale dans la matinale ?
Jérôme Chapuis : Je crois que ça doit se faire très naturellement. C’est à dire qu’au départ, on est dans un collectif avec une mécanique qui est très bien huilée : FranceInfo. Mais évidemment, moi, je parle de là où je suis. Ma conception de journalisme, c’est d’être à la bonne distance et c’est d’être un contradicteur éclairé au sens où on vient avec ce que l’on sait, mais aussi avec ce qu’on ne sait pas forcément. On vient pour apprendre des choses à l’auditeur, pour apprendre nous-mêmes des choses sur des situations qui sont en train de se dérouler. Donc il y a une forme d’humilité qu’il faut avoir et en même temps, il faut incarner l’information. Il faut y mettre un peu de soi.
Emmanuelle Daviet : On termine avec ce message d’une auditrice qui souhaiterait savoir ce qui vous a le plus étonné depuis votre arrivée à Franceinfo, qui est une grande rédaction avec une mécanique très précise.
Jérôme Chapuis : C’est exactement ça. C’est la mécanique qui est extraordinaire. C’est à dire que c’est une radio qui, depuis 37 ans, il y a quelque chose qui est de l’ordre de l’horlogerie. Je disais sport collectif pour désigner le journalisme en général, mais là, c’est très, très, très. Chacun sait exactement où il doit être. Chacun sait exactement ce qu’il a à faire. Oui, ça fait maintenant quelques jours que je suis aux commandes de cette matinale, plusieurs matinales et j’ai tout de suite vu qui devait faire quoi. Tout ça a été réglé parfaitement. C’est extrêmement rigoureux et là encore, c’est un petit peu impressionnant quand même quand on arrive. Mais ça a quelque chose aussi d’assez rassurant parce qu’on s’intègre vraiment dans un collectif qui est très puissant et très fort.