Aavec Philippe Rey directeur de la rédaction de Franceinfo et Julie Marie Leconte Cheffe du service politique de franceinfo au micro d’Emmanuelle Daviet la médiatrice des antennes
A l’occasion de médias en scène, le Festival international des médias co-organisé par franceinfo, Les Echos et Le Parisien. Eh bien, il y a ce qu’on appelle toute la journée sur notre antenne une opération transparence, porte ouverte sur l’information, sur la manière dont nous travaillons, va tenter de répondre aux questions que vous vous poser avec la médiatrice des antennes de Radio France qui est avec nous ? Emmanuel Daviet Bonsoir, François Jullien. Philippe Rey, le directeur de la rédaction. Bonsoir Philippe, Bonsoir Julien et Julie Marie Leconte, la chef du service politique de franceinfo. Nous allons parler avec vous d’indépendance et d’équilibre. Emmanuel. Notamment les équilibres des temps de parole et l’indépendance de la rédaction.
L’indépendance de la rédaction
Emmanuelle Daviet : Questions sensibles Julie Marie Leconte des auditeurs reproche régulièrement aux journalistes d’être aux ordres du pouvoir. Que vous inspire ce grief formulé au fil des gouvernements successifs ?
Julie Marie Leconte : Alors à vrai dire, ce que m’inspire ce reproche, c’est un peu de tristesse parce que tous les jours on se bat pour cette indépendance. Alors, je vais être très honnête, oui, il arrive que l’Elysée ou Matignon appellent la cheffe du service politique notamment que je suis, ou les reporters qui travaillent avec moi parce qu’ils ne sont pas d’accord avec ce qui est dit à l’antenne ou parce que ça leur déplaît. Alors c’est plus ou moins rare selon les périodes. Et en fait, ça dépend beaucoup des entourages du président de la République, de la ou du Premier ministre. Certains sont plus ou moins interventionnistes, les oppositions aussi. Et c’est d’exercer des pressions. Mais justement, nous mettons une énergie considérable à y résister. Ce n’est pas toujours facile. Parfois, il faut accepter de se fâcher. Alors non seulement nous ne sommes pas aux ordres, mais j’ai même envie de vous dire que nous assumons de déplaire, évidemment en restant juste et sans parti pris. En fait, il faut surtout expliquer à nos interlocuteurs que les intérêts peuvent diverger là où les hommes et les femmes politiques, eux, ont des enjeux de communication. Nous, notre rôle de journaliste, vraiment, c’est l’information.
Emmanuelle Daviet : Précisément, quel est votre degré de proximité avec les représentants de la classe politique ? Demande une auditrice. Les journalistes, on le sait, sont régulièrement soupçonnés de connivence avec les politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche ou de quelque parti. Un fantasme ? Ou est ce que cela correspond à une forme de réalité ? Puisqu’on le sait, il faut bien de toute façon échanger avec vos interlocuteurs.
Julie Marie Leconte : Alors moi je crois que le vrai fantasme il tient à l’idée que le journalisme politique ne serait pas un journalisme comme les autres, alors que finalement, le journalisme politique, il répond exactement aux mêmes règles que toute autre forme de journalisme. On répond aux mêmes questions Qui ? Quoi ? Quand ou comment ? Pourquoi ? Le travail de source ? Il est exactement le même. Il faut recouper les informations, évidemment, il faut savoir établir un rapport de confiance avec ses sources. Mais ça c’est vrai dans tous les dans tous les domaines journalistiques. Et ce c’est pas pour ça qu’on est, qu’on est amis ou qu’on est proches. Au contraire, quand on est dans un rapport de confiance, ça veut dire en réalité qu’on travaille dans un cadre professionnel solide. En tout cas, moi c’est comme ça que je le conçois. Là où peut être il y a une spécificité dans le journalisme politique, c’est que dans ce monde, le monde politique, il y a beaucoup de choses qui se passent à huis clos. Donc ça veut dire qu’il faut passer beaucoup de coups de fil, beaucoup recouper pour savoir ce qui s’est dit, ce qui s’est passé dans une réunion à laquelle finalement on n’a pas assisté. Donc il va falloir aller aller chercher des témoins et on met du temps à reconstituer les pièces du puzzle. Ça, c’est assez facile. Mais justement, on est très loin d’une connivence parce que ça oblige à mettre à mal les stratégies de communication, de remettre en cause la parole officielle. Si, si vous voulez. Ce qui fait que, à rebours de ce cliché de la connivence, comme je vous disais tout à l’heure, parfois au contraire, les rapports avec nos interlocuteurs peuvent être assez rugueux et j’aimerais attirer votre attention sur un point, parce que sur le fonctionnement d’un service politique, par exemple, dans mon service, y a quelqu’un qui suit la droite, il y a quelqu’un qui suit la gauche. Mais c’est pas parce que la personne qui suit la gauche n’est pas de gauche, c’est la personne qui suit. La droite n’est pas droite, ça n’a rien à voir.
