Clotilde Dumetz, directrice de la rédaction de France Culture est au micro d’Emmanuelle Daviet pour répondre aux questions des auditeurs à propos de la couverture des élections au États-Unis.

Emmanuelle Daviet : Questions des auditeurs sur les élections américaines. Des auditeurs donc souhaitent savoir quels enjeux politiques, sociaux, économiques sont prioritaires dans votre couverture de ces élections, notamment dans Les Matins. Quels sont les axes éditoriaux que vous avez choisi ?


Clotilde Dumetz :Alors Emmanuelle, plus que des axes éditoriaux, nous avons un axe éditorial, celui de comprendre le pays, de développer suffisamment d’éléments, de contexte et de compréhension pour que chacun, quand le résultat de l’élection sera connu, puisse se dire « ah oui, ok, donc c’est telle et telle raison qui ont pesé sur le scrutin ». Notre proposition éditoriale, elle est donc large. Elle s’est faite sur le temps long parce que, nous le savons, les enjeux de ce scrutin dépassent les frontières des seuls Etats-Unis, à la fois par la place occupée par ce pays dans le monde, mais aussi parce qu’il en va, et les experts que vous entendez sur notre antenne le disent, il en va de l’avenir de la démocratie. Alors, pour comprendre le pays, son évolution depuis la dernière présidentielle, il y a quatre ans, nous avons accentué nos propositions depuis la rentrée. D’abord avec des témoins. Esther Duflo fait par exemple ses « Echos d’ailleurs » tous les lundis dans les Matins de Guillaume Erner à 7h20, dans Soft Power, le dimanche soir, 30 minutes pendant douze semaines, entre actualité, débats de fond, conseil de lecture. C’est une discussion avec la politiste Alexandra de Hoop Scheffer et l’ancien ambassadeur de France à Washington, Pierre Vimont, le tout évidemment animé par Frédéric Martel. Ça s’appelle « Harris-Trump : le clash ». Et si tous les épisodes sont à écouter en podcast sur le site de France Culture et sur l’appli Radio France, bien sûr, il y a une autre émission bien connue des auditeurs qui s’intéresse à la vie du monde, c’est « Cultures Monde » avec l’équipe de Julie Gacon, La présidentielle américaine Vue de. Il y a déjà deux séries pour ce podcast La présidentielle américaine vue de l’intérieur du pays à travers quatre états où se posent des problématiques spécifiques. Et puis aussi la présidentielle vue de quatre grandes villes dans le monde. On va sur le terrain bien sûr dans Cultures Monde, mais on y va aussi du côté de la rédaction avec par exemple ce qu’a fait Catherine Duthu, la présentatrice de la revue de presse internationale. Elle est allée en reportage en Floride et au Texas pour enquêter sur la censure des livres. Il y a 6000 interdictions d’ouvrages en un an aux États-Unis. Le chiffre est totalement fou. Ce grand reportage, il a été diffusé fin août. Il est à réécouter sur le site de France Culture ou sur l’appli Radio France. Le terrain à France Culture, c’est bien sûr aussi au quotidien, avec la rédaction internationale de Radio France, le correspondant de Radio France à Washington, Sébastien Paour, les différents reporters des rédactions qui partent à tour de rôle dans un état différent pour être au plus près des électeurs américains. Et en ce moment, c’est même Camille Magnard de la rédaction de France Culture qui est en Pennsylvanie.

Emmanuelle Daviet : Alors, Clotilde Dumetz, au-delà des déclarations des candidats, des programmes politiques et de leurs analyses, que prévoit votre antenne sur les citoyens américains, quels dispositifs avez vous mis en place pour offrir une approche du côté des électeurs, leurs préoccupations et leurs motivations à voter ?

Clotilde Dumetz : Aller aux côtés des électeurs, comprendre ce qui fait leur vote, c’est, je le disais, notre fil conducteur à France Culture. Je vous parlais du grand reportage de Catherine Duthu. Il y a aussi le reportage de la rédaction tous les matins à 7h25, une fois par semaine sur ces dernières semaines de campagne. C’est un reportage aux Etats-Unis et la semaine juste avant l’élection, eh bien, nous serons tous les jours à 7h25, quelque part dans ce grand pays. Le regard des électeurs des Etats-Unis sur leur élection et sur leur paysage politique, les auditeurs de France Culture l’ont entendu aussi, Emmanuelle, Il y a trois semaines, le vendredi 27 septembre, nous avons proposé une journée spéciale à l’occasion du festival America. Les écrivains américains au micro ont brossé le portrait de leur pays. Il y avait James Ellroy, Nathan Hill, etc. Des rencontres à réécouter là aussi sur le site de France Culture. Et puis cette semaine, c’est le cours de l’histoire de Xavier Mauduit qui se penche sur les grands thèmes de cette campagne américaine l’immigration, l’avortement, le rêve américain. Des thèmes abordés évidemment chez Xavier Mauduit, avec des historiens depuis lundi.

