Lancement d’un site par la Cellule investigation de Radio France afin que les auditeurs puissent alerter les journalistes pour faire d’éventuelles enquêtes. Présentation par Jacques Monin Directeur des enquêtes et de l’investigation à Radio France, au micro d’Emmanuelle Daviet.
Emmanuelle Daviet : Régulièrement, des auditeurs m’écrivent pour dénoncer une situation critique dans une entreprise ou un établissement afin que des journalistes enquêtent et alertent le grand public. Ces messages sont relayés auprès de la direction de Franceinfo ou auprès de la Cellule Investigation de Radio France, qui juge s’il faut ou non donner une suite. Il existe désormais un autre moyen pour lancer une alerte ou proposer une enquête aux journalistes, la Cellule investigation de Radio France ouvre en effet un site qui permet aux auditeurs et aux citoyens d’adresser de manière sécurisée des informations et des documents afin que des journalistes enquêtent s’ils le jugent opportun. Jacques Monin, pour quelles raisons lancez-vous ce site ?
Jacques Monin : On a essayé de réhabiliter quelque chose qui existait déjà dans un ancien monde qu’on appelait le téléphone. Il y avait des lignes directes entre certaines rédactions et leurs auditeurs, ce qui permettait aux auditeurs de transmettre des informations. C’est un peu la version modernisée de ça qu’on est en train de mettre en place. Puis on s’est dit aussi, d’une part, que des gens observent des choses là où ils travaillent, où ils vivent, dans l’environnement dans lequel ils évoluent et que parfois ils observent des choses qui posent problème, qui mériteraient peut-être qu’on vienne voir d’un peu plus près. Ils n’ont pas forcément l’occasion de le révéler. Donc ça, c’est une possibilité qu’on leur donne justement de nous alerter là dessus. Et puis, troisième élément, il est important que dans un monde où l’information a tendance à s’uniformiser, nous puissions aussi marquer notre différence. Et nous puissions aussi, de temps en temps, montrer à nos auditeurs voilà nous ce qu’on vous révèle, ce qu’on vous apprend. Ce sont nos auditeurs qui nous ont informés de ce qui se passait et c’est grâce à eux que nous sommes en mesure de vous donner une information qui se différencie de celle que vous pouvez écouter chez la concurrence.
Emmanuelle Daviet : Plus précisément, qui peut vous écrire ?
Jacques Monin : Tout le monde, tous ceux qui nous écoutent ou qui liront les articles que nous publions régulièrement sur franceinfo.fr peuvent nous alerter. Alors pour ça, c’est très simple il y a une adresse qui s’appelle alerter.radiofrance.fr Et puis, à la fin de tous les articles que nous publierons à partir de ce samedi sur le site de franceinfo.fr, eh bien nous mettrons l’URL, ce qu’on appelle l’URL, c’est à dire une barre d’adresse qui permet, en cliquant dessus, d’accéder à la plateforme qui vous permet ensuite de communiquer avec nous ou de nous transmettre tout document que vous jugez utile.
Emmanuelle Daviet : Justement, quel type de document peut on vous adresser ? Sonore, vidéo ?
Jacques Monin : Alors de tout ça, peut être des photos, ça peut être des vidéos, ça peut être des tableur Excel. Ça peut être n’importe quoi, sachant que tout ce que vous nous transmettrez, sera crypté. Ça veut dire que personne d’autre que nous n’y aura accès. Et c’est aussi l’intérêt de cette nouvelle plateforme, c’est qu’elle est anonyme et sécurisée. Donc toute personne qui voudrait lancer une alerte et qui craindrait par exemple dans son entreprise de risquer des représailles si jamais elle pouvait être identifiée, pourra le faire sans qu’elle soit identifiée puisque d’une part, toute sa communication sera cryptée et d’autre part même nous ne connaîtrons pas si elle ne souhaite pas le donner à cette personne, son nom, puisqu’elle apparaîtra sous la forme d’un numéro. Et c’est ensuite grâce à ce numéro que nous pourrons établir éventuellement, si la personne le souhaite, une communication.
Emmanuelle Daviet : Donc ça, c’est une garantie maximale de confidentialité que vous donnez à vos interlocuteurs ?
Jacques Monin : Oui, il y a une deuxième garantie qui est que pour cela, on a recours à un partenaire qui nous fournit cette plateforme. Et c’est un partenaire qui a des références. C’est une ONG qui s’appelle GlobalLeaks. GlobalLeaks a travaillé avec des institutions assez prestigieuses, comme nos confrères du Monde par exemple. C’est le système qu’ils utilisent déjà pour communiquer avec leurs lecteurs. Mais GlobalLeaks a travaillé aussi, par exemple, avec la Cour pénale internationale pour fournir justement une plateforme sécurisée qui permettait à un certain nombre de témoins de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre de témoigner sans avoir peur justement de faire l’objet de représailles. Donc, GlobalLeaks c’est une ONG qui a toujours été sensibilisée à la question à la fois de la presse mais aussi de la protection des lanceurs d’alerte et donc qui est vraiment à la pointe de ce type de système.
Emmanuelle Daviet : Je le disais en préambule, des auditeurs écrivent au service de la médiation pour alerter sur une situation qu’ils jugent critique. Il n’y a pas forcément de suite donnée à ce type d’alerte. Alors, sur quels critères retiendrez-vous une information et lancerez vous une enquête journalistique ?
Jacques Monin : Il faut que l’information soit d’intérêt public, première chose. Il faut qu’il y ait quand même un caractère systémique, c’est à dire que beaucoup de gens parfois nous écrivent parce qu’ils pensent qu’on va résoudre leur situation personnelle, parce qu’ils ont eux mêmes un litige avec une administration ou autre. On n’est pas là pour ça. Malheureusement, il y a des associations, il y a d’autres instances qui peuvent les accompagner. Nous, il faut vraiment que ce soit d’intérêt public. Si c’est le cas, après, on juge aussi de la nature de l’information. Est-ce qu’elle justifie une enquête, c’est à dire un travail de longue haleine pour aller creuser ? Ou est ce que c’est une information qui peut être révélée de manière assez rapide par des services qui sont là pour ça. Il y a des services police justice à Franceinfo, il y a un service reportage etc auquel cas on jugera de l’opportunité de la traiter nous à la Cellule investigation ou bien de la transférer à nos confrères de Franceinfo qui pourrait la publier plus rapidement.
Emmanuelle Daviet : On rappelle le site pour vous laisser une information.
Jacques Monin : C’est alerter.radiofrance.fr