Pour répondre aux questions des auditeurs, Florian Delorme directeur par intérim de France Culture, est au micro d’Emmanuelle Daviet
Emmanuelle Daviet : Un certain nombre d’auditeurs s’inquiètent de la partialité du traitement de l’information au sujet de la réforme des retraites. Ils estiment que depuis le début du conflit, la parole est essentiellement donnée aux opposants. Je vous lis un message qui résume bien la teneur de ceux que j’ai reçus : « Je déplore en tant qu’auditeur, tout le parti pris, l’orientation constante des journaux d’information. Il y a une radicalité dans le traitement de l’information partielle et orientée et cette radicalité s’impose jour après jour. Auditeur depuis plus de 30 ans, j’éteins rapidement mon poste lorsqu’il y a les journaux d’information. Ce n’est pas parce que les propos ne vont pas dans le sens de mes principes ou de mes idées. C’est juste que vous ne faites pas une diversité d’opinions et de points de vue ».
Florian Delorme, que vous inspire ce type de réflexion ?
Florian Delorme : J’entends évidemment le commentaire et la préoccupation de cet auditeur. Par ailleurs, il faut savoir qu’évidemment, c’est une préoccupation du quotidien, pour nous, bien sûr. Pour répondre, je dirai deux choses. D’abord, il y a évidemment les faits de l’actualité. C’est à dire que ces dernières semaines, évidemment, on s’est beaucoup concentré sur les mobilisations contre la réforme des retraites et que, d’une certaine manière, c’est sur ce front là que se fait l’actualité et que donc, naturellement, il y a une tendance, en effet, à mettre peut être ces voix et ces voix d’opposition plus en avant. Mais dès lors, évidemment, notre responsabilité, c’est de nous assurer que précisément, il y a aussi d’autres points de vue qui sont entendus et de sorte à ce que, évidemment, l’antenne relaie une pluralité de positions. C’est ce que j’entends dans son commentaire. Et il a évidemment raison.
Quand on regarde un peu les choses de près, la question de la pluralité. Si on regarde du côté des magazines par exemple, j’ai regardé les différentes émissions qu’il y avait eu ces derniers temps sur ce sujet. Il y a eu « Le Temps du Débat » là où nous sommes aujourd’hui, il y a quelques jours, avec trois invités, dont le député Charles de Courson, Anne Levade, professeur de droit public, qui sont l’un et l’autre clairement positionnés à droite !
Et je pense aussi à « L’Esprit Public » qui, il y a quelques jours, recevait Dominique Schnapper, Dominique Reynié, Pierre-Henri Tavoillot, Antoine Bristielle, où il y avait clairement là des défenseurs assumés de la réforme, ce qui nous a d’ailleurs valu un certain nombre de courriels, précisément pour nous dire qu’il y avait une position là, pour le coup trop macroniste. Il y a aussi une matinale récemment sur ces enjeux là, avec la députée Astrid Panosyan-Bouvet et la sociologue Dominique Méda, qui n’avaient pas les mêmes positions sur ce sujet. Il y a les magazines, mais il y a aussi les journaux, bien sûr. Là aussi, on a fait un petit décompte parce qu’évidemment, il faut essayer d’objectiver les choses. Sur les dix invités politiques qu’on a eu dans les journaux de 12h30 ou 22h sur cette thématique, on en avait six contre la réforme, quatre pour la défendre. Sur les huit invités syndicaux. Alors évidemment, là, ils sont plutôt contre. Évidemment, même si ce n’était pas le cas pour tous, il y en avait un qui était favorable. Il y a aussi ceux qui sont, j’allais dire, ni d’un côté ni de l’autre, c’est à dire des invités qu’on peut rattacher globalement à cette thématique, mais qui n’affichent pas de parti pris. Les chercheurs, les politologues, les historiens, et là, il y en avait donc 34.
L’idée, quand on regarde tout ça, c’est de voir qu’en fait, notre ambition, elle est à la rédaction de France Culture, mais sur France Culture en général, d’offrir une pluralité de points de vue pour se forger sa propre opinion. Et j’ai l’impression, quand je vois les choses, que cette pluralité, elle est là, qu’on entend d’une certaine manière toutes les composantes de la société. C’est évidemment des choses qu’on peut probablement améliorer. On continue évidemment à prêter attention très fortement à tout ça, sachant que c’est très compliqué. Parce que quand on parle du juste équilibre, du bon équilibre, évidemment, il y a quelque chose d’extrêmement subjectif dans tout ça, chacun plaçant le curseur en fonction aussi de son propre positionnement. Mais il y a quand même un indicateur. Je vais finir avec ça Emmanuelle, si vous le permettez, ce qui permet d’objectiver les choses là aussi, c’est le temps de parole des politiques sur notre antenne qui est évidemment mesuré, y compris en dehors des moments de la campagne, par l’ARCOM. Et en l’occurrence, c’est vrai qu’on avait un tout petit retard sur le gouvernement et la majorité, ainsi que pour le Rassemblement National qui a choisi d’être très en retrait dans cette séquence politique. On le sait bien, mais on travaille pour combler tout ça et j’ai bon espoir qu’on va y arriver.
Emmanuelle Daviet : Abordons à présent un sujet de crispation pour les auditeurs les pauses musicales. Extrait d’un message reçu au service de la médiation. « Je constate depuis plusieurs mois que les émissions de France Culture sont entrecoupées de façon systématique par des plages musicales au cours du programme. Ces interruptions sont le plus souvent sans aucun rapport avec le thème de l’émission. Elles n’apportent rien et sont même une gêne à la fluidité des propos échangés. Est-ce une directive que les producteurs ont reçu et si oui, pourquoi et quel est l’intérêt ? Mais cet auditeur remercie néanmoins la chaîne pour la qualité globale de la programmation.
Et puis un autre auditeur évoque des séquences musicales massivement anglosaxonnes qui viennent gâcher le plaisir de l’écoute.
Florian Delorme, que répondez vous à ces remarques que l’on reçoit très régulièrement ?
Florian Delorme : D’abord, je ne suis pas tout à fait aligné sur la formulation, même parce que pause musicale, moi je ne me retrouve pas là-dedans. On a une conception différente de la musique à France Culture. Quand on diffuse de la musique précisément, ce n’est pas pour passer le temps, mais c’est pour dire quelque chose et pour illustrer un propos. En tout cas, c’est dans cette logique que moi, je pense les choses. Il y a certaines émissions sur France Culture qui sont consacrées à la musique, mais à chaque fois, c’est pour dire quelque chose d’une culture, des cultures et de notre monde de façon générale. Je pense par exemple à sa série musicale de Zoé Sfez. C’est toujours pour dire bien d’autres choses que seulement de la musique, d’une certaine manière. Donc, évidemment, la musique a toute sa place sur France Culture. Mais à mon sens, elle n’a pas vocation à être un interlude, un propos parlé. Et pour être tout à fait complet, non, il n’y a pas de directives, même si je pense que, en réalité, tout le monde est à peu près aligné sur cette idée de la place de la musique.