Emmanuelle Daviet : Alors les auditeurs nous ont également écrit au sujet du podcast et on peut en parler puisque ce podcast propose la présidentielle américaine vue de quatre grandes capitales ou villes à travers le monde. Comment s’est opéré le choix des villes ? Demande un auditeur.

Clotilde Dumetz : De manière assez évidente, m’a répondu l’équipe de Julie Gacon. La première ville, ce fut Jérusalem. Un an de conflits intenses au Proche-Orient et l’occasion d’explorer, d’interroger cette « relation spéciale » lie Israël et les USA. La deuxième ville : Pékin. Parce que là bas, c’est une guerre économique qui a lieu. La compétition technologique, commerciale mais aussi militaire, idéologique entre la Chine et les Etats-Unis imprègne évidemment la campagne électorale. Le choix de Bruxelles parce que les liens des Etats-Unis avec l’Europe se distendent. Le premier mandat de Donald Trump a laissé un souvenir amère aux dirigeants européens. Et si l’Amérique de Joe Biden s’est investie dans la guerre en Ukraine, sur le plan économique, la défense des intérêts américains a été régulièrement préjudiciable aux intérêts européens. L’issue du scrutin est donc très importante aussi de ce côté-ci de l’Atlantique. La quatrième ville, c’est Caracas. Durant le premier mandat de Trump, les tensions entre les États-Unis et le Venezuela se sont particulièrement accrues, avec un renforcement des sanctions économiques. La réélection présumée de Nicolas Maduro a balayé le semblant de détente qui s’était instaurée entre les deux pays, avec, derrière, des enjeux migratoires et énergétiques passionnants, a interrogé.

Emmanuelle Daviet : Lorsqu’on vous écoute, on l’entend évidemment. La spécificité de France Culture, c’est l’analyse approfondie, la contextualisation. Est-ce que la couverture de ces élections américaines est une fois de plus l’occasion pour France Culture de se distinguer dans son approche éditoriale et d’affirmer sa singularité, singularité qui est très souvent soulignée dans les messages des auditeurs que je reçois chaque jour. Et donc une singularité aussi pour eux dans le paysage médiatique français. Comment vous continuez à creuser ce sillon ?

Clotilde Dumetz : Je vais vous parler des historiens. Je peux évoquer aussi les philosophes, puisque la campagne électorale aux États-Unis, c’est aussi une série à venir dans, « Avec philosophie », il y sera, entre autres question de Tocqueville, du concept de Nouveau-Monde, de conquête, conquête de l’Ouest. Évidemment, je parlais tout à l’heure des écrivains. C’est évidemment notre sillon : éclairer le reportage de terrain avec ce que l’on appelle des grandes voix. Par exemple, Stephen Breyer, l’ancien juge assesseur de la Cour suprême des États-Unis de 1994 à 2022. Il était au micro de Guillaume Erner le 27 septembre dernier. Et si vous voulez le réécouter, c’est là aussi possible sur le site de France Culture et je ne saurais que trop vous conseiller de le faire. Dans Les grands témoins de l’actualité, Guillaume Erner part aux Etats-Unis quelques jours juste avant les élections, pour préparer aussi des entretiens avec des voix américaines de référence. Les auditeurs pourront les entendre les 6 et 7 novembre. Le 5, c’est la journée du vote, le 6, celle des premiers résultats, sachant qu’il y a quatre ans, on s’en souvient, les décomptes, les recomptes, les recomptes avait duré cinq jours. Et puis, avec les équipes de France Culture, nous nous sommes aussi demandé ce que nous pouvions américaniser dans nos propositions éditoriales. Quels endroits de décryptage de l’info pouvaient passer quelques jours sous la bannière étoilée. Alors ce sera donc du côté de la rédaction, Le Journal de L’écho à 7h30, qui la semaine du 21 octobre décryptera l’économie américaine. Et puis les semaines du 28 octobre et du 4 novembre, le billet politique sera un billet politique américain. Voilà de quoi se remplir un peu les neurones pour comprendre l’issue du scrutin.