Emmanuelle Daviet : On va aussi parler des opinions des journalistes. C’est une question que se posent certains auditeurs. Est ce que ces opinions restent à la porte de la rédaction, pas très loin d’ici?
Exactement. C’est la question que se posent les auditeurs. Les opinions restent elles derrière la porte de la rédaction ?
Philippe Rey : Oui, oui et trois fois oui. La porte de la rédaction est de ce point de vue là, très étanche et très imperméable. Alors bien évidemment, c’est une question récurrente, et elle traduit d’ailleurs la défiance forte de l’opinion publique envers les journalistes, et pas seulement aujourd’hui. Sont ils manipulés ? Sont ils orientés politiquement ? Et plus largement, sont ils libres ? C’est pour toutes ces raisons que Radio France vient de publier et vient de rappeler dans une charte nos principes fondamentaux de l’information. Huit points qui sont très précis, des engagements qui construisent notre travail au quotidien. Je ne vais pas développer les huit points. Il y en a un qui répond à peu près à votre question. Nous distinguons, nous journalistes, les faits, les opinions et les points de vue sont quant à eux subjectifs. Donc les journalistes doivent les éclairer, les documenter. Et de ce point de vue là, écouter toutes les parties prenantes, sans aucune exception, de manière équilibrée, cela s’appelle le pluralisme. Avec bien évidemment la rigueur journalistique qui est indispensable et une totale honnêteté intellectuelle.
Emmanuelle Daviet : Alors justement, le pluralisme. Les auditeurs nous écrivent régulièrement à ce sujet. Certains souhaiteraient savoir sur quels critères s’organise le temps de parole donnée aux politiques. Un auditeur nous écrit par exemple « Est ce que votre rédaction réfléchit aux temps de parole qu’elle donne aux ministres et aux élus de la majorité ? Si vous faisiez les calculs, vous pourriez constater qu’on entend toujours les mêmes. Philippe Rey. Cette remarque vous paraît elle fondée ?
Philippe Rey : Il faut que les auditrices et les auditeurs soient au courant que, sur les temps de parole, on ne fait pas ce que l’on veut. Tout cela est fixé par la loi. C’est donc un principe constitutionnel et cela s’impose à nous, les médias. C’est nous qui fixons les niveaux, les pourcentages des interventions des partis politiques en fonction de leurs résultats aux élections et bien évidemment de leur représentativité au Parlement, à l’Assemblée et au Sénat. L’ARCOM, comme l’autorité de régulation et de contrôle, ne fixe pas de quotas. Aucun quota. Il faut donc entendre l’expression de tous les partis. Et c’est bien normal parce que cela constitue une des conditions de l’exercice démocratique. Je rappelle, et vous le disiez tout à l’heure, qu’il existe une réglementation différente qui s’applique et qui est très contraignante en période électorale.
Emmanuelle Daviet : Alors, vous avez cité l’art comme de quelle manière le régulateur des médias vérifie que les équilibres sont tenus.
Philippe Rey : Tous les mois, absolument tous les mois, Nous transmettons les comptes de chacune de nos chaînes. Et sur la base de ces résultats, l’ARCOM nous adresse des remarques, des observations ou des alertes en relevant que tel parti, par exemple, est très en avance, que tel autre est très en retard par rapport aux moyennes que nous avons fixé. C’est donc à nous de corriger cela pour obtenir le meilleur équilibre possible. Je rappelle quand même, et là aussi les auditeurs doivent le savoir, que le non-respect de ces règles nous expose, nous expose à des sanctions financières. Cela peut même aller jusqu’à des interruptions de programmes. Donc, naturellement, ce n’est pas anodin.
Emmanuelle Daviet : Et qui fait tous ces calculs et ces relevés ?
Philippe Rey : C’est la société Yacasta qui s’occupe de cela. Elle écoute nos antennes tous les jours, du matin au soir et du soir au matin et même le week end. Et elle retranscrit et elle quantifie les interventions des hommes et des femmes politiques et les classe donc en fonction de leur étiquette de parti. J’ajoute enfin, et c’est important, que cette société d’analyse et de mesure est payée par Radio France.